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L’ETUDE DU DROIT CONSTITUTIONNEL ET DE LA SCIENCE POLITIQUE

· Développement sur le droit constitutionnel /

L'une des disciplines les plus importantes du droit public est assurément le droit constitutionnel car son application porte sur la norme ayant une valeur supérieure à toutes les autres.

*Le droit constitutionnel a plusieurs sens. Il est avant tout une science ayant pour objet l'étude de l’agencement normatif et institutionnel de l’Etat. Il procède à l'analyse sur une base normativiste et institutionnelle des phénomènes de l'Etat. Dans un autre sens, il est une prérogative, c'est-à-dire une faculté conférée par la constitution. Cette faculté est la justification de la valeur accordée aux règles d'origine ou de nature constitutionnelle qui sont un autre sens de ce terme.

*Le droit constitutionnel est une discipline du droit public qui établit des règles fondamentales dans leur forme, destinées à assurer l'organisation et le fonctionnement de l'Etat. Il s'attarde également sur les institutions politiques dont il régit les modalités de transmission et d'exercice du pouvoir.

*Deux grands courants philosophiques ont développé plusieurs théories sur le droit constitutionnel.

-Selon la conception jusnaturaliste, le droit constitutionnel est inhérent à tous les Etats. C’est une discipline universelle, découlant des valeurs intrinsèques de l’homme. Selon cette conception, le droit constitutionnel a pour objet l’organisation d’une vie publique juste dans une société politique.

-Quant aux partisans de la conception positiviste, le droit constitutionnel est relatif à chaque Etat en ce sens qu’il est un droit posé qui établit un ensemble de règles selon la réalité propre à l’Etat concerné. En ce sens, le droit constitutionnel est l’ensemble des règles édictées par les organes constituants de l’Etat suivant les formes constitutionnelles (définition formelle).

*Qu’on soit dans l’un ou l’autre des courants, le droit constitutionnel peut être appréhendé à travers deux dimensions :

-Au sens matériel : Définition par rapport à l’objet : Le droit constitutionnel est un ensemble de règles ayant pour finalité l’organisation et le fonctionnement de l’Etat, ainsi que la dévolution et l’exercice du pouvoir.

-Au sens formel : Définition par rapport à la qualité des règles constitutionnelles : Il s’agit d’un ensemble de règles ayant une valeur supérieure à celle des autres règles et adoptées selon une procédure spéciale.

· Définition des institutions politiques/

Les institutions sont les choses établies par les hommes . Il s'agit essentiellement des structures, organismes et des mécanismes existant dans une société à un moment donné de son évolution .

Les institutions politiques sont donc les choses établies par ceux-ci dans le domaine de la vie politique . Elles comprennent les règles constitutionnelles puisqu'elles survivent à leurs auteurs et finissent par prendre une sorte d'existence autonome et deviennent des choses à titre d'encadrement de la vie politique. Elles comprennent en outre les organisations qui donnent vie à l'Etat ou qui entretiennent avec lui des relations permanentes d'influences réciproques ou d'échanges (partis politiques, syndicats, groupes de pression, forces religieuses, etc.).(Tiré du cours du Prof M. Bodji)

· Information sur la science politique/

*La science politique est une discipline des sciences sociales , c’est une science sociale. Fondamentalement, la science politique utilise les mêmes méthodes que les autres sciences sociales notamment la sociologie. Elle se distingue des autres sciences sociales par son objet d’étude : la politique. Au centre de toute préoccupation sociale se trouve la réalité sociale et donc au centre de toute préoccupation politique, se trouve la réalité politique. C’est donc dans ce sens que la science politique est une science empirique, ce qui est de même pour la science sociale.

La tâche de la science politique est d’observer, décrire, analyser la réalité sociale et ensuite dégager une théorie à partir de la connaissance acquise.

Le terme « politique » est un concept polysémique.

Pour la philosophie politique, la science politique peut être appréhendée comme science de l’Etat ou science du pouvoir.

La science politique consiste à regarder le monde tel qu’il est, en se basant sur des aspects réalistes.

La science politique est d’abord la science de l’Etat avant d’être la science du pouvoir :

*Science de l’Etat :

- Pour Maurice Duverger : la Cité grecque est celle-là même qui s’est métamorphosée en Etat Nation à l’époque moderne pour être l’objet fondamental de la science politique. Pour lui, la science de l’Etat s’inscrit dans le positivisme, c'est-à-dire la présentation de l’Etat en dehors des conceptions morales ou religieuses. L’Etat repose donc sur le principe de la souveraineté, c'est-à-dire une société parfaite ne dépendant d’aucune autre et dominant toutes les autres. La souveraineté signifie la compétence exclusive de l’Etat sur toutes les activités se déroulant sur son territoire.

- Pour Léon Duguit : La science politique est autre chose que le droit constitutionnel c'est-à-dire un élément du droit public général.

*Science du pouvoir : elle se traduit par le rejet du Concept de souveraineté de l’Etat considéré comme une idéologie et non comme une réalité. La science politique, science du pouvoir repose sur le réalisme en science politique développé par les auteurs comme Max Weber , Raymond Aaron, Georges Burdeaux (Il affirme que : « le caractère politique est celui qui s’attache à tout fait, acte ou situation en temps qu’il traduit l’existence dans un groupe humain de relation d’autorité et d’obéissance établie en vue d’une fin commune ». Autrement dit, le phénomène du pouvoir exprime de façon fondamentale l’essence du politique. Le pouvoir est donc le phénomène inhérent à toute société humaine.

- Léon Duguit : va plus loin « Le pouvoir est le phénomène qui permet aux gouvernants d’obtenir l’adhésion et la soumission des gouvernés »

- Maurice Duverger : « Dans tout groupe humain, du plus petit au plus grand, du plus éphémère au plus stable, il y’a ceux qui commande et ceux qui obéissent, ceux qui donnent des ordres et ceux qui s’y plient, ceux qui prennent des décisions et ceux qui les subissent ».

La science politique est la plus ancienne des disciplines et la plus récente des sciences sociales .

· Droit constitutionnel et science politique/

Contrairement au droit constitutionnel qui a pour objet l’étude des institutions politiques, la science politique n’a pas un objectif normatif , car elle constate, elle analyse par des méthodes qui lui sont propres . Elle n’emprunte pas une méthode descriptive ou narrative des faits mais explique les rapports entre variable indépendant et montre la permanence de ces rapports qui déterminent un modèle de comportement . ( Le behaviourisme qui est la description des comportements de l’individu).

Tout est politique dans l’Etat car les comportements des uns et des autres sont généralement influencés par des décisions politiques.

Le droit constitutionnel entretient de nombreuses affinités avec la science politique. Ils ont un objet identique : l'étude des phénomènes politiques. Toutefois, l'identité de l'objet ne doit pas occulter la différence de la méthode d'approche de cet objet.

*La nature de la science politique :

La science politique analyse les phénomènes politiques en eux-mêmes sans se préoccuper fondamentalement de leur encadrement légal ou du jugement que l'on peut porter sur eux. Elle considère les faits sans a priori. En tant que discipline positive et descriptive , elle a pour ambition de rendre compte de la vie réelle d'une société. Ainsi que le soutiennent certains auteurs, le droit constitutionnel débouche inéluctablement sur la science politique car celle-ci aide à donner aux règles constitutionnelles leur véritable portée et, aussi, à préciser la physionomie des institutions politiques. Les observations fournies par le politiste ne laissent guère indifférent le constitutionnaliste car ce dernier peut en déduire des règles juridiques.

*Les limites de l'analyse politique : -La science politique peut donner d'excellentes réponses aux interrogations sur la signification, le fonctionnement et l'évolution des sociétés politiques . Mais elle est encore jeune et encore relativement incertaine sur ses méthodes et même sur son objet. -En outre, la science politique se préoccupe de tous les phénomènes politiques sans aucune exception alors que le droit constitutionnel s'intéresse aux phénomènes établis , c'est-à-dire présentant une certaine importance et, surtout, une certaine durée. -La science politique dit ce qui est alors que le droit constitutionnel met l'accent sur ce qui doit ou devrait être . En cela, les deux disciplines doivent être distinguées. Leurs démarches et leurs méthodes diffèrent en dépit de l'identité de leur objet: le pouvoir politique.

-Pour le constitutionnaliste, la science politique devrait être considérée comme une science d'accompagnement du droit constitutionnel. Elle doit être mise au service de la matière afin de mieux saisir le sens, la portée ou l'effectivité des règles constitutionnelles . -Si la démarche normative n'interdît nullement le recours à l'approche dynamique pour mieux saisir et appréhender la combinaison ou la contrariété des phénomènes étudiés, il faut se garder de mélanger les genres car l'un (le droit constitutionnel) relève de la technique d'interprétation des textes et l'autre (la science politique) de la méthode expérimentale. Il convient alors de recentrer le droit constitutionnel par rapport aux autres sciences d'accompagnement, c'est-à-dire celles qui s'intéressent de près ou de loin aux phénomènes politiques, pour qu'il ne soit pas absorbé par celles-ci.

Sujet : Distinctions entre droit constitutionnel et science politique.

Il y a plusieurs définitions possibles du droit constitutionnel. Certaines mettent l'accent sur la notion d'Etat là où d'autres insistent sur le pouvoir politique. Une partie de la doctrine réduit le droit constitutionnel à l'étude des règles fondamentales concernant l'organisation de l'Etat et le fonctionnement des gouvernements. D'autres théoriciens ramènent la matière à l'ensemble des règles de droit concernant l'acquisition, l'exercice et la transmission du pouvoir politique. Dans un sens matériel, on pourrait donc définir le droit constitutionnel comme la branche du droit public établissant un ensemble de règles ayant pour finalité l’organisation et le fonctionnement de l’Etat ainsi que l’exercice et la dévolution du pouvoir.

La spécificité de ce droit réside dans son objet. Il vise à encadrer les phénomènes politiques se produisant au sein de la sphère étatique dans des règles de droit. A cet effet, il entretient de nombreuses affinités avec la science politique. Ils ont un objet identique : l'étude des phénomènes politiques. Toutefois, l'identité de l'objet ne doit pas occulter les différences qui existent entre ces deux disciplines. Les appréhender et les étudier nous permettraient de mieux discerner le cadre général d’intervention du droit constitutionnel par rapport à la science politique.

Ce sujet pose alors un problème de rapport fondé sur les divergences qui existent entre ces deux disciplines. En d’autres termes, quelles sont les distinctions qui existent entre droit constitutionnel et science politique ?

Il est sans ignorer que le droit constitutionnel et la science politique présentent une identité d’objet. Cependant, cette réalité n’exclue pas le fait qu’elles sont deux disciplines qui ont non seulement des finalités différentes (I) mais aussi une démarche ou une méthode divergente (II) qu’il convient d’élucider.

I- Distinctions entre droit constitutionnel et science politique au niveau de leur finalité / Droit constitutionnel et science politique : Deux disciplines distinctes au niveau de leur finalité.

A- La finalité du droit constitutionnel

Le droit constitutionnel a pour but l’encadrement juridique du phénomène politique. A cet effet, il établit un ensemble de règles en vue d’encadrer juridiquement tous les phénomènes politiques. Il ne tient pas réellement compte de la réalité mais insiste sur le respect des normes constitutionnelles.

B- La finalité de la science politique

Quant à la science politique, elle se préoccupe de tous les phénomènes politiques sans aucune exception. Elle a pour finalité l’explication de tous les phénomènes politiques observables. Elle considère les faits sans a priori.

II- Distinctions entre droit constitutionnel et science politique au niveau de leur démarche et méthode / Droit constitutionnel et science politique : Deux disciplines distinctes au niveau de leur démarche ou méthode.

A- La démarche ou la méthode du droit constitutionnel

Le droit constitutionnel représente l’approche juridique de l’Etat. Il est une discipline normative qui étudie les phénomènes politiques sous un angle juridique. Contrairement à la science politique, le droit constitutionnel met l'accent sur ce qui doit ou devrait être. Sa démarche ou sa méthode est normative par rapport à la science politique. Elle insiste sur la technique d’interprétation des textes.

B- La démarche ou la méthode de la science politique

En tant que discipline positive et descriptive, elle a pour ambition de rendre compte de la vie réelle d'une société. Contrairement au droit constitutionnel, elle dit ce qui est. Elle analyse les phénomènes politiques en eux-mêmes sans se préoccuper fondamentalement de leur encadrement légal ou du jugement que l'on peut porter sur eux. Sa démarche ou sa méthode est plutôt sociologique et réaliste. Sa méthode est alors expérimentale.

Récapitulatif : Droit constitutionnel et science politique /

-Droit constitutionnel :

*Il représente l’approche juridique de l’Etat.

*But : Encadrement juridique du phénomène politique.

*Il dit ce qui devrait être.

-Science politique :

*Elle représente l’approche sociologique de l’Etat.

*But : Explication des phénomènes politiques observables.

*Elle dit ce qui est.

Complémentarité droit constitutionnel et science politique/

Deux disciplines complémentaires :

-Deux disciplines ayant le même objet : Droit Constitutionnel et Science politique étudient la même chose (c'est-à-dire les phénomènes politiques) mais pas de la même manière ou selon des méthodes différentes. Droit Constitutionnel étudie la politique, les Institutions, l'Etat à partir des règles de Droit. Science politique les étudie avec enquêtes, sondages, en se demandant ce qu'est un parti politique, une institution, cherche à connaitre les mouvements politiques du moment.

-Le droit constitutionnel, source de la science politique : La science politique est restée pendant longtemps une discipline annexe du droit constitutionnel avant de devenir autonome après la seconde guerre mondiale. Ces deux disciplines ont donc des origines communes et malgré l’autonomie avérée de la science politique aujourd’hui, elle reste sous un autre angle tributaire du droit constitutionnel dans la mesure l’étude des phénomènes politiques se fait sur une base comparative aux normes de droit constitutionnel.

-La science politique, science d’accompagnement du droit constitutionnel : Pour le constitutionnaliste, la science politique devrait être considérée comme une science d'accompagnement du droit constitutionnel. Elle doit être mise au service de la matière afin de mieux saisir le sens, la portée ou l'effectivité des règles constitutionnelles.

-La science politique, source d’évolution des normes constitutionnelles : Il est clair que sans la science politique, sans ses analyses et ses observations critiques, le droit constitutionnel serait une discipline en stagnation. La science politique a donc une influence sur le droit constitutionnel qui s’adapte aux évolutions politiques de la société.

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10 QUESTIONS REPONSES EN ORGANISATION JUDICIAIRE

Cahiers de méthodologie juridique

La comparaison des droits (constitutionnels)

2. - Un champ ouvert ? , Cahiers N°34 - RRJ - 2020-3 , SECONDE PARTIE PERSPECTIVES PLURIELLES SUR LA STRUCTURATION DE LA RECHERCHE JURIDIQUE

Marie-Claire PONTHOREAU

Professeure de droit public, université de bordeaux.

Le comparatisme peut être conçu comme une passerelle entre les différentes sciences sociales. Cependant, le comparatiste doit reconnaître que le comparatisme n’est pas forcément synonyme d’interdisciplinarité car tout dépend de la conception du droit qu’il retient. La voie de l’interdisciplinarité n’est praticable qu’à la condition de concevoir le droit d’une manière qui échappe aux seules sources officielles du droit. Alors l’esprit d’enquête peut s’épanouir dans un effort de contextualisation du droit et une variation d’échelle sur son objet de recherche. Les sciences sociales peuvent néanmoins se retourner contre la comparaison des droits car si la pratique interdisciplinaire présente des intérêts, elle est aussi parsemée de chausse-trapes. Le défi est alors d’apprendre à composer avec les autres champs du savoir sans s’y engloutir. En effet, il ne s’agit nullement d’adopter le point de vue d’une autre science sociale, mais de prendre appui sur l’histoire ou un autre savoir pour éclairer, par exemple, la compréhension de la constitution.

comparaison des droits – interdisciplinarité – posture épistémologique – contexte épistémologique – méthodologie – contextualisation – variation d’échelle – enquête comparative – droit constitutionnel – sciences politiques – méthodes quantitatives – perspective postcoloniale

Comparatism can be conceived as a bridge between different social sciences. However, the comparative lawyer must recognise that comparative law is not necessarily synonymous with interdisciplinarity, because everything depends on the conception of law that he or she chooses. The path of interdisciplinarity is only practicable on the condition that law is conceived in a way that goes beyond the official sources of law. Then the spirit of enquiry can flourish in an effort to contextualise the law and vary the scale of its research object. The social sciences can, however, turn against the legal comparison, for although interdisciplinary practice has its advantages, it is also fraught with pitfalls. The challenge is to learn how to deal with other fields of knowledge without becoming engulfed in them. It is not a question of adopting the point of view of another social science, but of using history or other knowledge to shed light on the understanding of the constitution, for example.

comparison – nterdisciplinarity – epistemological posture – epistemological context – methodology – contextualisation – scale variation – comparative enquiry – constitutional law; political science – quantitative methods – postcolonial perspective

Introduction

De manière schématique, il se pratique deux façons de comparer en droit : une manière résolument positiviste puisque le droit correspond aux seules règles de droit en vigueur et une manière ouvertement culturelle puisque le droit est assimilé à une science sociale. Avec cette dernière option, les comparatistes s’éloignent de l’emprise techniciste et donc de l’assimilation entre droit et règles, d’une part, et droit et État, d’autre part. Le droit n’est pas une donnée mais à construire. En d’autres termes, comprendre le droit différemment que de manière strictement formelle suppose d’adapter son approche en utilisant les méthodologies des sciences sociales pour répondre aux questions juridiques. Sans aucun doute, les positions ne sont-elles pas aussi tranchées, mais ce qui compte tient à ce que l’on perçoit plusieurs manières de comparer et, donc, une variété de comparaisons réalisables. D’un point de vue épistémologique, des alternatives sont possibles et cela n’est pas rien pour la connaissance du droit. La doctrine comparatiste, ayant connu au cours des années 2000 son « methodological turn », est désormais nettement plus ouverte sur le pluralisme en son sein et même voit avec suspicion ceux qui prônent la « bonne » manière de comparer. Une gradation dans la comparaison peut être proposée bien que la contextualisation soit la manière de comparer la plus en profondeur. En d’autres termes, elle exige d’articuler la norme juridique sur différents contextes (linguistique, historique, social, politique…). Cette approche privilégie l’apport d’autres savoirs. Cette discussion sera menée en ayant à l’esprit quelques réserves et limites qu’il est préférable d’afficher d’emblée. D’abord, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de bonne méthode que cela signifie que toute démarche repose sur l’intuition ou l’imagination, même si ces dernières jouent un rôle. Il appartient au contraire aux juristes (comparatistes) de préciser leurs choix méthodologiques et d’afficher leur objectif. Ensuite, si les questions méthodologiques sont peu consensuelles, c’est parce que se joue en arrière-plan la manière de concevoir le droit et donc l’objet d’étude (ici de comparaison) : les normes vs. le discours sur les normes ; l’énoncé des règles vs. leur effectivité. Ce sont des dichotomies traditionnelles et donc plutôt habituelles qui posent le problème central de l’autonomie du droit par rapport aux autres savoirs. À partir de l’étude du droit constitutionnel, ces directions seront explorées en vue de comprendre en quoi le comparatisme est une passerelle entre les sciences sociales (I). L’inquiétude des juristes peut toutefois conduire à fermer cette passerelle de crainte de voir la discipline juridique perdre son autonomie (II).

I. Un comparatisme ouvert aux sciences sociales

Le comparatisme peut être conçu comme une passerelle entre les différentes sciences sociales 1 G. Jucq uois, Ch. Vielle (dir.), Le comparatisme dans les sciences de l’homme. Approches pluridisciplinaires, De Boeck Université, Bruxelles, 2000. . Le comparatiste peut même avancer qu’il est en quelque sorte « naturellement » conduit à s’intéresser à ce qui sort de son univers juridique ; ce qui le mène à pousser sa recherche jusqu’aux frontières disciplinaires. Ce n’est toutefois une voie praticable qu’à la condition de concevoir le droit d’une manière qui échappe aux seules sources officielles du droit (A). Alors l’esprit d’enquête peut s’épanouir dans un effort de contextualisation du droit et une variation d’échelle sur son objet de recherche (B).

    A.   Une ouverture dépendante de la conception du droit (constitutionnel)

La comparaison des droits porte en elle un projet d’interdisciplinarité 2 Par exemple, voir H. Muir-Watt, « Ceci n’est pas une pipe. Le droit comparé n’est pas une discipline juridique », in F. Audren, S. Barbou des Places (dir.), Qu’est-ce qu’une discipline juridique ?, Paris, LGDJ-Lextenso, 2018, p. 115. Aussi P. Legrand, « Au lieu de soi » in P. Legrand (dir.), Comparer les droits, résolument, Paris, PUF, 2009, p. 11. . Cependant, le comparatiste doit reconnaître que le comparatisme n’est pas forcément synonyme d’interdisciplinarité car tout dépend de la conception du droit ( i.e. science du droit en tant que discours sur le droit) qu’il retient. Ce n’est certes pas nouveau d’avancer que l’objet de la recherche est à construire et repose sur une posture épistémologique. Toutefois, cela se vérifie pleinement dans une étude comparée. Affirmer la construction de la comparaison est quand même important car en France, la tradition techniciste a longtemps été dominante et elle favorise une conception du droit comparé comme instrument d’exportation du droit national ou bien de réformes internes. De cette vision du comparatisme, il en a résulté un intérêt avant tout pour les droits étrangers et moins pour les fondements du droit comparé. Cela a par conséquent favorisé une étude descriptive et formelle des droits étrangers focalisée sur la question suivante : « qu’est-ce que le droit ? » et non pas « comment pense-t-on le droit ? ». Bien que les études comparatives soient ontologiquement liées à différentes traditions juridiques nationales, elles restent imprégnées par des représentations philosophiques telles que la hiérarchie des normes et le pouvoir territorial de la souveraineté 3 Sur le rôle de l’européanisation et de la globalisation du droit dans le renouvellement du comparatisme, voir M.-C. Ponthoreau, Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), Paris, Economica, 2010, p. 50 (2e éd. revue et augmentée à paraître en septembre 2021). qui conduisent à faire prévaloir des recherches comparatives centrées sur les règles de droit positif.

Alors que la méthode liée au positivisme se propose l’étude du droit positif et donc des seules règles de droit émanant de la souveraineté étatique ou reconnues par celle-ci, le comparatisme instruit par les sciences sociales envisage une étude du droit qui va au-delà des seules règles posées. Surtout, le positivisme dans sa version normativiste limite la recherche aux seuls énoncés juridiques et aux interprétations données en particulier par les juges. De plus, le positivisme part du principe qu’il est à la fois possible et nécessaire de distinguer entre le droit et la science du droit et de limiter cette science à la connaissance descriptive ou explicative de son objet à l’exclusion de tout jugement de valeur. L’objet d’étude est donc limité au droit « qui est » en excluant le droit « qui doit être ». Autant l’extériorité par rapport à son objet d’étude est important afin de développer un point de vue critique sur le droit, autant cette extériorité n’est ni la condition sine qua non de la scientificité des études juridiques (qui relève plus de la pertinence et du sérieux du travail ainsi que de sa reconnaissance par la communauté scientifique), ni un ersatz d’objectivité scientifique emprunté au modèle épistémologique des sciences de la nature. La posture épistémologique en droit influence le chercheur dans le choix du traitement de son objet, voire même le choix de l’objet en tant que tel. Le champ d’étude peut s’élargir considérablement dès lors que le chercheur écarte une vision purement normativiste. Il peut ainsi comprendre les règles juridiques non écrites. Sans se contenter d’observer la façon dont les règles sont appliquées en pratique, il est possible aussi de chercher à déchiffrer les fondations intellectuelles, les principes autour desquels les règles et les institutions sont organisées. Cette conception du droit correspond à une conception selon laquelle le droit ne peut être défini par la référence exclusive à ses règles, à ses solutions et à ses institutions. Dans le prolongement de la suggestion faite par le grand constitutionnaliste américain, Laurence H. Tribe, « la constitution visible flotte nécessairement dans un vaste, profond – et surtout invisible – océan d’idées, de propositions et de souvenirs remontés à la surface » 4 L.H. Tribe, The Invisible Constitution, Oxford, OUP, 2008, p. 9. . C’est une conception qui fait toute sa place à la pensée juridique et donc au rôle des universitaires dans la construction de la discipline. Cela implique qu’il est nécessaire de s’intéresser aux méthodes de raisonnement, aux méthodes d’interprétation et à l’analyse des discours doctrinaux. En ce sens, cela suppose donc de creuser les différences culturelles liées aux traditions universitaires et aux cadres conceptuels de la doctrine, ce qui est important en soi pour comprendre la formation d’une discipline et le poids de la doctrine sur la définition de son objet d’étude. Par exemple, l’aspect ordinaire des disciplines juridiques passe en France par le commentaire d’arrêts alors qu’il passe par le commentaire des lois en Allemagne. Que faut-il en déduire sur la place respective du juge et du législateur dans la formation du droit selon que le juriste se situe de l’un ou l’autre côté du Rhin ?

Cette conception n’ignore donc pas le rôle joué par la doctrine dans la définition de l’objet et des méthodes pour comprendre le droit (constitutionnel). En ce sens, l’apport méthodologique de Jellinek est essentiel et constitue, en quelque sorte, le chaînon manquant entre l’épistémologie, la théorie du droit, le droit (constitutionnel) et le comparatisme. Pour clarifier la notion de droit, Jellinek expose deux méthodes qu’Olivier Jouanjan met en avant dans son éclairante préface de la réédition de L’État moderne et son droit :

« Dans la première, on essaie de considérer la nature du droit comme celle d’une puissance indépendante de l’homme, ayant sa raison d’être dans la nature objective de l’être ; la seconde consiste à regarder le droit comme un phénomène subjectif, c’est-à-dire d’ordre humain interne ».

Jellinek délaisse la première méthode liée à la spéculation pour s’intéresser au droit d’un point de vue psychologique, et donc selon cette seconde méthode :

« le droit est à considérer comme une partie des représentations humaines ; il existe dans nos cerveaux ; définir le droit, c’est établir quelle partie du contenu de notre conscience doit être désignée sous ce nom » 5 Cité par O. Jouanjan, « Georg Jellinek ou le juriste philosophe » in G. Jellinek, L’État moderne et son droit. Première partie Théorie générale de l’État (1911), rééd. Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2005, T. I, p. 51. .

Cette conception du droit renvoie au courant comparatiste « Law as Culture » selon lequel les idées qui sous-tendent les règles et les institutions, ce que William Ewald appelle « le droit dans l’esprit » ( Law in mind ) 6 W. Ewald, « Comparative Jurisprudence (I) : What Was It Like To Try a Rat ?, 143, University Pennsylvania Law Review, 1995, p. 1947. , méritent l’attention des comparatistes. Cette conception renvoie aussi à celle défendue par Pierre Legrand qui, lui, préfère parler de « mentalité » 7 P. Legrand, Le droit comparé, Paris, PUF, Q.S.J, 3e éd., 2016, p. 37-39. . Ces auteurs soutiennent toutefois l’idée d’une finalité unique pour le comparatisme ou, plus sûrement, pour l’étude des droits étrangers 8 Tout en partageant cette conception du droit comme culture, nous pensons toutefois que la pratique du comparatisme reflète une diversité des finalités et donc une pluralité de méthodes. Le comparatisme pluraliste vise à révéler cette diversité car l’essentiel est le rôle assigné à la recherche et donc le lien consubstantiel entre l’objet de la recherche et la méthode choisie : voir M.-C. Ponthoreau, op. cit., p. 203. : déchiffrer la façon dont les acteurs en présence dans les différents systèmes juridiques (les juges, les avocats, les législateurs, les citoyens face à la loi…) pensent, conçoivent et utilisent le droit. Ils cherchent donc à saisir ce qui se passe dans le cerveau des principaux acteurs du système juridique. Autrement dit, l’objectif est d’aller au-delà de la « couche superficielle » des énoncés juridiques 9 P. Amselek, Cheminements philosophiques dans un monde du droit et des règles en général, Paris, Armand Colin, 2012, p. 24. .

La manière de concevoir le droit, d’une part, et la manière de concevoir la comparaison, d’autre part, sont donc étroitement liées 10 Nous défendons ici un comparatisme conscient de faire oeuvre théorique, même si tous les comparatistes ne le font pas, c’est-à-dire une « entreprise de réflexivité, ce méta-métadiscours » partagé avec les théoriciens du droit. A. Viala, « Le droit constitutionnel à l’heure du tournant arrêtiste. Questions de méthode », RDP, 2016, p. 1137 ; V. Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, 2e éd., Paris, Dalloz, 2016, p. 16. . Il y a un lien réciproque, l’une détermine l’autre ou vice-versa. On peut observer de manière complémentaire qu’une approche sceptique à l’égard des règles de droit n’est toutefois pas le propre d’une démarche comparative. Les théories alternatives au positivisme visent toutes à proposer une autre approche. Par exemple, le réalisme juridique américain a défendu au début du XXe siècle que le droit ne fonctionne pas à partir des règles officiellement affichées et des concepts généraux censés rendre compte des décisions des juges. Les réalistes américains se sont donc intéressés aux raisons réelles à l’origine des décisions judiciaires i.e. les considérations politiques, économiques et sociales. Aux États-Unis, la critique vient moins du droit comparé que des doctrines contestataires ( Law in Context, Law and Economics, Law and Literature …) 11 G.A. Bermann, « The Discipline of Comparative Law in the United States », RIDC, 4-1999, p. 1041. . Selon les pays, la doctrine comparatiste a développé plus ou moins une critique « contre la culture positiviste formaliste » 12 P.G. Monateri, « Critique et différence : le droit comparé en Italie », RIDC, 4-1999, p. 992. . La doctrine nationale est en effet plus ou moins marquée par l’empreinte positiviste. Ainsi, son impact peut-il s’expliquer en France par le légicentrisme, c’est-à-dire l’idée que la loi est la seule source du droit et que toutes les décisions prises par des autorités administratives ou des juges sont simplement déduites de la loi. Cela laisse peu de place à une réflexion sur la nature du droit ou à une remise en cause de ses concepts fondamentaux. La formation enseignée met avant tout l’accent sur les données techniques puisque le juge ou l’avocat ou l’administrateur doit rechercher la solution aux problèmes juridiques dans le droit national écrit. Conscient de l’utilisation de la comparaison pour servir différentes lectures du droit, le regard se détache de la vision techniciste pour développer une conception informée par les sciences sociales et donc portée par le projet interdisciplinaire. Cette approche invite à ne pas limiter l’horizon au droit connu (ou plus exactement censé être connu). Mais il y a plus : d’une part, le comparatisme, conduisant à aller « voir ailleurs », invite à sortir de l’univers juridique ou, du moins, à pousser sa recherche jusqu’aux frontières des disciplines et, d’autre part, cette démarche critique vise à éliminer les lieux communs (la séparation des pouvoirs, par exemple) et à déconstruire le mythe de la réponse exacte. Ainsi, Bruce Ackerman, constitutionnaliste américain initialement hostile au comparatisme, a utilisé cet argument pour défendre, dans son article sur « la nouvelle séparation des pouvoirs », un retournement notable au sein de la théorie constitutionnelle américaine : le régime parlementaire rationalisé contre le régime présidentiel 13 B. Ackerman, « The New Separation of Powers », 113, Harvard Law Review, 2000, p. 635. . Pour le constitutionnaliste, toute étude (comparative) suppose aussi de préciser sa conception de la constitution, notion faussement claire parmi les notions juridiques 14 C. Grewe, H. R uiz Fabri, Droits constitutionnels européens, Paris, PUF, 1995, p. 33. . Si cette dernière est présentée comme un texte juridique identique aux autres, un projet interdisciplinaire peut difficilement s’épanouir. Une méthodologie juridique close sur elle-même sera suffisante. Ce n’est que si la constitution est vue comme un texte à la fois politique et juridique qu’une ouverture méthodologique sera à la fois possible et nécessaire. Cette option, en effet, conduira plus facilement à formuler des interrogations sur les bases historiques et matérielles du droit constitutionnel et sur les implications relatives à son interprétation et à son application. Les études de droit politique se focalisent en particulier sur les institutions politiques de manière à comprendre, au-delà du texte constitutionnel, la dimension institutionnelle de l’ordre constitutionnel et, concrètement, l’exercice du pouvoir 15 M. Altwegg-Boussac, « Le droit politique, des concepts et des formes », Jus Politicum, n° 24, 2020 [http://juspoliticum.com/article/Le-droit-politique-des-concepts-et-des-formes-1326.html] . Rechercher une compréhension en profondeur et dans le temps du droit constitutionnel suppose aussi une approche culturelle de la constitution axée sur sa singularité et ses marqueurs identitaires 16 Sur la fonction d’intégration de la constitution, M. C. Ponthoreau, op. cit., p. 266. . De la sorte, les études constitutionnelles comparatives peuvent prendre comme notion clé, les cultures constitutionnelles : elles offrent la possibilité d’étudier différemment les constitutions et de structurer les problèmes auxquels les constitutionnalistes sont confrontés. Les cultures constitutionnelles sont le prisme par lequel le droit constitutionnel est analysé de manière à faire comprendre que « le droit étant jamais qu’un phénomène socialement ancré, il doit émaner de la société et s’inspirer de sa culture, au risque de ne pas être reconnu, donc ne pas être » 17 E. Kohalhauer, Le droit politique comme théorie constitutionnelle. Proposition de systématisation, Thèse de l’Université de Montpellier, 2019, p. 380. . Et en tant que comparatiste, le chercheur devra aussi envisager l’hypothèse de la constitution non codifiée. Une telle hypothèse ouvre une autre voie pour l’étude de la constitution. Au-delà de la comparaison, cela permet en effet de comprendre que tout n’est pas dans le texte constitutionnel et ainsi d’éviter de tomber dans le travers de la sacralité de la constitution écrite. Comment se traduit d’un point de vue méthodologique cette conception du droit et du comparatisme ouverte aux sciences sociales ? Par l’esprit d’enquête : de la sorte, la comparaison juridique entre en conflit avec la conception du droit qui repose sur l’autorité de la source formelle du droit puisqu’elle vise à penser la comparabilité et donc ne peut se contenter de la simple référence aux sources officielles du droit. La terminologie « enquête comparative » est désormais couramment utilisée par les juristes anglo-américains largement inspirés par les méthodes pratiquées en sciences sociales 18 En français, voir la synthèse de C. Vigour, La comparaison dans les sciences sociales, Paris, La Découverte, 2005 et, en particulier pour la science politique, D.-L. Seiler, La méthode comparative en science politique, Paris, A. Colin, 2004. pour lesquelles les procédés d’exposition participent pleinement du travail de recherche. L’enquête comparative devient son propre miroir à travers une mise en abyme. Elle vise à partager avec le lecteur, voire à l’associer au travail du comparatiste dans la production de son objet d’étude. Cette enquête dont l’objectif est de construire la comparabilité, peut être décomposée en trois phases qui, dans la pratique, ont fortement tendance à se confondre : d’abord la contextualisation, ensuite le choix des cas et, enfin, la justification de la comparaison 19 Pour un approfondissement sur l’enquête comparative, voir M.-C. Ponthoreau, op. cit., p. 73. . Ici, ne sera retenue que la première étape propre à développer un projet interdisciplinaire 20 La deuxième étape aussi est vue par certains comparatistes comme un moment privilégié de la rencontre entre droit et sciences sociales, en particulier entre cas constitutionnels et politique comparée dans sa dimension quantitative. Mais, précisément, on se dissocie ici de ce rapprochement vu par certains politistes comme méthodologiquement plus rigoureux que la méthode comparative constitutionnelle : voir nos critiques dans la seconde partie de cet article et contra : R. Hirschl, « On the blurred methodological matrix of comparative constitutional law », in S. Choudhry (ed.), The Migration of Constitutional Ideas, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 47. .

   B.   Une ouverture concrétisée par l’esprit d’enquête

On ne peut nier les difficultés matérielles que pose toute activité de comparaison. Un certain nombre de précautions d’usage sont à prendre. Ces précautions sont élémentaires, et surtout conduisent à prendre d’emblée conscience de la nécessaire prise en compte du contexte et donc à avoir des connaissances linguistiques de manière à accéder à des matériaux de première main ; à prendre en considération le fonctionnement effectif du ou des système(s) juridique(s) à comparer et à intégrer le mode de raisonnement du juriste du ou des pays envisagé(s). Il y a plus : il faut avoir une connaissance des concepts juridiques dans leurs propres contextes pour éviter des erreurs d’interprétation. En appréhendant une autre réalité juridique que la sienne, le comparatiste risque en effet de déformer cette réalité dans laquelle le juriste national ne se trouve pas forcément. Il est donc appelé à faire un effort de contextualisation qui le mène sur le chemin de l’interdisciplinarité (1) et à varier d’échelle (2).

   1.  Un effort de contextualisation

Le comparatiste ne peut, quoi qu’il arrive, prétendre aborder les problèmes juridiques de la même manière que le juriste national (on peut reprendre le bon mot de l’historien Georges Dumézil, « Si j’allais chez les anthropophages, je tâcherais d’en savoir le plus possible sur eux, mais je resterais loin de la marmite »). Précisément, la mise en situation a pour objectif d’atténuer les effets de distorsion. Les comparatistes font parfois un usage commode, voire paresseux, du contexte qui vise à produire un effet de réel autour de l’objet de recherche. Les constitutionnalistes qui s’inscrivent dans la démarche de « droit politique » ou « droit comme culture », vont beaucoup plus loin en mettant l’accent sur le cadre des perceptions et de compréhension de chaque communauté juridique de manière à expliquer comment cette communauté conçoit le droit. Leur réflexion a conduit à insister sur la nécessité de tenir compte de la langue, des institutions, des concepts, des valeurs et pratiques sur lesquels s’articule chaque norme juridique 21 M. van Hoecke, M. Warrington, « Legal Cultures, Legal Paradigms, Legal Doctrine : Towards a New Model for Comparative Law », 47, International Comparative Law Quarterly, 1998, p. 498. . C’est le problème de la contextualisation qui est ainsi posé. De manière traditionnelle, les contextes juridique et extra-juridique sont distingués. La connaissance du contexte juridique est le plus souvent acquise grâce à la formation reçue par le juriste. De manière inconsciente mais réelle, cette connaissance joue un rôle sur la manière dont le droit est perçu, interprété et appliqué. La précompréhension d’une règle juridique est déterminée par les préjugés traduisant l’appartenance du juriste à la communauté, unie par une tradition commune, qui l’a éduqué. S’agit-il vraiment de saisir et de comprendre comme l’autre ? L’intérêt de la démarche comparative ne serait-il pas d’apprendre des autres par les différences ? Mais, pour ce faire, l’esprit juridique est-il suffisamment ouvert ? L’intérêt envers la culture juridique permet de réunir les deux composantes de tout système juridique : d’un côté, sa partie visible, en d’autres termes, les éléments structurels que sont les concepts et institutions et, de l’autre, sa partie invisible ou, du moins plus difficilement perceptible, c’est-à-dire les éléments culturels, notamment la manière de concevoir le droit et de raisonner en droit. L’approche culturelle conduit le juriste à porter son attention sur les éléments autres que les règles de droit de manière à saisir en profondeur les normes ou, pour reprendre l’heureuse formule de Rodolfo Sacco, la dimension muette du droit 22 R. Sacc o, « Le droit muet », RTD civ., 1995, p. 783. . À ce stade, on perçoit la complexité du travail de contextualisation puisqu’il fait aussi bien appel à des connaissances juridiques qu’à des connaissances extra-juridiques, notamment idéologiques, socio-économiques, historiques et linguistiques. Cela n’empêche pas de se demander quel est le « contexte pertinent » pour déchiffrer complètement et correctement des règles juridiques étrangères. Pour Mark Van Hoecke, la solution peut être la recherche collective avec des juristes des différents pays concernés bien que seul un dialogue intense permette de recouvrer les différences et les similarités et de déterminer leur pertinence pour les règles comparées. Surtout, il pose une limite importante au travail comparatif : la pertinence de la contextualisation ne peut reposer que sur une intensive recherche empirique et ce n’est que lorsqu’on disposera de résultats suffisants nombreux qu’une théorie du « contexte pertinent » pourra être proposée. Mais jusqu’à présent, de telles recherches empiriques font largement défaut 23 M. van Hoecke, « Deep Level of Comparative Law », in M. van Hoecke (ed.), Epistemology and Methodology of Comparative Law, Oxford, Hart, 2004, p. 167. . L’enquête comparative exige toutefois une solution plus opératoire. De manière concrète, on peut donner une double précision : d’une part, l’intensité de la contextualisation dépend des buts de la comparaison et, d’autre part, l’articulation des contextes sera reconfigurée en fonction de l’avancement de la recherche. La comparaison qui s’attache aux seules règles de droit positif, sera certainement plus superficielle que celle qui cherche à les replacer dans un contexte sociocognitif plus large qui accorde notamment toute sa place au culturel. On peut sans doute imaginer différents degrés de contextualisation. Le degré le plus abouti est celui d’une comparaison développée sur plusieurs niveaux : en multipliant les angles de vision sur un objet supposé identique, le comparatiste peut ainsi prétendre à une prise de conscience de la complexité juridique et à une compréhension critique du droit. Mais en dernière analyse, il n’y a pas une seule et bonne méthode et, en ce sens, il ne s’agit pas d’opposer le fonctionnalisme au contextualisme 24 Voir aussi, la méthode contextuelle proposée par U. Kischel qui constitue un point de vue modéré qui vient enrichir la contextualisation, étape désormais vue comme capitale pour toute comparaison et en complément du fonctionnalisme. La méthode fonctionnelle consiste en la recherche, dans les systèmes juridiques que le comparatiste étudie, d’un équivalent fonctionnel, c’est-à-dire d’un concept ou d’une règle de droit, qui même différent, remplisse les mêmes fonctions ou aboutisse au même résultat. U. Kischel, « La méthode en droit comparé. L’approche contextuelle », RIDC, 4-2016, p. 907. . Il appartient, au contraire, aux comparatistes de trouver le degré de contextualisation adapté à la recherche menée. Partant de l’exemple constitutionnel, la distinction traditionnelle entre le contexte dans lequel la constitution naît et celui dans lequel elle vit, s’impose. Une fois consolidée, elle peut devenir le support d’une culture constitutionnelle laquelle n’est pas forcément préexistante. Le pouvoir symbolique d’une constitution s’accroît avec les ambigüités de son interprétation. Il convient néanmoins de souligner immédiatement qu’une culture constitutionnelle n’est jamais univoque et incontestable. C’est pourquoi il n’y a pas de contexte homogène et unifié à l’intérieur duquel les acteurs (institutionnels, juges et membres de la doctrine) détermineraient leurs choix et leurs pratiques 25 Dans ce sens, M. Tushnet, « Reflections on comparative constitutional law », in S. Choudhry (ed.), The Migration of Constitutional Ideas, cit., p. 82. . La constitution peut faire l’objet de plusieurs représentations et appropriations. D’une part, une disposition constitutionnelle peut donner naissance à plusieurs interprétations doctrinales. D’autre part, elle ne fait pas forcément l’objet d’une même interprétation par les différents types d’acteurs. Il suffit de penser à la controverse française sur la signature présidentielle des ordonnances qui a surgi en 1986 lors de la première cohabitation. La norme constitutionnelle doit être recherchée dans le texte constitutionnel, dans la jurisprudence, dans l’interprétation donnée par les acteurs politiques, par les membres de la doctrine et aussi dans les usages sociaux de la constitution. Ces différents éléments peuvent être combinés pour mieux comprendre l’appropriation dont fait l’objet la constitution quelle que soit sa forme (écrite ou non). Les variantes sont donc très nombreuses. Il suffit de penser par exemple à la profonde pénétration de la doctrine constitutionnelle allemande dans la jurisprudence alors que la doctrine française ne joue pas un rôle si prégnant. Il convient néanmoins de nuancer en ajoutant que la fréquente citation de l’opinion des professeurs allemands dans les décisions de justice n’a pas d’équivalent en Europe 26 À propos de l’influence actuelle de la doctrine allemande sur la production du droit : S. Vogenauer, « An Empire of Light ? II : Learning and Lawmaking in Germany Today », 26, Oxford Journal of Legal Studies, 2006, p. 627. . De manière générale, une culture constitutionnelle peut paraître plus formaliste qu’une autre. Mais sur une question précise, il conviendra de dégager les différentes interprétations et pratiques possibles. Enfin, le contexte institutionnel est important. En particulier, il n’y a pas forcément un contrôle de constitutionnalité des lois et donc il faut pouvoir imaginer le respect de la constitution sans un juge pour en sanctionner la violation. Le contexte institutionnel suppose par ailleurs de prendre en compte deux autres aménagements : la forme d’État (structure fédérale, régionale ou décentralisée de l’État) et la forme de gouvernement. Pour rendre compte d’un système juridique étranger, il faut déterminer quelles en sont les principales caractéristiques et éventuellement l’originalité de certaines règles écrites ou non. En des termes plus généraux, il s’agit de délimiter un « espace de pertinence » dans lequel « tout » ne peut rentrer. Certains éléments sont mis en relief alors que d’autres sont minimisés, voire exclus. Dans le cadre de l’enquête comparative, le chercheur sera appelé à justifier l’opération de reconstruction proposée 27 Sur l’importance de la justification en droit comparé pour éviter la critique de manque de scientificité, voir M.-C. Ponthoreau, op. cit., p. 84. . Il pourra aussi faire appel à la variation d’échelle pour comprendre la complexité de l’objet par la multiplication des perspectives sur l’objet étudié.

   2.  Une variation d’échelle

Savoir changer d’échelle, c’est le conseil donné par l’historien Jacques Revel qui s’appuie notamment sur le film de M. Antonioni, Blow up (1966), pour convaincre de cette nécessité. Antonioni raconte l’histoire d’un photographe londonien qui fixe sur la pellicule une scène dont il est témoin. Or, cette scène lui est incompréhensible ; les détails n’en sont pas cohérents. Intrigué, il agrandit ses images jusqu’à ce qu’un détail invisible le mette sur la piste d’une autre lecture de l’ensemble : « La variation d’échelle lui a permis de passer d’une histoire dans une autre (et, pourquoi pas, dans plusieurs autres) » 28 J. Revel, « Micro-analyse et construction du social » in J. Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard, 1996, p. 36. . Revel a puisé dans un mouvement de l’historiographie développé à partir des années 1970 en Italie : la micro histoire. Ce mouvement, sans véritable programme de recherche cohérent et préoccupation théorique affichés, a formulé de nouvelles pistes visant à remettre en cause une histoire fondée sur une forme d’analyse quantitative où la production de tableaux et de graphiques guidait la construction historique et dans laquelle prédominaient les déterminations économiques et le poids des masses. La micro histoire donne au contraire sa place aux individus et donc aux cas singuliers capables de mettre à l’épreuve les modèles généraux. S’ouvre ainsi la perspective d’une histoire différente car non seulement la focale d’observation n’est plus la même, mais aussi le point le vue sur la représentation du monde. « Faire varier les échelles dans la comparaison » n’est sans doute pas l’objectif premier des historiens, mais la micro histoire, parce qu’elle cherche à articuler l’action collective et l’expérience individuelle, a retenu l’attention des autres sciences sociales 29 C. Vigour, « Faire varier les échelles dans la comparaison » in P. Legrand (dir.), Comparer les droits, résolument, Paris, PUF, 2009, p. 358. . Les travaux des historiens sur les jeux d’échelles peuvent aussi inspirer les juristes 30 Voir la thèse de R. Baumert, La Découverte du juge constitutionnel, entre science et politique : Les controverses doctrinales sur le contrôle de la constitutionnalité des lois dans les républiques française et allemande de l’entre-deux-guerres, Paris, LGDJ, coll. « Fondation Varenne », 2009. L’auteur mène une étude historique des idées politico-juridiques relatives à la justice constitutionnelle : il varie les perspectives sur son sujet en mobilisant différents instruments d’analyse par une contextualisation (historique et politique) des discours doctrinaux et par une articulation de l’action collective (la doctrine comme un tout) et de l’action individuelle (approfondissement de l’argumentaire de certains auteurs influents). Il parvient ainsi à la fois à rendre compte d’un contexte doctrinal non unifié et à restituer à ces logiques discursives leur intelligibilité, en tenant compte à la fois de leurs significations juridiques, de leurs visées politiques et de leurs soubassements philosophiques. La dimension comparative participe de ce changement de perspective. , même si la variation d’échelle n’est pas une proposition nouvelle puisque les comparatistes ont cherché à la développer en distinguant la macro de la micro comparaison, notamment avec l’approche par grands systèmes juridiques développée par René David 31 Voir M.-C. Ponthoreau, op. cit., p. 40. . Néanmoins, la nouveauté peut venir de la variation des différents niveaux d’analyse en faisant jouer, à cette fin, l’interdisciplinarité. Le changement des perspectives participe d’une compréhension critique du droit. On peut là aussi distinguer plusieurs options. La plus simple consiste non pas à mobiliser les ressources des autres sciences, mais à mélanger les visions provenant de compartiments différents à l’intérieur du système juridique lui-même. Les travaux sur la globalisation, l’internationalisation et l’européanisation du droit sont poussés dans cette direction puisqu’ils visent à s’interroger sur les emprunts et les processus d’hybridation juridiques. L’objet d’étude commande de prendre en compte l’interaction des droits (toutes les sources du droit quelles que soient leurs origines – internationale, régionale, nationale – et quelles que soient leurs formes – écrite ou non). L’hybridation constitutionnelle est propice à une analyse à plusieurs niveaux, en particulier à une étude à la fois synchronique et diachronique qui fait donc jouer les variables spatiales (quel(s) droit(s) emprunté(s) pour quel pays importateur ?) et temporelles (à l’intérieur du système juridique importateur, quelles évolutions avant et après l’emprunt ?). Mais il y a plus : ce ne sont pas seulement les règles ou les concepts constitutionnels empruntés qui méritent d’être étudiés, mais aussi les acteurs du processus de transfert et de réappropriation. Parmi les acteurs de l’importation, les juges constitutionnels jouent un rôle de premier plan. La question de leur formation au droit étranger ou/et à la comparaison des droits a donc son importance pour comprendre l’intensité et les raisons qui motivent l’emprunt. Ainsi, Catherine Dupré qui a travaillé sur l’influence de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande sur la Cour constitutionnelle hongroise 32 C. Dupré, Importing the Law in Post-Communist Transitions, Oxford, Hart, 2003. , a-t-elle mené une étude sur les juges et leur formation. Les juges constitutionnels des États postcommunistes sont pour la plupart des universitaires ayant étudié à l’étranger et, en particulier, en Allemagne pour les juges hongrois. Ils ne sont certes pas choisis en fonction de leurs compétences linguistiques, mais les autres critères de sélection impliquent l’appartenance à l’élite juridique, celle qui, entre autres, a séjourné à l’Ouest et maîtrise les langues. Ce dernier point est certainement fondamental puisqu’il est déterminant dans le choix des sources étrangères d’inspiration et la question de la composition des cours et des autorités de nomination est donc loin d’être indifférente dans le choix des méthodes par les juges. Avec cet exemple, on comprend qu’une enquête sociologique sur les juges offre une compréhension plus complexe du processus de réappropriation des règles ou concepts empruntés puisqu’elle peut révéler les stratégies aussi bien des importateurs que des exportateurs juridiques. Un tout autre cheminement peut être emprunté de manière à comprendre la réalité de cette circulation des solutions constitutionnelles et à vérifier la représentation constitutionnelle offerte par la métaphore doctrinale du « dialogue des juges ». La représentation d’une chose n’épuise pas la réalité ; elle participe de sa construction. En effet la doctrine participe par son travail d’imagination et de conceptualisation à la mise en image de l’image même. Il y a une sorte de relation circulaire qui s’instaure entre l’objet étudié et la réalité : une influence réciproque s’exerce. Ainsi, la doctrine a-t-elle construit une représentation imagée de la circulation des décisions constitutionnelles à travers le monde. Cette représentation a été initialement construite sur la base de quelques décisions mais, en aucun cas, sur le fondement d’une étude quantitative des citations des précédents étrangers par les cours (suprêmes ou constitutionnelles). Depuis que ce thème de recherche est devenu central au sein des études constitutionnelles comparatives, il faut bien reconnaître qu’une certaine confusion règne sur l’objet même d’échange entre les juges. Car souvent les juges ne citent pas explicitement ou alors ils citent, mais de manière incomplète, ou encore ils se réfèrent de manière plus vague à des matériaux étrangers (constitutions, législations, doctrine…) sans forcément les identifier avec précision. Ce sont certes des indices qui permettent d’apprécier l’influence implicite des précédents étrangers. Une analyse quantitative suppose d’abord de se mettre d’accord sur l’objet étudié et, sur la base de mêmes critères, d’identifier dans les décisions rendues sur une même période, les citations explicites des décisions constitutionnelles étrangères, de manière à expliquer et comprendre la réalité de cette communication transnationale entre juges 33 Il est ensuite possible de distinguer : s’agit-il d’une simple référence ou bien d’une citation de paragraphes entiers ? La citation se trouve-t-elle dans l’opinion de la majorité ou bien dans les opinions séparées des juges ? Pour plus de détails sur la méthodologie suivie, T. Groppi, M.-C. Ponthoreau, « The Methodology of the Research : How to Assess the Reality of the Trans-Judicial Communication ? » in T. Groppi, M.-C. Ponthoreau (eds.) The Use of Foreign Precedents by Constitutional Judges, Oxford, Hart, 2013, p.1. . Il est ressorti de notre étude collective que les citations de précédents étrangers montrent « quelque chose » mais ce « quelque chose » a sans doute été mal dénommé. Autrement dit, plutôt que d’un dialogue, il s’agit le plus souvent d’un monologue. L’échange de citations reste plutôt rare (même quantitativement) et dans un groupe bien défini. Pour autant, il convient de ne pas méconnaître le potentiel de suggestion de cette mauvaise dénomination : elle participe de la transformation de notre approche collective à l’égard de la signification normative d’objets juridiques nouveaux. Si l’idée doctrinale n’est pas vraie, elle peut cependant contribuer à faire connaître des vérités que la réalité même ne peut pas nous apprendre. Dit d’une autre façon, il ne faut pas sous-estimer la force des idées et reconnaître que cette idée a largement participé à l’expansion d’un constitutionnalisme dit « global ». Les méthodes quantitatives prennent aujourd’hui une place sans cesse grandissante pour saisir une réalité constitutionnelle 34 A. Meuwese, M. V ersteeg, « Quantitative methods for comparative constitutional law » in M. Adams, J. Bomhoff (eds), Practice and Theory in Comparative Law, Cambridge University Press, 2012, p. 230. . Elles méritent en effet l’attention : d’abord parce qu’elles permettent une analyse d’un monde juridique désormais global et complexe. Ces méthodes ont toutes leur place puisque la globalisation est un phénomène visible et tentaculaire, notamment en raison de l’intensification et l’accélération des échanges 35 Les temps ont changé. Les réserves formulées par Bruce Ackerman, peu confiant dans les études quantitatives en raison d’une diffusion limitée du constitutionnalisme, peuvent être désormais écartées. Voir B. Ackerman, « The Rise of World Constitutionalism » 83, Virginia Law Review, 1997, p. 775. . C’est aussi une question de quantité, voire une question quantifiable. Si, épistémologiquement, ce choix est justifié, cela suppose d’un point de vue méthodologique de réfléchir à l’utilisation des méthodes quantitatives, le chercheur en droit ne devant pas négliger de contextualiser les données quantitatives en vue d’une analyse qualitative 36 On parle alors de recherche empirique mixte : voir pour un exemple, la recherche précitée sur le recours aux précédents constitutionnels et voir sur un plan conceptuel, L. Epstein, A. D. M artin, An Introduction to Empirical Legal Research, Oxford, OUP, 2014. . Cette dernière observation conduit à mettre le chercheur sur la voie de la prudence. Le comparatisme comme passerelle entre les sciences sociales n’est pas une théorie qui aurait la prétention d’offrir une vision englobante de la comparaison des droits. C’est une conception qui ouvre une voie possible : sortir de son champ disciplinaire habituel pour mieux appréhender le droit, mais se rendre sur l’autre rive reste semer d’embûches.

II. Les sciences sociales, obstacles à la comparaison des droits

Présenter les sciences sociales comme freinant la comparaison des droits est sans doute une formulation rapide. Elle offre toutefois un éclairage sur les enjeux et donc les limites au projet interdisciplinaire (A). On voit ainsi se dessiner les mêmes intérêts, mais aussi les mêmes chausse-trapes que lorsqu’on pénètre un autre droit que le sien : le défi devient alors d’apprendre à composer avec les autres champs du savoir sans s’y engloutir. En effet, il ne s’agit nullement d’adopter le point de vue d’une autre science sociale, mais de prendre appui sur l’histoire ou un autre savoir pour éclairer, par exemple, la compréhension de la constitution (B).

    A.   Les limites au projet interdisciplinaire

L’interdisciplinarité rencontre des limites liées à l’organisation des études juridiques, trop cloisonnées, en France, même par rapport à l’enseignement des droits étrangers 37 Voir l’amer constat dressé par A. Tunc, « Les joies et les peines d’un comparatiste », in Jalons. Dits et écrits d’André Tunc, Paris, Société de législation comparée, 1991, p. 422. Toutefois, ce constat peut être quand même nuancé à présent : voir M.-C. Ponthoreau, « La fin du nationalisme pédagogique. Quels changements pour enseigner le droit, demain ? », in M.-C. Ponthoreau (dir.), La dénationalisation de l’enseignement. Comparer les pratiques, LGDJ – Institut Universitaire Varenne, 2016, p. 7. L’enseignement clinique est peut-être la passerelle entre les différentes sciences sociales que le comparatisme n’a pas réussi jusqu’à présent à matérialiser au sein de l’enseignement des facultés de droit : voir A. Alemano, A. Biard, « L’enseignement clinique du droit : une réponse aux nouveaux défis de nos sociétés », JCP G, 2017, Prat.589, p. 1004. . L’approche pluridisciplinaire ne se pratique qu’au cours des premières années d’études. Ensuite, le juriste est conforté dans une conception auto-suffisante de sa discipline. Derrière ce cloisonnement, se cache l’idée que le droit se résume à un ensemble de règles données et ce qui précède la décision de l’autorité habilitée à produire les règles juridiques n’est pas du droit (les représentations du droit), de même que ce qui la suit (conséquences, pratiques…). L’ouverture disciplinaire correspondrait donc à une perte d’autorité des juristes sur leur objet puisqu’ils ne seraient plus les seuls à faire un discours légitime sur le droit. Pour les plus positivistes d’entre eux 38 On pourrait ajouter : pour les plus nationalistes, la formation du juriste reste centrée sur le seul droit national. Voir M.-C. Ponthoreau, « Apprendre à penser en juriste. Leçons d’outre-Atlantique et d’ailleurs » in Mélanges en l’honneur d’Elisabeth Zoller, Paris, Dalloz, 2018, p. 437. , le discours sur le droit n’est de toute manière plus du droit. Les limites au projet interdisciplinaire se dessinent surtout à cause d’une éventuelle dissolution du droit dans les sciences sociales. Ces limites ont donc plus à voir avec la conception du droit qu’avec celle de la comparaison, mais le lien consubstantiel entre les deux a déjà été souligné précédemment. Le comparatisme semble intrinsèquement lié au point de vue externe puisque le point de vue interne ne permet pas d’opérer la rupture épistémologique par laquelle l’observateur prend ses distances avec l’objet étudié. On ajoutera dans le prolongement des travaux de Jacques Lenoble, François Ost et Michel Van de Kerchove que le point de vue interne tend à reproduire les postulats implicites, notamment les mythes et les idéologies liés au système juridique qui structurent l’objet 39 J. Lenoble, F. O st, Droit, mythe et raison, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1980 ; F. O st, M. van de Kerchove, Jalons pour une théorie critique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1987. . En revanche, le point de vue externe vise à reconstruire son objet à partir d’hypothèses qui lui permettent d’échapper aux présupposés de la doctrine et du système juridique dans lequel elle opère. Néanmoins, cette opposition entre ces deux positionnements semble trop radicale pour être suivie à la lettre. En effet, l’adoption du point de vue externe risque de déplacer tellement le regard de l’observateur qu’il perdra de vue la spécificité des objets juridiques. Comment nier que les règles de droit sont une contrainte qui s’impose aux juristes ? La nature juridique et la dimension doctrinale des concepts n’autorisent pas un décentrage total (d’ailleurs, on peut douter qu’il soit réalisable), mais partiel. C’est pourquoi « le point de vue externe modéré » adopté par les théoriciens belges du droit semble le plus raisonnable puisqu’il permet de marier le besoin d’externalité pour consommer la rupture épistémologique et l’exigence de la modération pour ne pas sacrifier la compréhension interne, c’est-à-dire une « compréhension critique et construite » des présupposés des discours pratiqués par les juristes 40 F. Ost, M. van de Kerchove, « De la “bipolarité des erreurs” ou de quelques paradigmes de la science du droit », APD, 1988, T. 33, p. 180. . De manière sans doute plus réaliste et prudente, c’est « le point de vue interne modérément ouvert » qui se pratique par les juristes, instruits par les sciences sociales 41 H. Dumont, A. Bailleux, « Esquisse d’une théorie des ouvertures interdisciplinaires accessibles aux juristes », Droit et société, 2010, n° 75, p. 287. . Autrement dit, l’explication et la compréhension du droit ne peuvent être obtenues par de simples moyens empiriques (la consultation des recueils législatifs et jurisprudentiels, l’examen de la façon dont les tribunaux sont organisés, etc.). Cette conception du droit conduit le chercheur à découvrir la structure cognitive typique de chaque communauté juridique. Ainsi, Jellinek fait comprendre aussi bien l’importance de la méthode inductive dans la conceptualisation que le subjectivisme des concepts élaborés par les juristes soulignant le perspectivisme du savant qui aborde toujours son objet d’étude selon une perspective particulière. Bien que positiviste, Jellinek n’hésite pas à définir le droit comme une science de l’esprit. Il se distingue de la sorte de la dogmatique juridique du positivisme dominant de son époque et, en particulier, de l’idéalisme conceptuel et de la croyance en l’existence d’universaux du droit. Olivier Jouanjan qualifie son idéalisme de « modéré » car « […] la connaissance doit avoir une base empirique même si elle s’accomplit dans les synthèses conceptuelles produites par l’intellect » 42 O. Jouanjan, Une histoire de la pensée juridique en Allemagne (1800-1918), Paris, PUF, 2005, p. 301 (souligné par l’auteur). . Prémunie contre les spéculations, la construction de l’objet dépend donc du subjectivisme de la méthode adoptée. Le regard porté sur un objet peut être multiple. Jellinek qui n’est pas enfermé dans la science juridique, développe quant à lui une étude à la fois sociale et juridique de l’État qui correspond à deux points de vue différents sur un même objet. Son ouverture sur les sciences sociales ne signifie toutefois pas qu’il soit prêt à prendre le risque de la dilution du droit dans une étude sociologique de l’État. Car si, comme d’autres sciences sociales, le droit est une science de l’esprit, à la différence de ces dernières, qui sont des sciences des causes, le droit est, quant à lui, une science des normes. Cette spécificité interdit tout amalgame. « Les caractères distinctifs des règles juridiques tiennent en ce qu’elles organisent un ordre extérieur des relations entre les hommes » 43 O. Jouanjan, « Préface » à G. Jellinek, L’État moderne et son droit, cit., p. 61 (souligné par l’auteur). . Le droit ne peut donc être analysé en termes de causalité. Il peut être néanmoins envisagé sous l’angle de la pluridisciplinarité, voire de l’interdisciplinarité puisque

« le droit est pris dans un vaste et complexe système social d’échanges discursifs et c’est pourquoi des doctrines comme l’histoire sociale ou culturelle ont à dire sur le droit non pas seulement quelque chose des environnements du “droit”, mais quelque chose de son intimité propre » 44 O. Jouanjan, « Justifier l’injustifiable », Astérion. Philosophie, histoire des idées, pensée politique, 2006, n° 4, p. 125 (souligné par l’auteur). .

Le projet interdisciplinaire s’inscrit dans une démarche qui devrait éviter un risque important pour le juriste : devenir étranger à soi-même. Cette proposition n’est pas aussi singulière qu’elle le paraît. Elle est inspirée par les critiques formulées à l’encontre d’une interdisciplinarité poussée si loin que certains comparatistes anglo-américains en oublient le droit positif. Cette controverse est devenue brûlante entre constitutionnalistes et politistes en Amérique du Nord et au-delà de ce milieu universitaire en raison de la large diffusion des travaux de ces derniers dans le contexte internationalisé des études constitutionnelles comparatives. Ce débat s’inscrit dans le prolongement d’une discussion déjà entamée aux États-Unis par Richard Posner, l’un des fondateurs du mouvement « Law and Economics », avec la publication d’un article intitulé « le déclin du droit comme discipline autonome » 45 R. A. Posner, « The Decline of Law as an Autonomous Discipline : 1962-1987 » 100, Harvard Law Review, 1987, p. 773. Dans cet article, il plaide en faveur de l’interdisciplinarité de manière à l’élargir la connaissance du système juridique, mais en 2002, une fois devenu juge, il a nuancé son propos et a conseillé de revenir à l’analyse doctrinale, aussi ennuyeuse et étroite qu’elle puisse être, car elle est utile et permet d’offrir les conditions nécessaires et minimales à un débat de qualité : R. A. Posner, « Legal Scholarship Today » 115, Harvard Law Review, 2002, p. 1324. . Ce débat intense a été en particulier observé lors de la publication de l’ouvrage de Ran Hirschl, professeur de sciences politiques et de droit à l’Université de Toronto, en 2014 : cet ouvrage, Comparative Matters : The Renaissance of Comparative Constitutional Law , affiche la primauté de la politique comparée sur le droit constitutionnel comparé 46 R. Hirschl, Comparative Matters. The Renaissance of Comparative Constitutional Law, Oxford, OUP, 2014. . Cela se traduit par des explications économico-politiques des actions des juges ou de la large diffusion de la justice constitutionnelle. Cela se traduit plus encore par une critique tenant au flou de la méthode comparative constitutionnelle (sous-entendue juridique) alors que la démarche politiste serait méthodologiquement rigoureuse 47 Ibid., p. 186 et 278. . Enfin, on en trouve une autre traduction étroitement liée à cette dernière : la promotion de la sélection de cas et la place prédominante des méthodes quantitatives. Il convient avant toute chose de remarquer que la répartition des champs disciplinaires est différente en Amérique du Nord et en France. La répartition des territoires est en effet propre à l’histoire nationale des disciplines. Il faudrait sans doute faire une histoire comparative de la structuration des disciplines pour mieux comprendre pourquoi ailleurs (ou du moins aux États-Unis) les démarcations, bien qu’en étant aussi nettes, n’empêchent pas des rapports plus ouverts entre droit constitutionnel et science politique. Mais cela dépasse nos objectifs. Remarquons toutefois une suggestion de Philippe Raynaud qui laisse penser que ce n’est pas seulement une question de structuration des disciplines : le fait que tous, y compris les constitutionnalistes, voient dans la Cour suprême une institution politique qui fait plus que « dire le droit », contribue grandement à la collaboration entre les deux disciplines aux États-Unis 48 P. Raynaud, « Le droit et la science politique », Jus Politicum, 2009, n° 2, [http://juspoliticum.com/article/Le-droit-et-la-science-politique-77.html] . Il n’en reste pas moins que l’ouvrage de R. Hirschl a fait l’objet de critiques aussi formulées par les constitutionnalistes américains 49 Voir en part. V. Jackson, « Comparative Constitutional Law, Legal Realism and Empirical Legal Science », Boston University Law Review, Vol. 96, 2016, p. 1359. qui ne sont pas sans rappeler les débats hexagonaux, même si les politistes français étaient plutôt dans une stratégie d’autonomisation par rapport aux constitutionnalistes 50 C. Eisenmann, « Droit constitutionnel et science politique » : cet article initialement publié dans la Revue internationale d’histoire politique et constitutionnelle (1957) a été repris dans Ch. Eisemann, Ecrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, Textes réunis par Ch. Leben, Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2002, p. 511 ; J. Chevallier, « Droit constitutionnel et institutions politiques : les mésaventures d’un couple fusionnel », Mélanges en l’honneur Pierre Avril, Paris, Montchrestien, 2001, p. 183. . Un débat spécifique aux études comparatives est toutefois engagé. Cela tient au contexte globalisé (et aussi à l’affirmation du leadership des études nord-américaines dans ce contexte auquel participe l’ouvrage précité) qui a joué et joue indéniablement un rôle non négligeable dans le renouvellement du débat théorique 51 Voir en part.R. Hirschl, « From comparative constitutional law to comparative constitutional studies », I-CON, 1-2013, p. 1. Pour une vision critique des propositions venant des études constitutionnelles comparatives américaines : C. Möllers, H. Birkenkötter, « Towards a New Conceptualism in Comparative Constitutional Law, or Reviving German Tradition of the Lehrbuch », I-CON, 3-2014, p. 603. sur ce qu’on peut comparer et comment comparer. Ce débat prend plusieurs directions. D’abord, l’on doute très fortement du primat de la politique comparée dans le champ du droit constitutionnel comparé bien que ce savoir puisse apprendre de la politique comparée : en particulier, dans le cadre de l’enquête comparative, sur la question de la sélection de cas 52 Voir M.-C. Ponthoreau, Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), cit., p. 77. ou, encore, sur les méthodes quantitatives. Cette conversation entre les disciplines, cependant, devrait davantage reposer sur un échange constructif que sur l’affirmation d’une primauté. Cette autre manière de pratiquer la comparaison détachée du contexte national (langue, système juridique pris dans son ensemble, culture) dans lequel les normes juridiques s’enracinent, mérite d’être mise à l’épreuve avant de présenter les méthodes quantitatives comme « la nouvelle frontière méthodologique du droit (constitutionnel) comparé » 53 A. Meuwese, M. V ersteeg, op. cit., p. 255. . Nous avons déjà discuté cette vision pour conclure qu’elle appauvrit la comparaison des droits 54 Voir notre critique de l’étude d’ordre statistique proposée par D. Law et M. Versteeg, « The Evolution and Ideology of Global Constitutionalism », California Law Review, n° 99, 2011, p. 1162 : M.-C. Ponthoreau, « Global Constitutionalism, un discours doctrinal homogénéisant. L’apport du comparatisme critique », Jus Politicum n° 19, 2018 : http://juspoliticum.com/article/Global-Constitutionalism-un-discours-doctrinal-homogeneisant-L-apport-du-comparatisme-critique-1199.html . Elle n’emporte pas la conviction sauf à articuler les méthodes, comme souligné précédemment. Ensuite, l’ouvrage proposé par Hirschl reste très marqué par le contexte intellectuel nord-américain : le reste du monde n’existe pas, sauf le Commonwealth, mais la littérature prise en compte est exclusivement celle reconnue aux États-Unis. Les explications avancées relèvent en particulier de la perspective économiste. La perte d’influence du constitutionnalisme américain n’est pas étrangère à l’éveil du droit constitutionnel comparé sur le continent nord-américain. Les ressorts de la réflexion américaine n’en restent pas moins en partie différents de ceux de la réflexion européenne puisque le débat est très largement focalisé sur l’interprétation constitutionnelle, d’une part, et la protection des droits fondamentaux, d’autre part. En outre, si on considère le point de départ, le chemin à parcourir est sans doute long, la situation du droit comparé étant le plus souvent décrite comme « affligeante » aux États-Unis 55 B. Markesinis, Juges et universitaires face au droit comparé, (trad. Comparative Law in the Courtroom and Classroom, 2003) Paris, Dalloz, 2006, p. 169. . Encore, aujourd’hui, l’historien du droit et comparatiste américain, James Q. Whitman, affirme :

« Les juristes américains croient, en dépit de leurs problèmes de politique intérieure récurrents, en la supériorité du modèle constitutionnel américain et ne s’intéressent guère aux modèles étrangers » 56 Entretien avec J. Q. Whitman réalisé par G. Richard et L. Zevounou in Droit et Société, 2019/1, n° 101, p. 105. .

Le terrain des études constitutionnelles comparatives a donc été accaparé par les politistes, plus ouverts à des expériences sans constitution normative, et envahi par les explications causales. Enfin, on peut avancer que l’approche comparative offre une base empirique à la théorie constitutionnelle (dans le prolongement de l’apport de Jellinek). Pour ce faire, le constitutionnaliste a besoin notamment de concepts, sans doute flous, comme par exemple « culture constitutionnelle » pour analyser la réalité. L’intérêt pour la réalité constitutionnelle ne signifie pas abandonnée la théorie constitutionnelle car elle seule aide le constitutionnaliste (comparatiste) à penser le droit. Très justement, il a été observé qu’il y a un relent de « réalisme » dans le programme de recherche avancé par R. Hirschl 57 C. Möllers, H. Birkenkötter, « Towards a New Conceptualism in Comparative Constitutional Law, or Reviving German Tradition of the Lehrbuch », I-CON, 3-2014, p. 603. . Et, pourtant, même les réalistes américains ont reconnu que le droit n’est pas une « science exacte » 58 Jerome Frank cité par V. Jackson, op. cit., p. 1373. Ici, c’est l’adjectif « exacte » qui mérite notre attention plutôt que celui de « science », source de confusion entre les juristes eux-mêmes (selon qu’ils se réfèrent au langage du droit ou au langage du savant qui l’appréhende) d’une part, et ces derniers et les savants des sciences sociales, d’autre part. Pour le comparatiste, la source de confusion est moins grande puisque le droit comparé comme droit positif n’existe pas, il existe exclusivement comme « science » ou, mieux, comme savoir. . Voici les échos d’une vieille discussion entre empirisme et conceptualisme en droit 59 En France, cette discussion a surtout connu son apogée avec le débat entre administrativistes sur le rôle respectif du juge et de la doctrine, d’une part et le rôle respectif des concepts et des données de fait, d’autre part, dans l’élaboration du droit administratif. Voir J. Rivero, « Apologie pour les faiseurs de systèmes », D. 1951, chr. 99 ; J. Waline, « Empirisme et conceptualisme juridique : faut-il tuer les catégories juridiques ? », Mélanges Dabin, Bruxelles, Bruylant, 1963, p. 359. : querelle que les constitutionnalistes comparatistes gagneraient à dépasser en proposant une théorie constitutionnelle dans laquelle l’empirisme trouve une place par une pratique interdisciplinaire justifiée et donc en cherchant à articuler les méthodes.

    B.  Des limites contournées par une pratique interdisciplinaire justifiée

En Europe, la science du droit public n’a jamais été complètement fermée à l’interdisciplinarité 60 Par exemple, pour le droit administratif, voir S. Cassese, Cultura e politica del diritto amministrativo, Bologna, Il Mulino, 1971. . Ainsi, le droit constitutionnel a toujours eu un lien avec d’autres disciplines telles que la philosophie, l’histoire et la science politique. L’essence de l’interdisciplinarité est de se jouer des frontières disciplinaires et c’est pourquoi il convient de préciser jusqu’où on peut mener cette indiscipline. La pratique interdisciplinaire prend différentes formes qui peuvent se déployer dans un contexte collectif ou individuel de recherche. À titre collectif, différencier les points de vue ne signifie pas dissoudre le droit, mais poser des questions différentes sur le droit selon que l’on est juriste ou sociologue ou historien (la forme pluridisciplinaire est ici privilégiée). Il existe des questions purement dogmatiques : par exemple, quelle est l’interprétation donnée à telle règle de droit par un juriste ? Alors qu’à propos de cette même règle, le sociologue posera la question : quelle est son effectivité dans la société ? L’association des deux démarches peut aider par exemple le juge dans sa prise de décision ou le chercheur dans une compréhension complexe du droit tel qu’il est conçu, interprété et appliqué. À titre individuel ou collectif, deux options sont envisageables selon que l’on utilise plus ou moins les méthodes d’une autre discipline dans l’entendement des questions juridiques. D’une part, l’interdisciplinarité soft (et donc weak ) consiste à prendre appui sur une autre discipline de manière à porter un regard différent sur les objets juridiques, sur les impensés de sa discipline (ce qui va de soi). D’autre part, l’interdisciplinarité hard (et donc strong ) vise à investir une autre discipline. La première option permet de penser autrement sans avoir les contraintes et les limites de sa discipline. Le positivisme fait oublier à la plupart des juristes qu’en droit la part du construit est beaucoup plus grande que celle du donné, que les concepts reposent sur des précompréhensions elles-mêmes fondées sur des valeurs, croyances et pratiques culturelles diverses. Cette première option permet donc de donner des éclairages externes à la discipline juridique de manière à révéler ces précompréhensions. La seconde est sans doute plus exigeante et donc plus redoutable. Cette dernière option est connue aux États-Unis sous la forme de « Law and … ». Ce sont des mouvements doctrinaux contestataires et critiques à l’endroit du droit. Le réalisme américain n’a pas été contré par un retour du formalisme et s’est en quelque sorte développé en faisant place à ces mouvements alternatifs dont les plus connus sont Law and Economics et Critical Legal Studies 61 N. Duxbury, Patterns of American Jurisprudence, Oxford, Clarendon Press, 1995. . De la même manière qu’il existe différents degrés de comparaison, différentes intensités d’interactions disciplinaires sont possibles : d’une conception minimale de l’interdisciplinarité à une autre plus étendue et plus exigeante. Surtout, des contextes épistémologiques justifient pleinement le recours à l’interdisciplinarité. Les actuelles mutations que le droit connaît, ne laissent plus vraiment le choix aux juristes. Ainsi, la globalisation est interdisciplinaire et donc irréductible à la question des frontières disciplinaires. Une prise de conscience de la transformation spatiale du monde se manifeste désormais au sein des différents secteurs des sciences sociales et engendre des mutations qui ont des incidences sur les disciplines elles-mêmes : c’est un moment fort car, précisément, il transforme en profondeur nos disciplines « comme au début du XIXe siècle avec la naissance de la société industrielle » 62 A. Caillé, S. Dufoix, « Le moment global des sciences sociales », in A. Caillé et S. Dufoix (dir.), Le tournant global des sciences sociales, Paris, La Découverte, 2013, p. 6. . Outre les phénomènes de globalisation et d’européanisation du droit, un autre domaine suppose de mobiliser plusieurs savoirs : l’étude des droits et des libertés. Dans les sociétés actuelles, on voit se manifester un nombre sans cesse grandissant de revendications identitaires. Elles ne sont jamais simples, ni à comprendre, ni à satisfaire. S’appuyant la plupart du temps sur le droit à l’égalité, elles oscillent entre l’invocation du droit à la différence et la réclamation d’une meilleure intégration à la société, entre la dénonciation de l’exclusion des institutions publiques et la revendication de nouveaux droits de plus en plus souvent collectifs. Outre que les questions identitaires ne se laissent pas facilement saisir par le droit des libertés, elles posent en particulier au constitutionnaliste des problèmes de philosophie politique qu’il ne peut négliger comme par exemple : une identité affirmée dans l’histoire a-t-elle plus de légitimité qu’une identité qui émerge dans le social ? L’interdisciplinarité n’est donc pas seulement une question d’empathie entre la comparaison des droits et les sciences sociales, c’est une exigence pour comprendre les transformations sociales et épistémologiques et, donc, pour appréhender de nouveaux objets comme, par exemple, l’intelligence artificielle, la justice prédictive, les droits de la nature (présents dans de nombreux catalogues des droits des constitutions des pays d’Amérique latine), l’ ubuntu africain… De plus en plus, l’approche contextuelle et culturelle s’affiche comme une nécessité pour comprendre le droit constitutionnel dans la société pour lequel il est fait et, en particulier, pour penser les mutations du constitutionnalisme. Les constitutionnalistes comparatistes sont confrontés à une expansion sans pareille de leur champ d’investigation qui est désormais « global » : la constitution adoptée dans des contextes très différents du constitutionnalisme d’origine pose de redoutables problèmes d’analyse parce que la diffusion des droits de l’homme est en jeu. La défense des droits l’homme est louable et aisément compréhensible, mais les comparatistes constitutionnalistes, instruits par la réalité constitutionnelle 63 D’un point de vue théorique, voir M. Adams et al. (dir.), Constitutionalism and the Rule of Law : Bridging Idealism and Realism, Cambridge, Cambridge University Press, 2017 ; G. Jacobsohn, M. S chor (eds.), Comparative Constitutional Theory, Cheltenham, E. Elgar, 2018. D’un point de vue pratique, voir la retranscription de la table ronde animée par X. Philippe sur « Les constitutions de transition entre universalisme et particularisme : rôle et limites de l’ingénierie constitutionnelle comparée et internationale », AIJC, vol. 30-2014 (2015), p. 623. , ne peuvent échapper à l’approche différenciée des formes de constitutionnalisme. La perspective nord-américaine évoquée précédemment et la prévalence des statistiques ne répondent pas à cette compréhension en profondeur du droit. Plus précisément, la pratique interdisciplinaire s’inscrit dans une perspective dialectique dont le trait le plus significatif consiste à relativiser à la fois les identités et les différences. Cette démarche se marie parfaitement avec un comparatisme qui reconnaît l’intérêt à étudier aussi bien les identités que les différences des droits. Car il admet que l’on a autant à apprendre des dissemblances que des similitudes. En pratiquant le va-et-vient entre plusieurs savoirs et en travaillant tant sur les identités que sur les différences des droits, le comparatisme met en évidence la fécondité de l’entre-deux où s’affrontent, se croisent et parfois convergent les prétentions en présence. Cette démarche montre en particulier sa fécondité dans le travail de contextualisation et, donc, d’articulation des normes juridiques sur différents contextes (linguistique, historique, social, politique…). En revanche, la perspective postcoloniale peut éclairer autrement le droit constitutionnel comparé 64 Pour un approfondissement, voir la nouvelle édition de Droit(s)constitutionnel(s) comparé(s), à paraître, septembre 2021 et C. Herrera, « Ce que le postcolonialisme ferait au constitutionnalisme. Pour une critique de la raison constitutionnelle » in A. Geslin, C. M . Herrera et M. C. Ponthoreau (dir.), Postcolonialisme et droit : perspectives épistémologiques, Paris, Kimé, 2020, p. 133. . Dans sa forme plus radicale, certains auteurs appellent à une « décolonisation conceptuelle » 65 K. Wiredu, « Conceptual decolonization as an imperative in contemporary African philosophy : some personal reflections », Rue Descartes, vol. 26, 2002/2, p. 53 et s. ; S. J. Ndlovu-Gatsheni, Epistemic Freedom in Africa. Deprovincialization and Decolonization, Londres–New-York, Routledge, 2018. au nom d’une désobéissance épistémique 66 W. Mignolo, « Géopolitique de la sensibilité et du savoir. (Dé)colonialité, pensée frontalière et désobéissance épistémique », Mouvements, 2013, n° 73, p. 182. Certains penseurs se revendiquant de la décolonialité s’inscrivent dans une perspective marxiste. . Le chemin est toutefois semé d’embûches. Parmi les difficultés reconnues par certains, il convient de souligner en particulier celles à recourir à ses propres traditions intellectuelles en usant des langues occidentales importées par la colonisation 67 Il est admis que la période coloniale débute en 1492 par la découverte de l’Amérique. Légitimée par une mission de civilisation, la colonisation est vue comme porteuse de progrès aux pays colonisés qui subissent l’impérialisme des grandes puissances européennes. Dans Le capital, Karl Marx présente la colonisation comme accouchant de la société capitaliste. . Aussi certains des tenants de la pensée décoloniale revendiquent-ils une décolonisation épistémologique et méthodologique 68 L. Tuhiwai Smith, Decolonizing Methodologies. Research and Indigenous Peoples, Zed Books Ltd / University of Otago Press, 1999 ; S. J. Ndlovu-Gatsheni, « The Dynamics of Epistemological Decolonisation in the 21st century : towards epistemic freedom », Strategic Review for Southern Africa, Vol. 40, n° 1, 2018, p. 16 et s. . Tous ces mouvements ont une visée critique radicale en dénonçant « l’injustice épistémique » des catégories coloniales 69 R. Bhargava, « Pour en finir avec l’injustice épistémique du colonialisme », Socio, 2013/1, p. 41 et s. et tout spécifiquement de l’universalisme. Ils combattent en particulier le nationalisme méthodologique. Dit autrement, en droit, cela se traduit par l’idée que les juristes pensent le droit d’une seule façon, celle de leur communauté épistémique nationale ; le terme « occidentale » serait sans doute plus significatif pour renvoyer aux colonisateurs. Ici, est retenue une forme « faible » de ces mouvements de manière à comprendre en quoi et comment la perspective postcoloniale est en mesure de perturber notre manière de penser le droit constitutionnel. Il semble en effet impossible de se débarrasser entièrement de l’enracinement dans une communauté épistémique (justement, la manière dont on a appris le droit, les modes de le penser, de l’appliquer et de l’enseigner), mais l’essentiel est d’en avoir conscience. L’approche postcoloniale peut sans doute renforcer cette prise de conscience en évitant aux comparatistes l’ethnocentrisme et le culturalisme. Des lieux sont probablement plus propices à cette prise de conscience, en particulier les anciennes colonies 70 En France, les territoires d’Outre-mer sont aussi un espace propice à cette démarche. Voir L. Havard, « Regard postcolonial sur la construction du peuple calédonien : une décolonisation équivoque » in Postcolonialisme et droit : perspectives épistémologiques, cit., p. 66 et s. . Ces dernières sont riches en ressources pour penser différemment le national contaminé par les transferts et hybridations juridiques (ou autres). Précisément, les postcoloniamismes introduisent d’autres lieux « géographiques » en invitant à reconsidérer l’espace et donc à se décentrer par rapport à l’Europe et aux États-Unis. Pour la comparaison des droits, cela signifie ne plus mener cette activité de mesure en fonction de l’étalon occidental, mais d’apprendre à reconnaître ce que la position – géographique– entraîne et contraint pour toutes les représentations. Par exemple, le constitutionnalisme, dont l’origine occidentale ne fait pas débat, est un concept récupéré, adapté, dans d’autres parties du monde 71 Voir par exemple, E. Mérieau, Le constitutionnalisme thaïlandais au prisme de ses emprunts étrangers : une analyse de la fonction royale, Institut Universitaire Varenne, Coll. des Thèses, 2018. . Les ouvertures postcoloniales offrent un regard décentré. Décentrer le regard suffit-il toutefois à apporter de nouvelles connaissances ? Pour décortiquer et désenclaver, il faut sortir du cadre national des savoirs. Il y a des contextes épistémologiques dans lesquels l’interdisciplinarité est une nécessité tout autant que la rupture avec le nationalisme méthodologique. L’État-nation, en tant que configuration européenne, a été historiquement un État colonial. En prendre conscience et cerner les impensés qui continuent de se perpétuer constituent une première étape avant même de s’interroger sur l’apport des études postcoloniales en termes de méthodes et d’objets de recherche. Par exemple, cela suppose de la part d’une comparatiste française de sortir de postulats théoriques et méthodologiques liés à la vision formelle du droit, au rôle de l’État ou encore aux modes de pensée. Une fois cette rupture consommée, la comparatiste postcoloniale sera en mesure de déplacer ses objets de recherche, trop souvent articulés autour de la dichotomie entre droit de tradition civiliste/droit de common law ou de celle entre droit écrit/droit coutumier (qui ne recoupe pas nécessairement la première). Du point de vue épistémologique, il s’agit d’introduire la perspective postcoloniale pour perturber ce qui apparaît ou ce qui est apparu pendant longtemps comme un récit constitué par l’Occident et donc en discuter les présupposés 72 Par exemple, voir le travail d’Edward Saïd (palestinien, professeur de littérature comparée à Columbia University, New-York) sur l’Orientalisme comme savoir de domination de l’Occident sur l’Orient : E. W. Saïd, L’Orientalisme, l’Orient créé par l’Occident, (1978) Paris, Le Seuil, 1980. . Instruit par les apports des sciences sociales, le droit constitutionnel comparé a une qualité épistémologique : offrir une connaissance en profondeur du droit et donc s’intéresser aussi bien à la partie visible du système juridique (avant tout, les éléments structurels que sont les concepts et institutions) qu’à la partie invisible ou, en tout cas, plus difficilement perceptible (les éléments culturels que sont la manière de concevoir le droit et de raisonner en droit). Répondre à cet objectif suppose un syncrétisme méthodologique qui ne consiste pas à opposer, mais au contraire à concilier les méthodes. Prendre en compte l’implicite et l’explicite d’un système juridique suppose de structurer différents niveaux d’analyse, même s’il faut reconnaître qu’ils sont rarement mobilisés tous ensemble dans une recherche (car difficilement accessible à un seul chercheur). C’est pourquoi, dans une version plus modeste, le comparatiste peut conjuguer les perspectives en multipliant les regards sur un objet supposé identique et plus restreint que tout un système. Le constitutionnaliste comparatiste peut ainsi prétendre à une prise de conscience de la complexité juridique et à une compréhension critique du droit constitutionnel. L’approche contextuelle et culturelle n’a en effet de sens que si elle offre un éclairage différent pour mieux saisir les problèmes auxquels sont confrontés les juristes, en général, et les constitutionnalistes, en particulier. Ainsi, le droit constitutionnel doit rester l’objet principal de la recherche comparative et interdisciplinaire pour les constitutionnalistes. Si l’on contient les risques d’approximation conceptuelle, cette approche n’est en rien régressive. Elle joue au contraire un rôle heuristique, voire innovant. Il reste, comme l’a justement souligné Véronique Champeil-Desplats, que le syncrétisme méthodologique a été dévalorisé, voire stigmatisé, même si de grands constitutionnalistes tels que Maurice Hauriou l’ont pratiqué :

« l’appréciation provient le plus fréquemment de ceux qui s’inscrivent dans une posture épistémologique dite “fermée” (le terme n’est pas péjoratif), c’est-à-dire qui privilégient la délimitation stricte des disciplines juridiques scientifiques, de leur objet et de leurs méthodes » 73 Op. cit., p. 349. .

On peut comprendre que le comparatiste attentif à la seule règle de droit positif puisse se sentir démuni devant l’ampleur de la tâche et douter de sa capacité à désenclaver des problématiques en faisant appel à des champs disciplinaires aussi variés que l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la philosophie ou encore la linguistique. La proposition est toutefois beaucoup plus modeste puisqu’il ne s’agit pas de mobiliser tous ces savoirs dans une même recherche, sauf à envisager une étude collective. Plus spécifiquement, on peut aussi comprendre que certains puissent voir dans ces propositions une remise en cause partielle du processus de normalisation 74 A. Viala, « De la promotion d’une règle à la normalisation d’une discipline » in B. Mathieu (dir.), 1958-2008 Cinquantième anniversaire de la Constitution française, Paris, Dalloz, 2008, p. 524. qui a permis au droit constitutionnel de se rapprocher, sur le plan épistémologique, des méthodes pratiquées par les autres disciplines juridiques et tout particulièrement du commentaire d’arrêts. Enfin, le propos tenu est sans doute décevant pour ceux qui cherchent une « recette » pour leur étude doctorale. Cette recette n’existe pas car elle est à construire dans la recherche à accomplir. La dimension pratique de la comparaison mérite en effet d’être soulignée en guise de conclusion. L’approfondissement de la comparaison, qui révèle sa fécondité, projette une lumière nouvelle sur la pertinence de la question initiale de recherche et donc amène souvent à une reformulation de celle-ci. La comparaison s’écrit par tâtonnements successifs : elle invente sa direction au fur et à mesure qu’elle progresse en la suivant, d’une manière qui ne peut être totalement préconçue. Il y a certes un effort de structuration et de rationalisation dont le projet interdisciplinaire et les instruments de la comparaison (comme les classifications et les modèles) sont l’expression. Ils cherchent à répondre à une certaine logique. Mais le caractère pratique de la comparaison ne peut être ni contesté, ni effacé. L’expérience comparative est faite de tentatives : sur la base des réussites et aussi des erreurs, le processus peut être corrigé. Ainsi, la comparaison est pour une bonne part une opération mystérieuse. La comparatiste d’origine turque, Esin Örücü, a intitulé l’un de ses ouvrages, The Enigma of Comparative Law (Leiden, Nijhoff, 2004), qui exprime parfaitement cette idée. En rendant compte de ses choix et donc de ses critères de comparaison 75 La diversité des finalités de la comparaison est sans doute la marque de l’absence de consensus dans « la communauté scientifique des comparatistes, si tant est qu’elle existe » (M.-L. Mathieu-Izorche, « Approches épistémologiques de la comparaison » in P. Legrand (dir.), Comparer les droits, résolument, cit., p. 140). Bien que nous partagions ce point d’analyse avec Marie-Laure Mathieu-Izorche, cela n’invalide pas l’idée d’une comparaison justifiée et contrôlée puisque l’objectif poursuivi est de déplacer le centre de gravité sur le discours comparatif et ainsi d’insister sur la nécessité de justifier les choix méthodologiques : voir M.-C. Ponthoreau, Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), cit. p. 82. , le comparatiste devrait, en revanche, rendre possible un contrôle sur la comparaison menée de manière à juger de sa pertinence. La difficulté méthodologique ne fait toutefois que se déplacer puisque les critères pertinents dépendent de la connaissance acquise des systèmes juridiques étrangers comparés. Le contrôle est donc conditionné par la connaissance des systèmes comparés. Somme toute, il convient de reconnaître que les développements ci-dessus ont plus à voir avec les différentes conceptions du droit comme savoir et comme objet de comparaison qu’avec les sciences sociales. Cela devrait rassurer ceux qui craignent de voir les juristes devenir étrangers à eux-mêmes. C’est, en effet, peu probable ou marginal sous nos latitudes où les juristes sont « épistémologiquement obligés de suivre une source du droit obligatoire » 76 A. Aarnio, Le rationnel comme raisonnable. La justification en droit (trad. The Rational as Reasonable. The Treatise on Legal Justification, Dordrecht, D. Reidel, 1987), Bruxelles, Paris, Story-Scientia, LGDJ, 1992, p. 111. et où le matériau d’analyse reste classiquement le « savoir livresque » 77 J. Carbonnier, Sociologie juridique, Paris, PUF, 3e éd., 2016, p. 15. . Le conseil de La Fontaine mérite d’être médité. Rien n’est interdit en recherche car tout dépend de la finalité poursuivie : « En toute chose il faut considérer la fin » ( Le renard et le bouc ).

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dissertation distinction entre droit constitutionnel et science politique

Droit constitutionnel - Les grands concepts de la science du droit constitutionnel - Histoire constitutionnelle française (1870-1958)

Introduction : objet(s) et spécificité du droit et de la science du droit constitutionnels. le droit constitutionnel comme droit politique.

Le droit constitutionnel est l’une des branches du droit public. Parce qu’il est le droit du pouvoir politique, il présente une très forte spécificité par rapport aux autres branches du droit. L’objet de cette introduction est de tenter de cerner les caractéristiques du droit constitutionnel et d’essayer de les expliquer. Cela permettra notamment d’identifier une méthode d’approche de ce droit. Cette méthode ne pourra pas être exclusivement normativiste, c’est-à-dire centrée sur la seule étude des normes écrites, dans la mesure où le texte d’une Constitution n’épuise jamais le droit constitutionnel.

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Section 1. Qu’est-ce que le droit constitutionnel ?

  • §1. Le pouvoir politique

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Droit constitutionnel et/ou institutions politiques. Pour sortir de la réserve d’indiens

Plan détaillé, texte intégral.

1 Au milieu des années cinquante, les constitutionnalistes confrontés à une remise en cause de plus en plus vive de leur discipline 1 avaient dû accepter, après un long travail de lobbying de certains de leurs collègues, comme Maurice Duverger ou Georges Vedel, que le cours de « Droit constitutionnel » en première année de droit s’intitule désormais « Droit constitutionnel et institutions politiques ». Cette modification d’intitulé était l’une des marques de l’installation de la science politique dans les facultés de droit. La fin du xx e  siècle aura vu la disparition de la mention « institutions politiques » pour désigner cet enseignement. Aujourd’hui, les rares politistes qui interviennent encore dans cette matière (mais aussi, il faut le noter, certains de leurs collègues publicistes) doivent se battre pour que le droit constitutionnel enseigné en première année ne se limite pas à des analyses de contentieux constitutionnel, tandis que la doctrine la plus influente (en particulier auprès des jeunes enseignants-chercheurs en droit public) fait aujourd’hui table rase de tous les acquis de la science politique avec une sorte de jubilation aux accents revanchards 2 . Il n’est pas très important de dire ici pourquoi et comment nous en sommes arrivés là, sauf à noter que cette évolution est un excellent « analyseur » d’une transformation des conceptions de l’action publique et de ses modes de légitimation depuis un demi-siècle, depuis la crise du langage juridique comme mode d’action public dans les années d’après-guerre et aux débuts de la V e République 3 jusqu’au célèbre slogan triomphaliste des années quatre-vingt selon lequel la politique serait désormais « saisie par le droit » 4 .

2 Il n’est pas question ici de méconnaître l’importance des mutations qu’a connues le droit constitutionnel depuis vingt ans 5 – et qui oblige assurément à en modifier l’enseignement – et les politistes, de façon plus générale, ne sont pas indifférents face à ce que l’on désigne aujourd’hui, sous réserve d’inventaire, comme une « juridicisation » du politique 6 . Reste que la part congrue faite aux institutions politiques dans les enseignements de première année (et la tendance à la disparition de l’analyse comparée des régimes politiques, faute de temps dans un programme qui enfle à la mesure du développement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel) peut s’analyser comme une véritable régression intellectuelle et... pédagogique 7 . On rétorquera à cela que la science politique occupe aujourd’hui une place reconnue en premier cycle de droit, sous la forme par exemple d’un cours d’introduction à la sociologie politique. Mais, au-delà de la situation très inégale des universités sur ce plan, ce constat ne change rien au fait que les questions institutionnelles (institutions politiques et administratives d’ailleurs) font partie du périmètre de notre discipline et que les dimensions institutionnelles de la vie politique ne sauraient se résumer au contentieux constitutionnel ou à une forme quelconque de « positivisme » juridique. Que les constitutionnalistes français aient trouvé dans la jurisprudence constitutionnelle les moyens d’établir plus solidement les fondations de leur discipline n’offusquera personne. Que ce renouveau – au demeurant contesté dans les rangs même des juristes 8 – se paie de ce qui peut s’apparenter à une censure académique de l’étude des aspects proprement politiques des jeux constitutionnels dans l’espace public est en revanche très préoccupant.

3 Cette situation est d’autant plus préoccupante que la tentation est grande aujourd’hui, chez les jeunes politistes, de jeter le bébé avec l’eau du bain et de laisser en friche cette province mal-aimée et marginalisée que constituent ce que l’on désignera, faute de mieux, comme les « études institutionnelles ». Les politistes qui persévèrent à affirmer la nécessité et la légitimité intellectuelles d’une approche de science politique en la matière se trouvent de la sorte bien souvent enfermés dans une forme moderne de réserve d’indiens, vestige d’un héritage disciplinaire dénié par les uns (les publicistes), dédaigné par les autres (les politistes). Cette inconfortable position ne doit bien sûr pas uniquement à l’histoire croisée de la science politique et du droit ; elle est le lot commun des spécialistes de sciences sociales lorsqu’ils s’intéressent aux objets « juridiques ». Comme l’a noté très justement Louis Assier-Andrieu, « qui écrit sur le droit [dans les sciences sociales] doit passer sous des fourches caudines semble-t-il épargnées aux autres sphères du savoir ». Au sociologue des religions, on n’impose guère d’examen de foi, pas plus qu’on ne suspecte l’anthropologue du politique d’intérêts politiciens. À propos du droit, il en va autrement. La pression est paradoxale. Pour en parler, il faut être juriste, mais le traiter en juriste attire le doute sur la scientificité de ce qui est dit. Les « juristes » dénient à qui ne l’est pas de pouvoir s’exprimer utilement sur le droit. Les « sociologues » récusent ces discours entachés d’idéologie professionnelle et se défient de ceux, parmi leurs collègues, qui s’approchent trop de ce champ sulfureux. Ce genre de querelle tribale, où l’argument le plus clair est « tu n’es pas des nôtres », peut prêter à sourire. Elle exprime toutefois quelque chose de plus que la concurrence naturelle des corporatismes académiques et témoigne de ce que le droit ne se laisse pas facilement dompter par les sciences du social » 9 .

4 On ne réglera pas ici, en quelques lignes, la question effectivement très difficile de la façon dont les sciences sociales peuvent se saisir des objets juridiques 10 . Plus prosaïquement, nous voudrions souligner que ce serait une erreur de limiter au contenu des cours de droit constitutionnel ce défi qui se pose à la science politique en tant que discipline. Car en réalité le problème se pose bien en amont, au niveau de la formation des futurs enseignants-chercheurs. Force est en effet de constater que les différentes instances de recrutement et de gestion des carrières (CNU, Comité national du CNRS, commissions de spécialistes dans chaque université) se désintéressent presque totalement de cette question, que les maquettes des diplômes de science politique n’accordent qu’une part congrue aux études institutionnelles (et, dans les universités de province, faute de combattants en quelque sorte, s’en remettent aux publicistes locaux pour assurer ces enseignements), que les doctorants travaillant sur les institutions politiques et administratives sont extrêmement rares. Le résultat est que nous ne faisons pas aujourd’hui le poids face aux juristes mais aussi, et c’est essentiel, au regard des travaux qui se font à l’étranger. Il n’y aura donc de solution au problème qui nous occupe que dans une prise de conscience de l’ensemble de la discipline et dans l’encouragement volontariste (par exemple sous la forme d’allocations de recherche fléchées) à monter des projets de recherche permettant de donner des fondements théoriques et empiriques solides à une analyse proprement politiste des institutions politiques et administratives.

5 Reste qu’il faut fixer un cadre, même minimal, à cette entreprise de reconquête intellectuelle de la friche des études institutionnelles. Comme je l’ai déjà indiqué ailleurs 11 , il faut assumer un héritage mais aussi s’en démarquer. Notre héritage, c’est notre autonomie intellectuelle et disciplinaire vis-à-vis du droit public, qui a été conquise de haute lutte notamment sur le terrain des études institutionnelles (et qui demeure, il est vrai, parfois fragile dans les universités de province). Mais les temps héroïques de la conquête de notre autonomie étant désormais loin de nous, il ne s’agit plus de reproduire des querelles vieilles d’un demi-siècle et de ne penser l’analyse des institutions qu’en termes de concurrence avec l’approche juridique. Autrement dit, il est absolument nécessaire de nous démarquer d’un discours identitaire – certes utile en son temps – sur l’aveuglement des juristes, qui réduit notre programme scientifique à la dénonciation du juridisme.

6 Dans les années cinquante soixante, si on lit par exemple Maurice Duverger, la rupture avec le droit consistait en une affirmation selon laquelle une constitution ne décrit pas la réalité du fonctionnement de la vie politique mais sert à masquer des rapports de force ou de domination. Dans cette perspective, la science politique doit démasquer, démystifier, désacraliser. C’est assurément une vision des choses et un programme scientifique qui ont beaucoup vieilli. L’analyse des institutions – sous l’influence sans doute de la diffusion de schèmes « constructivistes » dans la science politique – ne saurait se limiter aujourd’hui à une posture qui postule d’entrée l’irréalité ou l’artificialité des catégories de l’entendement juridique, qui ne saisit ces dernières qu’à travers leur fonctionnalité supposée. Bien au contraire, la tâche du politiste est de réfléchir aux conditions (mais aussi aux limites) de l’efficace de la mise en forme constitutionnelle de la compétition politique, aux processus au terme desquels les positions institutionnelles autorisent ceux qui s’en réclament à se livrer légitimement à des pratiques sans encourir le risque d’être accusés d’imposture ou d’arbitraire, aux conceptions du pouvoir (ou de la démocratie) enfermées dans des relations institutionnelles stabilisées, aux systèmes de raisons et de croyances qui équipent l’action dans les institutions, aux configurations (au sens de Norbert Elias) qui structurent les usages des institutions et dans lesquelles ceux-ci prennent sens.

7 On le voit, il ne s’agit ni d’ignorer ni de nier la nouvelle positivité du droit constitutionnel revendiquée aujourd’hui par les juristes. Il s’agit même de la décrire, dans tous ses aspects de technique juridique, mais en insérant cette positivité juridique dans une réflexion sur les mécanismes d’institutionnalisation d’un ordre politique. Ce qui suppose d’analyser les mécanismes par lesquels des schémas institutionnels (on entend par là une combinaison de règles de conduites attendues, de hiérarchies de positions, de principes de classement, etc.), prétendant décrire un univers de pratiques très éloignées du sens commun, peuvent être vécus (bien qu’inégalement) non seulement comme utiles mais aussi comme nécessaires à la vie en société, aboutissant ainsi à une fonctionnalisation (par les acteurs intéressés) des institutions. Autrement dit, il s’agit de comprendre le pourquoi et le comment d’une transformation de ces schémas institutionnels en structures de coordination, le plus souvent tacite, des pratiques, des attentes ou des jugements sur l’action dans l’espace politique. Ce qui débouche nécessairement sur une approche compréhensive , cherchant à restituer les significations de l’action pour les personnes qui y sont engagées, et donc à la fois sur une sociologie et une anthropologie des institutions. Si rupture il y a avec les catégories de l’entendement juridique, elle réside alors justement dans la distance prise avec cette fiction constitutive du droit selon laquelle le droit existe hors de la parole qui lui donne son autorité et sa légitimité, selon laquelle le droit prend sens hors des configurations sociales et politiques qui accordent à certains la capacité de manier légitimement des universaux, de prescrire pour la généralité, selon laquelle, enfin, le droit existe indépendamment de ses usages. Pour le dire de façon plus ramassée, et un peu différente, la rupture avec les schèmes juridiques réside dans l’accent mis sur l’ historicité (et donc, d’une certaine façon, la contingence) de la fonctionnalisation des institutions.

8 D’où l’importance, de ce point de vue, du comparativisme. Il est inutile d’être trop long sur ce sujet. La tradition sociologique a depuis fort longtemps mis l’accent sur l’analyse comparative comme substitut à l’expérimentation et comme mode de construction des objets de science, et l’anthropologue Clifford Geertz a très justement rappelé dans une belle formule que l’intérêt premier de toute approche comparative est de rétablir « le sentiment que les choses pourraient très facilement être autres qu’elles ne sont, ce qui n’est pas la même chose que de dire qu’elles pourraient être n’importe quoi » 12 . Sans méconnaître les difficultés mais aussi les faux-semblants du comparativisme 13 , il nous semble absolument nécessaire que le programme d’analyse politiste des institutions que l’on vient d’esquisser s’inscrive dans une perspective comparatiste. Mais quel comparativisme ? Il ne s’agit pas bien sûr de nier le caractère heuristique d’un comparativisme synchronique, mais il est sans doute plus fécond, de notre point de vue, de privilégier une analyse comparative diachronique , qui permet de tenir simultanément deux objectifs intellectuels essentiels. Le premier est de montrer qu’en dépit de l’apparente permanence des substantifs qui les désignent, les constructions institutionnelles (Constitution, présidence de la République, Parlement, etc.) font l’objet d’usages variés, d’investissements de sens fluctuants, d’attentes divergentes selon les périodes. Ce qui permet d’introduire à un travail sur les processus de fonctionnalisation de ces constructions institutionnelles. Le second objectif que permet d’atteindre cette forme de comparativisme est la mise à jour d’invariants structuraux dans les processus de formalisation constitutionnelle des activités politiques ou publiques. Il n’est par exemple pas indifférent pour l’analyse des institutions que l’on puisse décrire de la même façon le travail des légistes médiévaux dans l’établissement de l’institution du « Lit de Justice », celui des légistes de Vichy dans la formalisation de l’« État français » et celui des légistes libéraux de la fin du xx e  siècle dans l’érection d’un « État de droit européen ». De ce point de vue, le développement actuel des travaux de socio-histoire du politique 14 est d’un grand secours, tant sur le plan des méthodes mises en œuvre et des matériaux collectés que sur celui du renouvellement des interrogations problématiques. L’analyse des institutions pourrait être ainsi le lieu privilégié d’un rapprochement encore plus poussé entre l’histoire et la science politique.

9 Puisque nous venons d’évoquer l’hypothèse d’un rapprochement disciplinaire, allons encore plus loin. Chacun sait que l’un des problèmes de la science politique actuelle est celui des « cumulativités séparées ». Nous avons aujourd’hui des petites communautés de spécialistes de telle ou telle question qui affinent leurs outils dans leur coin, qui élaborent des modèles d’analyse de plus en plus sophistiqués, avec comme résultat une balkanisation des savoirs et des concepts. Si l’analyse des institutions a pour seule ambition de se renforcer comme sous-discipline, elle est alors condamnée à rester une petite province marginale d’un empire éclaté. Cela signifie qu’il n’y a pas de salut (savant) dans le nombrilisme sous-disciplinaire auquel la dynamique du développement de la science politique semble actuellement nous pousser, mais qu’il faut au contraire chercher à articuler systématiquement l’analyse des institutions politiques avec d’autres pans de notre discipline : l’analyse des politiques publiques, l’analyse des mobilisations collectives, l’analyse de la constitution et des formes prises par le métier politique, etc. De telles articulations ne se feront pas toutes seules. Cela suppose de faire fructifier ensemble des acquis de la discipline qui semblent parfois très éloignés. Cela suppose d’investir intellectuellement dans ces croisements de problématiques. C’est à ce prix que l’analyse des institutions ne sera plus seulement une réserve d’indiens. Et pour marquer cette insertion renouvelée dans la science politique (dans son ensemble), pourquoi ne pas débaptiser l’analyse des institutions pour parler dorénavant de « gouvernement » ? Pour une fois le vocabulaire du français de la Renaissance rejoindrait le jargon international anglo-saxon et l’analyse des institutions dirait réellement ce qu’elle fait : en mettant au jour le travail de fonctionnalisation des constructions institutionnelles, en étudiant ceux qui sont en mesure d’imposer des principes d’action ou des structures de préférences objectivées dans des institutions, en réfléchissant aux effets de légitimation de la domination que produit la codification des pratiques politiques, elle se donne pour objet la question du pouvoir. Et cette question intéresse, au premier chef, tous les politistes.

Notes de bas de page

1 Voir par exemple le constat désenchanté que fait Georges B urdeau dans « Une survivance : la notion de constitution », dans L’évolution du droit public. Études offertes à Achille Mestre , Paris, Sirey, 1956.

2 Voir par exemple deux manuels récents : Louis F avoreu et al., Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 2 e éd., 1999, et Elizabeth Z oller , Droit constitutionnel , Paris, PUF, 1998.

3 Voir Delphine D ulong , Moderniser la politique. Aux origines de la V e République , Paris, L’Harmattan, 1998.

4 Selon l’expression de Louis F avoreu , La politique saisie par le droit , Paris, Economica, 1988.

5 Voir Bastien F rançois , « La constitution du droit ? La doctrine constitutionnelle à la recherche d’une légitimité juridique et d’un horizon pratique », dans La doctrine juridique, Alain B ernard et Yves POIRMEUR dir., Paris, PUF, 1993.

6 Voir en particulier Jacques C ommaille , Laurence D umoulin et Cécile R obert dir., La juridicisation du politique , Paris, LGDJ, 2000.

7 Il faut par exemple attendre la page 613 du manuel précité de Louis F avoreu et alii pour que l’étudiant en 1 re année de droit apprenne comment est élu le président de la République en France...

8 Voir Guillaume D rago , Bastien F rançois et Nicolas M olfessis dir., La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel , Paris, Economica, 1999.

9 Louis A ssier- A ndrieu , Le droit dans les sociétés humaines , Paris, Nathan, 1996, p. 9.

10 Je me permets de renvoyer à un texte où j’aborde cette question du point de vue du poids des frontières disciplinaires : Bastien F rançois , « Préalables avant de prendre le droit comme objet. Notations en forme de plaidoyer pour un point de vue a-disciplinaire mais néanmoins soucieux des impensés disciplinaires », dans La juridicisation du politique , Jacques C ommaille , Laurence D umoulin et Cécile R obert dir., op. cit.

11 Bastien F rançois , « Duverger revisité », dans Enseigner la science politique , Pierre F avre et Jean-Baptiste L egavre dir., Paris, L’Harmattan, 1998 ; je reprends ici une partie de l’argumentaire développé dans ce texte.

12 Clifford G eertz , Bail. Interprétation d’une culture , Paris, Gallimard, 1983, p. 87.

13 Voir par exemple Patrick H assenteufel , « Deux ou trois choses que je sais d’elle. Remarques à propos d’expériences de comparaisons européennes », dans Les méthodes au concret , Myriam B achir dir., Paris, PUF, 2000.

14 Voir l’utile synthèse proposée par Yves D éloye , Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 1997.

Professeur à l’Université Paris I

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Jus Politicum

Philippe Raynaud

Le droit et la science politique.

Thèmes : Droit constitutionnel - Science politique - Sociologie - Cour Suprême des États-Unis

La relation entre le droit et la science politique fait signe elle-même vers une certaine idée de la philosophie qui pourrait peut-être réunir à  nouveau, sans pour autant les confondre, deux disciplines aujourd’hui séparées que sont le «droit public» et la «science politique».

1. Des sciences politiques à  «la» science politique : un nouveau domaine du savoir.

La science politique dont nous parlons aujourd’hui n’est pas seulement celle des philosophes qui, d’Aristote à  Montesquieu en passant par Machiavel, ont cherché à  étayer leur discours sur la nature humaine par une étude savante des régimes politiques ; c’est, plus modestement, celle qui est enseignée dans les Universités du monde entier, et dont la naissance est un des fruits de la rencontre entre trois faits majeurs et du reste interdépendants, qui sont le triomphe du modèle de la science positive, le développement de la démocratie moderne et la croissance de l’Etat, qui entraîne elle-même une transformation profonde dans la sociologie des élites. Si on prend l’exemple français, ce sont sans doute les changements sociaux et politiques qui sont déterminants dans la naissance de «sciences politiques» autonomes, que l’on s’accorde en général à  faire remonter à  la création en 1872 de l’Ecole libre des sciences politiques, grâce aux efforts d’Emile Boutmy, avec l’appui de savants aussi éminents que Taine, Renan ou Leroy-Beaulieu. A ce moment-là , il n’est pas question de créer une science nouvelle, mais plutôt de répondre à  des besoins à  la fois sociaux et politiques. La Commune de Paris et la défaite de 1871 ont fait apparaître une défaillance dans la formation des élites françaises, qu’il s’agit de mieux préparer au gouvernement de la démocratie, en réunissant dans un même établissements différents savoirs, qui vont des disciplines classiques du «caméralisme» jusqu’à  l’étude des sociétés modernes, en passant par celle des régimes politiques étrangers dont l’expérience pourrait être utile à  la France nouvelle qui naît après la chute de l’Empire. De là  naît une première rivalité entre le monde des sciences politiques et celui des juristes, qui, même si Boutmy enseigne lui-même l’histoire constitutionnelle, est d’ordre moins intellectuel ou scientifique que social ou institutionnel : l’Ecole libre des sciences politiques apparaît nécessairement, qu’elle le veuille ou non, comme la rivale des Facultés de droit, qui assuraient jusqu’alors une part essentielle de la formation des milieux dirigeants, en dehors des ingénieurs et des médecins. A partir de cette réalité institutionnelle «des» sciences politiques, de nouvelles disciplines vont naître et se développer, qui aboutiront peu à  peu à  l’affirmation de quelque chose comme une science politique, qui est une réalité internationale et qui se situe à  l’intersection entre le savoir des juristes de droit public et des analyses de type sociologiques directement liées au développement de la démocratie qui a suivi la généralisation du suffrage universel. Du côté des juristes, on peut citer l’ouvrage du futur Président Wilson sur Le gouvernement congressionnel ou encore le grand livre de James Bryce, The American Commonwealth (1888, traduit en français en 1901), qui combine une analyse classique des institutions et du droit public des Etats-Unis comparé à  celui des nations européennes avec une étude de ces nouveaux objets que sont l’«opinion publique», le système des partis et les institutions sociales. Du côté de la sociologie naissante, ce sont sans doute les deux grands livres d’Ostrogorski [2] et de Robert Michels [3] sur les partis politiques qui illustrent le mieux les orientations de la nouvelle discipline. Michels et Ostrogorski sont tous deux des sociologues du fait démocratique, qui centrent leur réflexion sur le contraste entre les promesses du nouveau régime et sa réalité oligarchique et qui mettent l’accent sur les transformations décisives que l’avènement du suffrage universel et l’entrée des masses dans la politique officielle vont faire subir au régime libéral. La naissance de la science politique est donc liée aux deux aspects de ce que l’on appellera plus tard la démocratie libérale ou la démocratie représentative, dont elle va s’attacher à  montrer les limites internes : les régimes qui se développent dans l’Europe de 1900 ne sont plus à  proprement libéraux (ne serait-ce que par l’élargissement des fonctions de l’Etat qui accompagne l’essor des services publics) mais ils ne sont pas non plus conforme à  l’idée classique de démocratie. La discipline nouvelle va donc se consacrer à  l’étude, d’un côté, de ce qui excède la logique juridique, celle de l’équilibre des institutions ou de ce qu’on appellera plus tard la hiérarchie des normes et, de l’autre, à  la mise en lumière des rapports de pouvoirs qui sous-tendent les diverses procédures démocratiques. C’est dans ce cadre que prendront place, en Amérique mais aussi en France, les premières études de sociologie électorale et les diverses tentatives pour analyser la relation entre les régimes politiques, les systèmes de partis et les modes de scrutin. La différence entre la France est les Etats-Unis vient évidemment du faible développement des sciences sociales dans notre pays, qui a permis aux juristes de conserver longtemps une influence plus grande dans l’enseignement des sciences politiques. Dans cette première période, les relations du droit et de la science politique sont donc finalement assez simples. Les juristes ont pu être agacés par l’essor des sciences politiques dans des institutions nouvelles, mais ils n’eurent aucune peine, en France, à  présenter la science politique comme une dépendance du droit constitutionnel tel que l’enseignaient de grand maîtres comme Adhémar Esmein et la voie suivie par Bryce en Grande-Bretagne ne devait pas manquer de représentants dans les Facultés de droit. Tout devait changer, cependant, avec l’essor des sciences sociales dans l’après-guerre et avec l’autonomisation de la science politique, qui répondait elle-même à  des transformations importantes dans le monde des Professeurs de droit public.

2. Droit public et science politique : les raisons d’un divorce et ses effets.

Les années de l’après-guerre sont pour la science politique celles de son essor et de sa reconnaissance institutionnelle, qui lui permettent d’étendre son influence au-delà  de la rue Saint-Guillaume sans pour autant retomber sous la tutelle des Facultés de droit. Du point de vue des institutions, et de leur «mise en conformité» aux normes internationales, l’Association Française de Science Politique est créée en 1949, qui se dote en 1951 d’une Revue française de science politique . Pour ce qui est de l’influence, le facteur essentiel est sans doute la croissance des enquêtes et des sondages d’opinion qui passe par des canaux académiques nouveaux, dans lesquels les Facultés de droit ne jouent qu’un rôle marginal. L’évolution de la profession politique sous la Ve République, combinée avec l’importance croissante de l’ENA et donc de l’IEP va évidemment contribuer à  l’essor des sciences politiques avec pour effet une demande croissante de redéfinition de leur statut universitaire. Un des moments importants dans cette restructuration a été la création d’une «Agrégation de science politique» conçue sur le modèle des agrégations de droit (le premier concours a eu lieu en 1973) qui a contribué à  donner à  la discipline une légitimité et une stabilité qu’elle n’avait sans doute pas jusqu’alors, mais qui a aussi pesé, pour le meilleur et pour le pire (pour le meilleur plus que pour le pire, me semble-t-il) sur son devenir ultérieur. L’idée des fondateurs de ce concours était de fédérer les différents savoirs sur «le» ou «la» politique, afin de rassembler dans un nouveau domaine des forces jusqu’alors dispersées sans pour autant les homogénéiser : selon la formule chère à  Maurice Duverger, la science politique devait rester un «carrefour de disciplines diverses» plutôt que devenir une science unitaire. Cette prévision a été en partie infirmée par le jeu naturel de la logique bureaucratique, qui a poussé beaucoup de chercheurs et d’universitaires à  cultiver au contraire une improbable singularité scientifique, mais les forces centrifuges restent – heureusement – assez fortes pour que survive un certain pluralisme des écoles et des méthodes. Quelles furent les conséquences de ces évolutions sur les relations entre le droit et la science politique ? Dans le régime antérieur, la science politique apparaissait comme une dépendance ou une annexe du droit public, qui permettait de donner un certain agrément pratique au droit constitutionnel, sans pour autant y avoir de véritable influence, et c’est pour cela qu’il existait une «agrégation de droit public et de science politique», une Revue du droit public et de la science politique etc. ; la séparation pouvait évidemment apparaître à  certains comme une diminutio capitis , mais elle fut en fait vécue comme une chance par la plupart des spécialistes de droit constitutionnel : on s’entendit pour dire qu’il n’y avait pas eu faute et le divorce se fit par consentement mutuel, avec un partage du patrimoine satisfaisant pour les deux parties. Pour les plus « juristes » des constitutionnalistes, l’autonomie de la science politique favorisait l’ Isolierung du droit public en les libérant de la nécessité de s’intéresser à  des sujets vulgaires et elle devait contribuer à  faire du droit constitutionnel un «vrai» droit régi par la logique immanente des normes, et qui pourrait même peut-être donner lieu à  l’avenir à  des consultations amples et honorées. Pour ceux qui s’intéressaient le plus à  la dynamique politique des institutions, au contraire, la création d’une science politique autonome représentait une ouverture intéressante, qui permettrait de donner toute leur place à  des problématiques jusqu’alors méconnues. Pour illustrer la logique de cette harmonieuse séparation, le mieux est sans doute de rappeler un des plus éloquents «lieux communs» (au bon sens de ce terme) qui permettait de l’expliquer. Ce thème fut développé parallèlement par deux des maîtres les plus éminents de la période, Georges Vedel et Maurice Duverger, qui, dans le dialogue entre le droit et la science politique, jouaient avec brio les deux rôles titres. Le point de départ était le célèbre chapitre de l’Esprit des lois sur la Constitution d’Angleterre, dont le mérite immortel était d’avoir montré que, pour que la liberté soit garantie, il fallait que, par la disposition des choses, «le pouvoir arrête le pouvoir». La limite, fort excusable au demeurant du propos de Montesquieu, était d’avoir exagéré, dans cet équilibre, l’importance des relations «juridiques» entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, sans percevoir le rôle décisif que jouait le mécanisme «politique» du contrôle mutuel et de la modération que produisait le jeu de l’opposition et de la majorité. Ceux qui poursuivront la lecture de L’esprit des lois jusqu’au ch. 27 du Livre XIX se demanderont peut-être si Montesquieu n’était plus sagace encore que ne l’estimaient nos maîtres, mais cela n’enlève rien à  la force de leur propos qui était de nature prédictive et même «performative» ; il définissait un programme qui pourrait se résumer ainsi : aux juristes reviendra l’étude de la logique des normes, aux politistes celle de la dynamique des forces. Là  où Georges Vedel envisageait encore que la science politique pût, dans ce cadre, rester une discipline complémentaire du droit, Maurice Duverger pensait qu’elle devait devenir une discipline autonome et c’est à  lui que l'on peut dire que l’évolution ultérieure de l’enseignement, a donné raison. Pour comprendre cette évolution, le plus simple serait sans doute de comparer les meilleurs manuels récents de droit constitutionnel et de science politique (ou, ce qui est significatif, de «sociologie politique») avec les traités de droit public des grands maîtres des années 1900 comme Esmein et même avec ceux des années 1950 ou 1960. Les traités classiques de droit constitutionnel partaient de l’analyse des différents régimes et mêlaient à  la description des «pouvoirs» et de leurs agencements institutionnels quelques éléments de «science politique», là  où la tendance contemporaine est plutôt de partir de la logique propre de la «constitution normative», telle que l’explicite la jurisprudence constitutionnelle. De leur côté, les manuels de science politique privilégient l’étude des forces sociales sous-jacentes aux processus politiques avec, en France, un intérêt tout particulier pour les formes «non-conventionnelles» de l’action politique, le droit étant essentiellement considéré pour sa contribution à  la stabilité de l’ordre politique et, pour finir, de l’ordre social. Plus généralement, la tendance dominante est d’établir une sorte de division du travail, dans laquelle le «droit» se spécialise dans ce que l’on pourrait appeler l’«idéalisme des normes», la science politique se réduisant de plus à  une sociologie dominée au contraire par le «matérialisme des forces» qui a trouvé son expression la plus parfaite dans l’œuvre de Pierre Bourdieu, dont l’influence est considérable chez mes collègues «politistes». De là  aussi, le redoublement des sous-disciplines du droit public et des Facultés de droit dans divers domaines de la «science politique», qui ajoute à  la «sociologie politique» une «science administrative», une «sociologie des relations internationales» et même, dans une Université de la périphérie parisienne, une «histoire sociale des idées». On aurait tort, néanmoins, d’en conclure que les relations entre juristes et politistes se réduisent aujourd’hui à  de l’indifférence ou à  de l’hostilité. La séparation n’a pas éteint toute attirance réciproque, et elle a pour contrepartie toutes sortes de rencontres furtives dont on peut estimer qu’elles montrent pour le moins une certaine complémentarité entre les disciplines. On peut même dire que, dans le régime actuel de séparation entre la science politique et le droit, les représentants des deux disciplines sont attirés par ce que la discipline complémentaire a apparemment de plus étranger à  la leur, ou du moins à  l’image qui en est donnée par la division du travail universitaire. Les juristes, qui savent mieux que quiconque que le «droit» n’est pas ce que pense le profane, trouvent dans la science politique et même dans la sociologie critique une peinture réputée sans fard de la genèse de leurs catégories ; c’est là , me semble-t-il, la raison du crédit dont jouit l’œuvre de Pierre Bourdieu jusque dans les meilleures maisons, alors même que ce qu’elle dit du droit pourrait paraître d’une insigne pauvreté. Du côté des politistes, les nouvelles formes du droit public et la «juridisation» croissante de la vie politique sont évidemment des objets en eux-mêmes passionnants, qui ne sont pas du reste sans susciter des sentiments ambivalents : les mêmes qui, comme «savants», sont toujours prêts à  dévoiler la contribution du droit à  «l’hypocrisie sociale» (P. Bourdieu) ne sont pas moins fascinés par la puissance du droit dans le nouvel ordre démocratique et ils savent bien, du reste, comme sociologues de l’action (ou comme citoyens) que le droit aujourd’hui est une « ressource » importante des courants les plus radicaux. Certains penseront sans doute que je décris ici une situation typiquement française, sans équivalent à  l’étranger. Je ne le crois pas ; pour s’en tenir au pays le plus important, le monde académique américain obéit certes à  une logique différente, qui permet sans doute un dialogue plus ouvert entre les juristes et les spécialistes de « government », qui est dû au fait que personne ne doute du fait que la Cour suprême est une institution politique qui fait plus que «dire le droit» ; mais on pourrait montrer, sans même évoquer les critical legal studies , que, du côté de la Political Science , la domination des modèles du «choix rationnel» a paradoxalement des effets en partie semblables à  ceux que produit en France la sociologie critique.

3. Au-delà  de la séparation

Il est donc probable qu’on ne reviendra pas sur la séparation entre le droit public et la science politique, qui est fondée dans la nature des choses et qui correspond à  l’intérêt bien entendu des deux disciplines. Je crois néanmoins possible (et souhaitable) des rapports différents de ceux qui existent aujourd’hui, et qui seraient fondés sur leurs origines communes plus que sur la symétrie présente de leurs préoccupations, qui n’est peut-être pas définitive. Je voudrais ici évoquer, d’une part, ce que le droit constitutionnel entendu comme droit politique peut apporter d’irremplaçable à  la compréhension des contraintes qui pèsent sur les systèmes politiques et, de l’autre, ce que la science politique peut avoir à  nous dire sur les zones intermédiaires que l’on peut traverser quand on pense d’un niveau à  l’autre de la production des normes. Voyons d’abord ce qu’il en est de la portée proprement politique du droit constitutionnel. On peut en avoir une idée si l’on se souvient des controverses qui ont accompagné jadis les premières années de la Ve République et qui, du reste, ne cessent pas de ressurgir à  chaque révision d’importance. Au-delà  des discussions sur le caractère semi-présidentiel et/ou semi-parlementaire du régime, on s’accordait assez volontiers pour considérer, avec Maurice Duverger, que ce système à  la fois classique et baroque devait sa naissance aux obstacles mis en France à  la constitution d’un véritable gouvernement parlementaire ou si l’on préfère, d’un système «primo-ministériel» ; une telle évolution n’avait pas été possible en France du fait de l’oscillation entre le régime d’assemblée et la tentation consulaire, de la faiblesse du système partisan et de la faible consistance des majorités et c’est ce qui avait rendu nécessaire la désignation directe par le peuple du chef de l’Etat : la «monarchie républicaine» (Duverger) compensait le déficit démocratique créé par l’absence du fait majoritaire. Face à  cette analyse «politologique», Pierre Avril a montré, dans un article fondamental, que la naissance de la Ve République pouvait aussi et même surtout être vue comme «une revanche du droit constitutionnel» [4] , que l’on pouvait comprendre à  partir des analyses de Carré de Malberg dans La loi expression de la volonté générale (1931). Le régime français n’était pas un simple compromis entre les modèles anglais et américain mais plutôt le fruit d’un système de transformations réglées à  partir de la logique du droit public français, qui n’expliquaient pas seulement le renforcement de l’exécutif mais aussi la naissance, en opposition apparente avec la tradition républicaine, du contrôle de constitutionnalité. Or, il me semble que beaucoup de phénomènes que l’on s’attendrait à  expliquer par la dynamique des «forces» et qui semblent défier la compréhension sociologique gagneraient à  être éclairés par une analyse juridique, à  condition de se souvenir que, comme le rappelait un jour le Doyen Vedel lors d’un Congrès de l’Association Française de Science Politique, «même les juristes savent bien que tout n’est pas dans les textes». Mon collègue Denis Baranger vient d’en donner une illustration éclatante dans un ouvrage qui porte justement sur la «Constitution anglaise», dont chacun sait que, précisément, elle n’est pas «écrite» [5] . Là  où le sens commun «républicain» des Français a du mal à  comprendre comment le Parlement «souverain» a pu opérer la «dévolution» de ses pouvoirs à  l’Ecosse, il explique pourquoi l’héritage impérial facilitait la reconnaissance de l’autonomie des entités régionales. Là  où les sociologues réalistes s’entendaient avec la plupart des juristes «positivistes» pour s’attendre à  une disparition rapide de la Chambre des Lords, il fait comprendre la longévité paradoxale de cette institution. Là  où l’analyse politique insiste sur les logiques de «raison d’Etat» qui auraient dû jouer en Grande-Bretagne comme ailleurs, il montre ce que conserve de spécifique le régime anglais, qui permet au Parlement d’étendre considérablement les pouvoirs temporaires de l’exécutif sans entrer dans la logique qui sous-tend notre article 16. De la même manière, on peut montrer comment, au-delà  même de la lettre de la Constitution écrite et de la jurisprudence de la Cour suprême, les caractères généraux du droit américain continuent de délimiter le champ de ce qui, aux Etats-Unis, est politiquement concevable. Pour le dire de façon plus générale, il me semble que nous aurions tout intérêt, s’agissant des rapports possibles entre le droit et la science politique, à  nous intéresser à  la manière dont le droit dessine le cadre de ce qui est pensable dans la longue durée, plus encore qu’à  l’efficace directe des textes et des décisions. Si la science politique doit ainsi reconnaître sa dette envers la culture des juristes, peut-elle en échange leur apporter quelque chose d’autre que des exemples de ce que le droit peut produire dans la vie politique ? Il me semble ici que ce que permet une certaine science politique, c’est une meilleure intelligence des relations entre les différents niveaux de la production des normes et, surtout, de ce que le droit comme «doctrine» perçoit naturellement comme des renversements de jurisprudence alors même que les juridictions répugnent légitimement à  user de cette catégorie. Je pense notamment ici à  l’usage très éclairant qu’a fait le constitutionnaliste américain Bruce Ackerman de la théorie des «réalignements» électoraux pour éclairer certaines mutations majeures du droit constitutionnel américain et de la jurisprudence de la Cour suprême, alors même qu’il n’y avait pas eu de «révision» en forme de la constitution. Depuis une trentaine d’années, en effet, le droit américain est dominé par une controverse sans fin entre deux interprétations de la Constitution et des tâches des membres de la Cour, qui sont évidemment liées à  certains partis pris politiques mais qui, surtout, présentent des difficultés symétriques. Pour les tenants de l’ Original Intent , la Cour doit, pour se garder du risque d’«activisme judiciaire», se contenter de chercher quelle était l’«intention originaire» du législateur constituant ; pour les tenants de la Living Constitution , le juge peut sans usurper la fonction législative découvrir dans la Constitution des «principes» jusqu’alors méconnus pour censurer des lois qui, auparavant, auraient pu être acceptées : la constitution vivante reste identique à  elle-même si les «principes» invoqués peuvent être fondés sur sa logique interne et sur sa philosophie morale sous-jacente. Ces deux théories de valeur sans doute inégale présentent des difficultés symétriques : la première conduirait sans doute, si on la prenait vraiment au sérieux, à  annuler la quasi-totalité de la jurisprudence de la Cour, Marbury v. Madison inclus, la deuxième, qui exprime assez bien le point de vue spontané des juges libéraux, suggère une interprétation assez peu vraisemblable de l’histoire américaine. Ce que montre Ackerman de manière assez convaincante, c’est qu’on peut sortir de cet affrontement stérile si on admet que, lorsqu’elles suivent un conflit entre la Cour et les institutions politiques, les «élections de réalignement» (celles qui changent durablement l’ensemble des équilibres politiques) produisent l’équivalent d’une révision «constitutionnelle» sans que le «droit» ait formellement été changé. On peut ainsi comprendre – et admettre – les changements de jurisprudence qui interviennent après la réélection de Roosevelt et qui se prolongent durant la Présidence Warren : la Cour suprême applique sans doute une «constitution vivante» mais la découverte de nouveaux principes passe à  un certain moment par l’intervention de ce personnage infigurable que désigne « We the people » dans le texte de 1787 dans des formes qui ne sont pas réductibles à  ce que dit la Constitution. Nous avons vu tout à  l’heure que la science politique peut apprendre du droit les limites de son pouvoir explicatif ; nous voyons maintenant que, si le droit constitutionnel a sans doute besoin de distinguer entre la constitution et la loi, la science politique peut - s’il le juge bon - l’aider à  relativiser cette distinction, afin de mieux rendre compte de la logique et de la force du droit. Le divorce entre le droit et la science politique ne sera sans doute pas surmonté, mais il n’interdit pas un dialogue permanent, qui va très au-delà  de l’échange d’informations ou de la division du travail entre disciplines complémentaires, et qui doit sans doute beaucoup à  leur enracinement dans une certaine tradition de la philosophie politique (c’est peut-être ainsi qu’il faudrait comprendre le rôle qu’a joué Montesquieu dans l’histoire que j’ai racontée).

Le droit public et la science politique ne se confondent sans doute pas mais ils peuvent être unis dans un même « département de droit public et de science politique ».

Philippe Raynaud, agrégé de philosophie et de sciences politiques, est Professeur de philosophie politique à  l'Université Paris 2 Panthéon-Assas et membre de l'Institut Universitaire de France. Il est notamment l’auteur de Max Weber et les dilemmes de la raison moderne , 2ème éd., Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 1996, de L’extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution , Paris, Ed. Autrement, coll. CEVIPOF, 2006 ainsi que de Le juge et le philosophe , Paris, Armand Colin, 2008, et il a dirigé avec Stéphane Rials un Dictionnaire de philosophie politique , 3ème éd., Paris, P.U.F., coll. Quadrige, 2003.

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Parution : 10/2011 Editeur : Editions Panthéon-Assas ISBN : 978-2-9133-9770-5

Écrits de droit constitutionnel et de science politique

PRÉSENTATION DU RECUEIL REMERCIEMENTS PRÉFACE SOMMAIRE RAYMOND CARRÉ DE MALBERG, SON ŒUVRE, SA DOCTRINELA RÈGLE DE DROIT ET LE POUVOIRESSAI SUR L’ÉVOLUTION DE LA NOTION DE LOI EN DROIT FRANÇAISREMARQUES SUR LA CLASSIFICATION DES FONCTIONS ÉTATIQUESLE RÉGIME DES POUVOIRS PUBLICS DANS LA CONSTITUTION DU 27 OCTOBRE 1946 I. L’organisation des pouvoirs publicsLe ParlementLe GouvernementLa fonction judiciaireII. Les rapports des pouvoirs publics entre eux et la forme du régimeLA FONCTION GOUVERNEMENTALEDéfaveur de la fonction gouvernementaleExécutif et gouvernementL’initiative et l’indépendance, signes de la fonction gouvernementaleGouverner c’est d’abord légiférerUn gouvernement condamné aux expédientsLA SCIENCE POLITIQUE, SCIENCE POUR L’HOMMEI. La science politique comme cultureII. La science politique comme méthodeNOTE INTRODUCTIVE À UNE SOCIOLOGIE DES GOUVERNANTSL’ALLÉGORIE NATIONALEDÉMOCRATIE CLASSIQUE OU DÉMOCRATIE VIVANTE

RÉGIMES POLITIQUES ET COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE I. L’influence du régime sur le développement de la communauté internationale A. La philosophie politique et sociale du régime B. Les techniques constitutionnellesII. L’influence des exigences d’une communauté internationale sur les régimes politiquesL’ÉVOLUTION DE LA NOTION D’OPPOSITIONLE PERSONNAGE CONSULAIREUNE SURVIVANCE: LA NOTION DE CONSTITUTIONL’ÉVOLUTION DES TECHNIQUES D’EXPRESSION DE L’OPINION PUBLIQUE DANS LA DÉMOCRATIEI. Les interprétations politiques de la notion d’opinion publique II. L’expression de l’opinion publique dans la démocratie classique ou libérale III. La démocratie contemporaine écartelée entre l’opinion et la volonté populaire

LA CONCEPTION DU POUVOIR SELON LA CONSTITUTION FRANÇAISE DU 4 OCTOBRE 1958

POUVOIR POLITIQUE ET POUVOIR FINANCIER

LES FONDEMENTS DE L’UNIVERS POLITIQUE

PROCESSUS DÉCISIONNEL ET DÉCISION POLITIQUE

Les formes premières du droit en Occident. II

Ce que les Romains ont nommé ius fut d’abord une parole jurée. C’était le serment que l’on prononçait à l’issue d’un sacrifice, au moment de l’abattage de la victime animale, afin de lier dans une norme commune tous les participants. Telle est la thèse développée dans le premier volume de cette quête des formes premières du droit (La parole...

The Individual in International Law

Shifts across the corpus of international law have brought the international legal system into a closer alignment with the interests of the individual. This has led to a great and growing interest in the roles and status of individuals in international law, and provided new impulses for debate.

The Individual in International Law is an exploration of what...

The Legal History of the Church of England

This book provides the first comprehensive analysis of the principal legal landmarks in the evolution of the law of the established Church of England from the Reformation to the present day.

It explores the foundations of ecclesiastical law and considers its crucial role in the development of the Church of England over the centuries.

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Legal Pluralism and Social Change in Late Antiquity and the Middle Ages

Throughout his career, Professor John Haldon has been a hinge between different academic cultures, methods, and disciplines. A true scholar of Byzantine society, he has combined meticulous work on texts and material evidence with a holistic approach to social history that has connected the study of the Byzantine world to new methodological perspectives and ever wider...

La loi de 1905 n'aura pas lieu

Le 9 décembre 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État est promulguée. Si les deux premiers tomes de cette fresque historique ont dévoilé les difficultés menant à cette étape cruciale, ce troisième volet montre à quel point promulgation et validation ne riment pas toujours.

De nombreux prélats catholiques déclarent le 1er janvier...

La Cité des choses

À partir d’une pluralité d’enquêtes ancrées sur les deux rives de la Méditerranée, du XVIe siècle à nos jours, cet ouvrage entreprend de remettre en perspective l’histoire de la citoyenneté.

Situant les « choses » au cœur de l’investigation – qu’il s’agisse d’une barque à Antibes, d’un coffre à Alger, d’un hôtel squatté...

Observer la loi, obéir au roi

L’étude des fondements doctrinaux de la pacification entre 1598 et 1629 appelle l’analyse des discours tenus sur la paix entre l’édit de Nantes et celui de Nîmes. Cette période est particulièrement propice pour tenter de mettre en lumière les idées directrices de la construction de la paix de religion dans le royaume de France.

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La vie privée

La notion juridique de vie privée au sens d’un droit générale de mener sa vie comme on l’entend est une notion très récente en droit français. Avant la Seconde Guerre mondiale, la vie privée est essentiellement protégée au travers des supports fonctionnels (le domicile, les correspondances, etc.) et des concepts précis (l’obligation de confidentialité,...

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Le colloque La loi, expression de la souveraineté, face aux autonomies dans les Etats de Savoie, a été le dernier conçu par Gian Savino Pene Vidari, avant sa brutale disparition en 2020. Tenu à Turin en octobre 2021, il a été la quinzième rencontre organisée dans le cadre du P.R.I.D.A.E.S.

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Exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel

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Afin d’appliquer la méthodologie de la dissertation juridique , vous trouverez ci-dessous un exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel.

Il s’agit d’un corrigé pour le sujet suivant : « Quel est le domaine de la loi aujourd’hui ? »

J’espère que cet exemple vous aidera à comprendre ce qu’on attend de vous dans une dissertation juridique, particulièrement en droit constitutionnel.

Bonne lecture !

Sujet corrigé : « Quel est le domaine de la loi aujourd’hui ? »

« La Loi est l’expression de la volonté générale. » Il ressort de cette formule énoncée à l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 que la loi, en tant que produit de la volonté du peuple souverain, ne saurait être limitée dans son champ d’intervention.

C’est pourquoi jusqu’en 1958, le domaine de la loi, c’est-à-dire son champ d’intervention, les matières dans lesquelles le législateur intervient pour édicter des règles, était illimité. Il faut d’emblée préciser que le terme « loi » ne doit pas ici être entendu dans un sens large comme toute norme posant une règle juridique obligatoire, mais plutôt dans un sens plus strict et juridiquement usuel comme tout texte voté par le Parlement (ce qui n’inclut donc pas la Constitution, le droit de l’Union européenne et les règlements). En particulier, sous la IIIème République et la IVème République, le domaine de la loi était déterminé par le Parlement lui-même qui fixait la limite entre la loi, qui relevait de sa compétence, et le règlement, qui relevait de la compétence de l’exécutif. Ainsi, une loi pouvait être prise dans n’importe quelle matière. Le gouvernement n’édictait des règlements que pour exécuter des lois. La différence entre la loi et le règlement ne résidait pas dans leurs domaines, mais au niveau de leur forme ; la loi était un acte voté par le Parlement, tandis que le règlement était un acte pris par le pouvoir exécutif.

En 1958, le constituant a souhaité mettre en place un parlementarisme rationalisé pour libérer le gouvernement de la tutelle du Parlement et renforcer ses prérogatives. Pour ce faire, la Constitution du 4 octobre 1958, texte fondateur de la Vème République, soustrait du domaine de la loi de nombreuses questions relevant davantage de l’administration et de la gestion courante des affaires publiques. Plus précisément, l’ article 34 fixe le domaine de la loi, et l’article 37, en complément de l’article 34, affirme que ce qui n’est pas du domaine de la loi est du domaine du règlement. Autrement dit, le gouvernement a une compétence de principe et le législateur une compétence d’attribution, ce qui peut apparaître comme une révolution. Le Parlement n’a plus la compétence de ses compétences ; il ne détermine plus quels domaines relèvent de la loi et, a fortiori , quels domaines relèvent du règlement, ce qui ouvre au pouvoir règlementaire un large champ de compétences.

Néanmoins, la “révolution“ opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution a été relativisée par la doctrine. Jean-Louis Pezant, ancien membre du Conseil constitutionnel, déclarait ainsi en 1984 que « le domaine des rapports entre la loi et le règlement est l’un de ceux qui a vu se creuser le fossé le plus large entre le dessein initial – souvent qualifié, au regard d’un long passé, de révolutionnaire – et le fonctionnement réel des institutions de la Vème République » et que « la “révolution juridique“ opérée par les articles 34 et 37 en matière de répartition des domaines de la loi et du règlement a vu, un à un, ses principaux acquis largement restreints dans leur portée » (Jean-Louis Pezant, Loi/règlement, la construction d’un nouvel équilibre, Revue française de science politique, 1984, n° 4-5, p. 922). Il précisait ensuite que le domaine de la loi pouvait résulter d’autres articles de la Constitution et que la loi ne se privait pas d’intervenir régulièrement dans le domaine règlementaire, allant même jusqu’à qualifier le domaine de la loi d’«  extensible » .

Au regard de ces considérations, il convient donc d’étudier si, sous la Vème République, le domaine de la loi est véritablement circonscrit par l’article 34 de la Constitution.

En réalité, si le domaine de la loi est délimité de manière précise par la Constitution (I), il n’en demeure pas moins qu’il a fait l’objet d’une extension continue sous la Vème République (II).

I) La délimitation précise du domaine de la loi par la Constitution

La Constitution délimite strictement les domaines respectifs de la loi et du règlement en ses articles 34 et 37 (A). Toutefois, d’autres normes à valeur constitutionnelle donnent compétence à la loi dans diverses matières (B).

A) Le domaine de la loi fixé par les articles 34 et 37 de la Constitution

Considérés à l’époque comme une véritable révolution de notre droit public ( « Ce que l’on nous propose est, en réalité, une révolution profonde, une révolution qui va même au-delà de ce que les rois eux-mêmes ont réclamé… » s’inquiétait le doyen Julliot de la Morandière, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. III, La Documentation française, 1991, p. 398), les articles 34 et 37 de la Constitution ont profondément modifié la répartition des compétences entre la loi et le règlement.

D’abord, l’article 34 de la Constitution définit de manière précise le domaine de la loi. En particulier, cet article énonce que la loi « fixe les règles » concernant huit matières et « détermine les principes fondamentaux » concernant six autres matières. Il faut donc distinguer entre les domaines pour lesquels la loi fixe les règles et les domaines pour lesquels la loi détermine les principes fondamentaux. Dans le premier cas, la loi détermine les règles dans le détail. Dans le second cas, elle ne détermine que les grands principes, le détail étant renvoyé à des règlements d’application. Il faut préciser que l’article 34 mentionne également les lois de finances qui déterminent les ressources et les charges de l’Etat, les lois de financement de la sécurité sociale qui déterminent les conditions générales de son équilibre financier et fixent ses objectifs de dépenses et les lois de programmation qui déterminent les objectifs de son action, fondant la compétence de la loi dans ces matières. Il ressort donc de cet article 34 que le législateur dispose d’une compétence d’attribution.

L’article 34 est complété par son pendant, l’article 37 alinéa 1, qui octroie au pouvoir réglementaire une compétence de principe en affirmant dans son premier alinéa que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».

Par ailleurs, il existe des procédures fixées par la Constitution pour faire respecter la frontière entre la loi et le règlement. En particulier, l’article 37 alinéa 2 permet de délégaliser (sur autorisation du Conseil constitutionnel) un texte adopté en la forme législative mais qui est en réalité du domaine règlementaire. Cette procédure permet d’éviter de recourir à la voie parlementaire pour modifier des textes de forme législative, mais de nature réglementaire. Dans la grande majorité des cas, le Conseil constitutionnel fait droit à la demande du Premier ministre et procède à la délégalisation des dispositions qui lui sont soumises.

Mais les articles 34 et 37 ne sont pas les seuls articles de la Constitution qui fixent la frontière entre la loi et le règlement.

B) Le domaine de la loi complété par d’autres dispositions à valeur constitutionnelle

L’article 41 de la Constitution permet au gouvernement ainsi qu’au Président de l’assemblée intéressée de déclarer irrecevables, pendant le déroulement de la procédure législative (donc avant que le texte ne soit adopté), les propositions de loi et les amendements qui ne relèvent pas du domaine de la loi. En cas de désaccord entre l’assemblée et le gouvernement sur cette irrecevabilité, le Conseil constitutionnel peut être saisi par l’un ou l’autre afin de trancher si le texte est de la compétence du Parlement ou du gouvernement.

En outre, en dehors de l’article 34, d’autres articles de la Constitution fixent la compétence de la loi pour certaines matières. Relèvent ainsi de la compétence du législateur le droit électoral (article 3), la déclaration de guerre (article 35), la prorogation de l’état de siège (article 36), l’autorisation de ratifier ou approuver certains traités (article 53 alinéa 1), l’organisation des conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire assure la sauvegarde de la liberté individuelle (article 66), et l’organisation de la libre administration des collectivités territoriales (article 72).

Par ailleurs, la compétence du Parlement peut également résulter d’autres dispositions du bloc de constitutionnalité. Ainsi, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 fait référence à l’intervention de la loi dans plusieurs de ses articles. Il faut à ce titre citer l’article 4 de la déclaration de 1789 qui donne compétence à la loi pour restreindre la liberté, l’article 8 de cette même déclaration qui donne compétence à la loi pour fixer les délits et les peines et l’article 17 qui fonde la compétence du législateur pour les privations du droit de propriété. De même, en vertu du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, seul le législateur peut réglementer le droit de grève. Enfin, la Charte de l’environnement de 2004, qui fait référence à la loi (notamment à ses articles 3, 4 et 7), étend également la compétence du législateur.

Ainsi, il apparaît que le domaine de la loi est fixé par l’article 34 de la Constitution et complété par d’autres dispositions à valeur constitutionnelle (I). Toutefois, le domaine de la loi n’est pas figé dans le marbre de la Constitution et a fait l’objet d’une extension sous la Vème République (II).

II) L’extension continue du domaine de la loi sous la Vème République

« La “révolution“ visant à faire du règlement édicté par l’exécutif un concurrent de la loi “expression de la volonté générale“ est pour l’essentiel restée lettre morte. » (Bertrand Mathieu, La part de la loi, la part du règlement, De la limitation de la compétence réglementaire à la limitation de la compétence législative, Pouvoirs 2005/3, n° 114, p. 73). Autrement dit, la loi a reconquis ses positions, malgré le texte de la Constitution. En réalité, la Vème République a été le théâtre d’une extension continue du domaine de la loi en raison du caractère essentiellement mouvant de ce dernier (A) et d’une jurisprudence favorable développée par le Conseil constitutionnel (B).

A) Un domaine essentiellement mouvant

Le domaine de la loi n’est pas figé et est amené à évoluer.

D’abord, l’article 34 de la Constitution énonce, dans son dernier alinéa, que « les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique » . Ainsi, le domaine de la loi peut être « précisé » et « complété » par une simple loi organique. Les lois organiques sont des lois qui ont pour objet de préciser et compléter la Constitution. Elles sont édictées selon une procédure particulière. En effet, elles ne peuvent être promulguées qu’après avoir été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel (article 46 alinéa 5 de la Constitution). La procédure d’élaboration des lois organiques est donc différente de celle utilisée pour élaborer les lois ordinaires. Le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel rend leur promulgation plus difficile. Pour autant, une révision de la Constitution doit normalement être approuvée ou bien par référendum, ou bien à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès. Ainsi, les modalités de révision de l’article 34 de la Constitution facilitent la révision du domaine de la loi en comparaison à la procédure classique de révision de la Constitution. A ce titre, la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes est venue compléter le domaine de la loi en établissant que « toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi. La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. »

En outre, le domaine de la loi a été étendu par différentes révisions constitutionnelles qui ont modifié l’article 34 de la Constitution. En particulier, la révision constitutionnelle de 1996 a intégré à l’article 34 les lois de financement de la sécurité sociale. De même, la révision de 2005 et la révision de 2008 y ont respectivement ajouté les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement, et la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias.

Par ailleurs, la pratique gouvernementale a également permis une extension du domaine de la loi. Si la procédure de l’article 41 de la Constitution était fréquemment utilisée au début de la Vème République, elle ne l’est aujourd’hui que de manière très épisodique. A quelques exceptions près, le gouvernement n’a pratiquement jamais utilisé cet article 41 depuis 1980, permettant ainsi à des textes d’être adoptés en la forme législative alors qu’ils ne relevaient pas du domaine de la loi.

Mais au-delà de ces considérations, le Conseil constitutionnel a joué un rôle déterminant dans l’extension du domaine de la loi.

B) Un domaine régulièrement renforcé par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence favorable à l’extension du domaine de la loi.

D’abord, saisi d’un recours visant, entre autres, à faire sanctionner l’édiction par le législateur d’une règle ne relevant pas du domaine de la loi, le Conseil constitutionnel a répondu que les procédures des articles 41 et 37 alinéa 2 de la Constitution ont un caractère facultatif et que « par les articles 34 et 37, alinéa 1 er , la Constitution n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en œuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiétements de la loi » (Cons. const., 30 juillet 1982, n° 82-143 DC, Blocage des prix et des revenus). Autrement dit, une loi peut contenir des dispositions de nature réglementaire si le gouvernement ne s’y oppose pas. Puisque le domaine du règlement a été institué au profit du gouvernement, ce dernier peut renoncer à s’en prévaloir et accepter un empiétement de son pouvoir. En pratique, il est fréquent que le Premier ministre dépose un projet de loi alors que le gouvernement aurait pu prendre un règlement pour faire passer la mesure. Cette pratique ayant été validée par le Conseil constitutionnel, cela contribue à renforcer le domaine de la loi.

Ensuite, le Conseil constitutionnel, contrairement à ce qu’indique la lettre de l’article 34 de la Constitution, n’a pas fait respecter la distinction entre les matières pour lesquelles la loi fixe les règles (dans le détail) et celles pour lesquelles la loi ne doit fixer que les principes fondamentaux. Il a laissé le législateur intervenir dans le détail dans toutes les matières énumérées à l’article 34 de la Constitution, ce qui participe à une extension du domaine de la loi.

Enfin, le Conseil constitutionnel ne permet pas au législateur d’abandonner ou de négliger son propre domaine. Il censure les cas d’incompétence négative du législateur, c’est-à-dire les cas où le législateur a délégué sa compétence au pouvoir réglementaire alors qu’il aurait dû l’exercer lui-même.

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