question dissertation manon lescaut

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Sujets de dissertation sur Manon Lescaut de l'abbé Prévost et le Parcours Personnages en marge et Plaisirs du romanesque

Dans cet ouvrage de l’abbé Prévost, en quoi la représentation de personnages en marge participe-t-elle au plaisir romanesque ? 

Plan détaillé:

I. Les personnages en marge comme moteur de l'intrigue

A. La représentation de Des Grieux et Manon Lescaut en tant que marginaux

B. L'attrait pour le romanesque à travers la transgression des normes sociales

II. L'apport de la marginalité à l'esthétique romanesque

A. L'évasion et l'aventure comme des formes de plaisir de lecture

B. Le tragique de la condition des personnages qui enrichit l'expérience romanesque

III. Les limites de la marginalité dans la construction du plaisir romanesque

A. Le dénouement tragique et la perte d'innocence

B. Le désenchantement et la désillusion comme conséquences de la vie en marge

Le goût pour la transgression permet-il d’expliquer le plaisir de lecture de cet ouvrage ?

I. La transgression comme source d'intérêt et de suspense

A. Les actions de Des Grieux et Manon Lescaut qui défient les normes sociales et morales

B. L'attirance pour le danger et le risque liée à leur comportement transgressif

II. L'attrait du lecteur pour la vie en marge

A. L'évasion de la réalité par l'expérience vicariante des personnages

B. L'excitation liée à la transgression des normes et à l'exploration de l'inconnu

III. La transgression comme vecteur d'une réflexion morale

A. La punition des transgressions comme un avertissement aux lecteurs

B. Le questionnement moral inhérent à la représentation de la transgression

La représentation de personnages en marge de la société participe-t-elle chez l’abbé Prévost à un projet littéraire satirique et moraliste ?

I. Le projet satirique de l'abbé Prévost

A. La critique de la société à travers la représentation de la marginalité

B. La dénonciation de la superficialité et du matérialisme de la société contemporaine

II. Le projet moraliste de l'abbé Prévost

A. L'utilisation des personnages marginaux pour illustrer des leçons de vie

B. L'importance de la vertu et des valeurs morales, soulignée par le sort tragique des personnages

III. Les limites du projet satirique et moraliste de Prévost

A. La complexité des personnages et leur humanité qui va au-delà de la satire et de la morale

B. L'ambiguïté morale et le réalisme psychologique qui nuancent le message moraliste

Ce roman de l’abbé Prévost représente-t-il seulement les aventures d’un jeune couple aveuglé par des passions ?

I. Les aventures de Des Grieux et Manon Lescaut comme reflet de leurs passions débridées

A. L'exploration des passions comme moteur de l'intrigue

B. La passion comme source de souffrance et de tragédie

II. L'analyse psychologique des personnages et leur évolution

A. Le portrait de Des Grieux et Manon Lescaut comme des individus complexes

B. L'évolution des personnages et leur prise de conscience progressive

III. Le roman comme une réflexion sur les valeurs morales et sociales

A. La critique de la société et ses valeurs matérialistes

B. La question de la liberté individuelle et ses limites

Peut-on dire que Manon Lescaut est la véritable héroïne de ce roman ?

I. Manon Lescaut comme personnage central de l'intrigue

A. Son rôle actif dans l'histoire et son influence sur Des Grieux

B. Sa complexité et son évolution au fil du roman

II. Manon Lescaut comme figure de l'héroïsme tragique

A. Sa résistance face aux épreuves et sa capacité à survivre dans des conditions difficiles

B. Son sacrifice final comme acte d'héroïsme

III. Les limites de la représentation de Manon Lescaut en tant qu'héroïne

A. Les aspects négatifs de son personnage et son rôle dans la chute de Des Grieux

B. Le débat sur le féminisme et la représentation des femmes dans le roman.

 Sujet de dissertation :

En quoi Manon et Des Grieux, peuvent-ils être qualifiés de personnages marginaux?

Problématique: En quoi Manon Lescaut et le Chevalier Des Grieux incarnent-ils des figures de marginaux dans l'œuvre de l'Abbé Prévost ?

Introduction

Présentation de l'œuvre Manon Lescaut de l'Abbé Prévost, en mettant l'accent sur son contexte historique et littéraire.

Introduction des personnages principaux, Manon Lescaut et le Chevalier Des Grieux, et de leur histoire d'amour tumultueuse.

Annonce de la problématique et du plan de développement.

I. La marginalité sociale et économique de Manon et Des Grieux

Analyse de la situation initiale de Des Grieux, issu de la noblesse mais rejetant son statut pour l'amour de Manon, soulignant sa descente vers une forme de marginalité.

Examen de la condition de Manon, caractérisée par sa précarité et ses choix de vie, qui la placent en marge de la société de son époque.

Discussion sur la manière dont leur relation amoureuse les éloigne encore davantage des normes et attentes sociales.

II. La transgression comme mode de vie

Exploration des choix de vie de Manon et Des Grieux, marqués par des actes de délinquance, de fuite et de manipulation, illustrant leur écart par rapport à la morale de leur temps.

Analyse des moments clés de l'œuvre où leurs transgressions les placent en opposition directe avec les lois et les valeurs de leur société.

Réflexion sur la manière dont ces transgressions renforcent leur statut de marginaux mais aussi leur lien mutuel.

III. L'isolement affectif et moral

Discussion sur le sentiment d'isolement que vivent Manon et Des Grieux, non seulement par rapport à la société mais aussi dans leur relation, marquée par des trahisons et des incompréhensions.

Analyse de la solitude morale de Des Grieux, partagé entre son amour pour Manon et ses propres principes éthiques.

Examen de la fin tragique de Manon comme ultime manifestation de sa marginalité, et de l'impact de cette fin sur Des Grieux.

Synthèse des éléments qui font de Manon et Des Grieux des figures marginales au sein de l'œuvre de Prévost.

Réponse à la problématique en soulignant comment leur marginalité est à la fois source de leur drame et élément central de leur histoire d'amour.

Ouverture sur la question de la marginalité dans la littérature du XVIIIe siècle et sa résonance avec des thématiques contemporaines.

L’histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est-il un roman moral ?

Problématique: L'œuvre de l'Abbé Prévost, Manon Lescaut, peut-elle être considérée comme un roman moral à travers l'histoire d'amour entre Des Grieux et Manon ?

Présentation de Manon Lescaut et de son contexte littéraire au sein de la période de transition entre le classicisme et le préromantisme.

Brève introduction des personnages principaux, le chevalier Des Grieux et Manon Lescaut, et de l'intrigue centrée sur leur relation passionnelle.

Annonce de la problématique et du cadre d'analyse du roman sous l'angle de la moralité.

I. Les enseignements moraux à travers les personnages

Analyse de la trajectoire de Des Grieux, depuis son innocence initiale jusqu'à sa déchéance morale, comme illustration des dangers de la passion démesurée.

Examen des choix de vie de Manon, entre amour et aspiration à une vie aisée, et la manière dont ces choix reflètent les dilemmes moraux de l'époque.

Discussion sur la manière dont les personnages secondaires et les situations dans lesquelles Manon et Des Grieux se trouvent posent des questions éthiques et morales.

II. La critique sociale et les valeurs morales de l'époque

Exploration du contexte social de l'œuvre, marqué par une critique implicite des inégalités sociales, du matérialisme et de la corruption, qui constituent le toile de fond moral du roman.

Réflexion sur le traitement de la justice et de la rédemption dans l'œuvre, et leur rapport avec les notions de bien et de mal.

Analyse de la fin tragique de l'histoire comme possible leçon morale sur les conséquences de la déraison et de l'immoralité.

III. Le roman moral à travers la narration et la structure

Discussion sur le rôle du narrateur et la structure du récit dans la transmission des leçons morales, notamment à travers le regard rétrospectif de Des Grieux sur sa propre vie.

Examen de la préface et des commentaires de l'auteur qui encadrent l'histoire, offrant une perspective morale explicite sur les événements narrés.

Réflexion sur l'ambiguïté morale de l'œuvre, entre roman d'apprentissage et tragédie amoureuse, et son impact sur l'interprétation des valeurs morales véhiculées.

Synthèse des arguments présentés en réponse à la problématique, soulignant la complexité de Manon Lescaut en tant que roman moral.

Réflexion sur la portée de l'œuvre de Prévost et sa capacité à susciter une réflexion morale chez le lecteur, malgré ou grâce à ses ambiguïtés.

Ouverture sur la réception de l'œuvre au fil des siècles et son inscription dans le débat sur la moralité dans la littérature.

Sujet de dissertation :

En quoi le roman Manon Lescaut peut-il être qualifié de tragédie ?

Problématique: De quelle manière les éléments constitutifs et thématiques de Manon Lescaut de l'Abbé Prévost s'apparentent-ils à ceux d'une tragédie classique ?

Présentation de Manon Lescaut, dernière partie de l'œuvre L'Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut de l'Abbé Prévost, et de son contexte d'écriture au XVIIIe siècle.

Brève introduction de la notion de tragédie classique, centrée sur des personnages nobles confrontés à des destinées fatales en raison de leurs passions.

Annonce de la problématique et de la démarche analytique.

I. La fatalité et le destin tragique des personnages

Analyse du thème de la fatalité dans le roman, avec Des Grieux et Manon semblant inéluctablement poussés vers leur chute par une force extérieure ou un destin implacable.

Examen de la fin tragique de Manon et de la descente de Des Grieux, illustrant la notion de destin tragique inhérente à la tragédie classique.

Discussion sur la manière dont ces éléments de fatalité et de destin confèrent au roman une dimension tragique.

II. La passion destructrice comme force tragique

Exploration de l'amour passionnel entre Des Grieux et Manon comme élément central de la tragédie, conduisant à la perte morale, sociale et finalement physique des personnages.

Réflexion sur le concept de l'hybris, ou démesure, incarné par la passion dévorante de Des Grieux et les aspirations de Manon, menant à leur chute.

Comparaison avec des tragédies classiques où la passion amoureuse conduit également à la destruction des protagonistes.

III. La confrontation aux valeurs morales et sociales

Analyse de la manière dont Des Grieux et Manon se confrontent aux valeurs morales et sociales de leur époque, créant un conflit tragique entre leurs désirs et les normes de la société.

Discussion sur le rôle des personnages secondaires et des institutions (famille, justice) dans l'accentuation de la dimension tragique par leur opposition aux protagonistes.

Réflexion sur la critique sociale sous-jacente dans le roman, ajoutant une couche de tragédie liée à la condition humaine et aux structures sociales.

Synthèse des principaux éléments tragiques identifiés dans Manon Lescaut et réponse à la problématique.

Réflexion sur la singularité de l'œuvre de Prévost en tant que roman tragique dans le contexte littéraire du XVIIIe siècle.

Ouverture sur la résonance universelle de la tragédie dans la littérature et son adaptation au format romanesque.

Dans l'Avis de l'auteur des Mémoires d'un homme de qualité (p. 25), Prévost écrit : « J'ai à peindre un jeune aveugle qui refuse d'être heureux. » Dans quelle mesure cette formule vous semble-t-elle correspondre au personnage de Des Grieux ?

I. L'aveuglement de Des Grieux

Passion dévorante : L'aveuglement de Des Grieux peut être vu comme une métaphore de sa passion irrépressible pour Manon. Cette passion l'empêche de voir clairement les défauts de Manon et les conséquences désastreuses de leurs choix. Il est littéralement aveuglé par l'amour, ce qui le conduit à négliger les valeurs morales et sociales.

Refus de la raison : Des Grieux rejette souvent les conseils et les avertissements de ceux qui l'entourent, préférant suivre son cœur plutôt que sa raison. Cet aveuglement volontaire le conduit à répéter les mêmes erreurs, illustrant son refus d'apprendre de ses expériences passées.

II. Le refus d'être heureux

Quête insatiable : Le bonheur semble toujours hors de portée pour Des Grieux, non pas parce qu'il est intrinsèquement inaccessible, mais parce que Des Grieux lui-même érige des obstacles sur son chemin. Sa quête obsessionnelle de l'amour parfait, incarné par Manon, l'empêche de trouver une satisfaction durable dans les aspects plus stables et conventionnels de la vie.

Autodestruction : Le parcours de Des Grieux est marqué par une série de choix autodestructeurs qui semblent refléter un refus inconscient du bonheur. Sa dépendance à l'intensité des émotions que Manon lui procure le mène à des situations qui entravent son propre bien-être et sa stabilité émotionnelle.

III. La complexité de l'amour

Amour et souffrance : La relation entre Des Grieux et Manon est caractérisée par un cycle de plaisir et de douleur. Leur amour, bien que profond, est source de souffrance, montrant que le bonheur dans l'amour n'est pas un état permanent mais un moment fugace, souvent suivi de désillusion.

Idéalisme vs. Réalisme : Des Grieux est tiraillé entre son idéalisme romantique et la dure réalité de sa situation. Son incapacité à concilier ces deux aspects le place dans une position où le bonheur semble être un choix conscient qu'il refuse de faire, préférant l'intensité dramatique de sa relation avec Manon.

La description de Prévost d'un « jeune aveugle qui refuse d'être heureux » peut donc être appliquée à Des Grieux de manière métaphorique, soulignant son aveuglement face à la nature destructrice de sa passion pour Manon et son refus inconscient de trouver un bonheur plus tranquille et stable. Ce personnage, complexe et tragique, illustre la lutte intérieure entre la quête d'un idéal amoureux et la confrontation avec les réalités amères de la vie, thème central de l'œuvre de Prévost.

D'après votre lecture de Manon Lescaut, d'où peut provenir le plaisir de la lecture d'un roman ?

I. L'intensité dramatique et émotionnelle

Passions tumultueuses : La relation entre Des Grieux et Manon est marquée par une intensité dramatique élevée, avec ses nombreux rebondissements, trahisons et réconciliations. Cette intensité captive le lecteur et suscite une gamme d'émotions, allant de la sympathie à la frustration.

Empathie pour les personnages : Les lecteurs peuvent ressentir de l'empathie pour les personnages, surtout pour Des Grieux, dont les tourments et les dilemmes moraux sont décrits avec une grande profondeur psychologique. Cette identification émotionnelle renforce le plaisir de la lecture.

II. La qualité de l'écriture et la narration

Style narratif : La prose de Prévost est fluide et élégante, offrant une lecture agréable grâce à son style clair et à ses descriptions vivantes. La beauté de l'écriture en elle-même peut être une source de plaisir.

Structure narrative : Le récit est construit de manière à maintenir le suspense et l'intérêt du lecteur, avec un enchaînement habile des événements qui pousse à tourner les pages pour découvrir la suite.

III. Les thèmes universels

Exploration de l'amour et de la passion : "Manon Lescaut" explore des thèmes universels comme l'amour, la passion, la trahison et le pardon, qui résonnent avec les expériences personnelles des lecteurs. La réflexion sur ces thèmes intemporels peut enrichir l'expérience de lecture.

Quête de liberté et de bonheur : Les personnages principaux sont en quête de liberté et de bonheur, des aspirations profondément humaines. Cette quête, avec ses succès et ses échecs, invite à la réflexion sur la condition humaine.

Le plaisir de la lecture de "Manon Lescaut" découle de la combinaison de l'intensité émotionnelle de l'histoire, de la qualité de l'écriture, de la richesse thématique, et de l'aperçu qu'elle offre sur une époque révolue. Ces éléments, en interagissant, créent une expérience littéraire riche et nuancée, capable de captiver et de toucher le lecteur à différents niveaux.

Sujet de dissertation : 

Dans l'Avis de l'auteur des Mémoires d'un homme de qualité, il est affirmé que « L'ouvrage entier est un traité de morale, réduit agréablement en exercice. »  Êtes-vous d'accord avec cette assertion ?

I. La dimension éducative de l'histoire

Leçons tirées des expériences : Les personnages de l'œuvre, notamment Des Grieux dans "Manon Lescaut", traversent une série d'épreuves qui illustrent les conséquences de divers choix et comportements. Le récit de ces expériences peut être vu comme une série de leçons de vie, offrant au lecteur une réflexion sur les conséquences morales de nos actions.

Mise en garde contre les excès : Le parcours de Des Grieux peut être interprété comme une mise en garde contre les excès de passion et les dangers de la dévotion aveugle, soulignant l'importance de la modération et de la prudence dans la conduite de sa vie.

II. La complexité des questions morales

Ambiguïté morale : Les situations présentées dans l'œuvre ne sont pas toujours clairement définies en termes de bien et de mal, reflétant la complexité des dilemmes moraux auxquels les individus sont confrontés dans la vie réelle. Cette ambiguïté invite le lecteur à une réflexion plus nuancée sur la morale.

Empathie et compréhension : En dépeignant les personnages de manière empathique, même lorsqu'ils commettent des erreurs, Prévost encourage le lecteur à comprendre la nature humaine dans toute sa complexité, plutôt qu'à porter des jugements hâtifs.

III. La représentation des valeurs sociales

Critique des normes sociales : À travers les tribulations de ses personnages, Prévost expose et critique certaines normes sociales de son époque, notamment en ce qui concerne l'amour, l'argent, et le statut social. Cette critique peut être perçue comme une exploration des valeurs morales sous-jacentes à ces normes.

Réflexion sur la justice et la rédemption : Le roman aborde également des thèmes tels que la justice, le pardon, et la possibilité de rédemption, offrant ainsi une méditation sur la capacité humaine à changer et à se racheter.

En considérant "Manon Lescaut" et les "Mémoires d'un homme de qualité" comme un "traité de morale, réduit agréablement en exercice", on reconnaît que, au-delà de son intrigue captivante, l'œuvre engage le lecteur dans une réflexion profonde sur les valeurs morales et les dilemmes éthiques. Cette dimension morale, présentée de manière accessible et divertissante, enrichit l'expérience de lecture et confirme la pertinence de l'affirmation de l'auteur.

De quelle manière le roman peut-il critiquer la société ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur votre lecture de Manon Lescaut et des textes étudiés dans le cadre du parcours associé.

I. La représentation des conflits sociaux et personnels

Conflits entre désirs personnels et contraintes sociales : Dans "Manon Lescaut", le dilemme de Des Grieux entre son amour pour Manon et les attentes sociales relatives à la conduite morale et à la réussite sociale illustre la tension entre les aspirations individuelles et les normes sociales. Cette tension reflète les conflits internes que beaucoup éprouvent face aux exigences souvent restrictives de la société.

Critique des institutions : Le roman peut également critiquer directement les institutions, comme le fait "Manon Lescaut" à travers la représentation du système judiciaire et pénitentiaire, montrant comment ils peuvent être à la fois impitoyables et inefficaces.

II. La satire des mœurs et des valeurs

Exposition des hypocrisies : Le roman satirique expose souvent les hypocrisies et les contradictions des normes sociales. Par exemple, la relation entre Manon et Des Grieux, ainsi que les stratagèmes qu'ils déploient pour maintenir leur liaison, mettent en lumière les contradictions entre les idéaux amoureux romantiques et les réalités matérialistes de la société.

Critique des valeurs matérialistes : La quête incessante de richesse et de confort matériel est un thème récurrent dans la littérature, souvent présenté de manière critique pour montrer comment ces valeurs peuvent corrompre l'intégrité morale et les relations humaines.

III. L'exploration des marges de la société

Personnages marginaux : Les romans, en particulier ceux qui s'inscrivent dans une veine réaliste ou naturaliste, donnent souvent la parole à des personnages issus des marges de la société. Dans "Manon Lescaut", Manon elle-même, ainsi que la vie itinérante qu'elle mène avec Des Grieux, offrent un aperçu de la vie des personnes qui existent en dehors des structures sociales traditionnelles.

Questionnement des normes de genre : Les romans peuvent également critiquer les rôles de genre traditionnels en présentant des personnages qui défient les attentes de leur sexe, comme Manon, dont la manipulation et l'autonomie dans ses relations avec les hommes remettent en question les idéaux féminins de l'époque.

À travers des personnages complexes, des intrigues captivantes et des contextes sociaux richement dépeints, le roman offre un moyen puissant de critiquer la société. "Manon Lescaut", avec sa peinture détaillée des passions humaines et des contraintes sociales, sert d'exemple de la façon dont la littérature peut explorer et remettre en question les structures et les valeurs de son temps. En combinant l'analyse de ce roman avec d'autres œuvres étudiées, on peut saisir la portée et la diversité des critiques sociales que le roman, en tant que genre, est capable de formuler.

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Esma ( mardi, 21 novembre 2023 21:41 )

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Manon Lescaut L’abbé Prévost 5 sujets de dissertation possibles au bac de français

Manon Lescaut et les plaisirs du romanesque.

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Manon Lescaut : pourquoi ce roman plaît-il ?

Personnages en marge, plaisirs du romanesque

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Sujet d’écrit • Dissertation

Manon Lescaut  : pourquoi ce roman plaît-il ?

Intérêt du sujet • Le roman de Prévost doit son succès à des protagonistes ambivalents. Pris dans les filets de leur passion, ne sont-ils pas à la fois immoraux et touchants ?

Dans ses Pensées , Montesquieu évoque en ces termes Manon Lescaut  : « Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin qui est menée à la Salpêtrière, plaise, parce que toutes les actions du héros, le chevalier Des Grieux, ont pour motif l’amour qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. »

Ce point de vue de Montesquieu sur Manon Lescaut correspond-il à votre lecture du texte de l’abbé Prévost ?

Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté, en vous appuyant sur votre lecture de Manon Lescaut de Prévost, sur les textes étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.

Les clés du sujet

Analyser le sujet.

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Formuler la problématique

Comment les deux héros du roman parviennent-ils à nous émouvoir malgré leur conduite condamnable ? Peut-on expliquer par d’autres raisons la séduction qu’exerce le roman ?

Construire le plan

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : 1. Des héros peu fréquentables…; Pourquoi Manon apparaît-elle comme une « catin » ?Montrez la nature des « friponneries » de Des Grieux.Démontrez que la société dans laquelle ils évoluent est elle-même corrompue.; Ligne 2 : 2. … mais ennoblis par l’amour qu’ils se portent; Étudiez l’amour plein d’insouciance de Manon et celui, passionnel, de Des Grieux.Analysez en quoi ce couple, sous l’emprise d’un amour puissant, nous fait oublier ses bassesses et nous touche.; Ligne 3 : 3. Un roman qui plaît pour plusieurs raisons; En quoi les aventures romanesques des deux amants offrent-elles un vrai plaisir de lecture ?Au-delà du divertissement, quelle réflexion le roman suscite-t-il ? Quels débats éthiques propose-t-il ?;

Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Accroche] Au xviii e  siècle, alors que le genre romanesque est souvent décrié pour ses invraisemblances, voire son immoralité, Manon Lescaut connaît un grand succès. [Explication du sujet] L’écrivain Montesquieu, philosophe précurseur des Lumières, dit ne pas s’étonner que « ce roman dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin […] plaise » et avance une explication : « parce que toutes les actions du héros […] ont pour motif l’amour ».

[Problématique] Comment ces amants parviennent-ils à nous émouvoir malgré leur conduite condamnable ? Peut-on expliquer par d’autres raisons la séduction qu’exerce le roman ? [Annonce du plan] Dans le développement qui suit, nous nous attacherons à étayer le point de vue de Montesquieu [I] [II] , puis nous nous demanderons quels autres ressorts le roman met en œuvre pour nous plaire [III] .

I. Des héros peu fréquentables…

1. manon, une « catin ».

Manon Lescaut est présentée comme une jeune fille pauvre, séduisante , envoyée au couvent par ses parents « pour arrêter […] son penchant au plaisir ».

Malgré son très jeune âge, elle semble plus « expérimentée » que Des Grieux et se révèle progressivement comme un être amoral , usant de ses charmes et prête à se vendre au plus offrant, afin de s’assurer une vie confortable.

Avide des divertissements que la société lui offre, Manon détourne son amant d’un «   système de vie paisible et solitaire ». Aidée par son frère, Lescaut, elle lui fait fréquenter des milieux corrompus et le pousse à trouver des expédients douteux, pour assurer son train de vie.

Le comportement de Manon fait écho à celui de la prostituée Nana , héroïne éponyme du roman d’Émile Zola (1880), qui exploite son amant, le comte Muffat, et le fait déchoir.

2. Des Grieux, un « fripon »

Gentilhomme de bonne éducation, Des Grieux se métamorphose dès le premier regard échangé avec Manon : il renonce sur-le-champ à sa vie studieuse et tranquille et abandonne la carrière ecclésiastique à laquelle il se destinait.

Conscient des faiblesses de Manon (« il ne fallait pas compter sur elle dans la misère »), mais prêt à tout pour elle, le jeune homme tombe dans le « précipice des passions » : de mensonges en calculs puis en escroqueries, il s’affran­chit progressivement des règles sociales et morales , jusqu’à commettre le meurtre d’un gardien dans le but de s’échapper de la prison où il est enfermé.

3. Une société pervertie par l’argent

La bassesse des deux héros s’explique en partie par l’immoralité des milieux qu’ils fréquentent : Prévost décrit une haute société dissolue, où l’argent règne en maître et finit par corrompre tous les individus. Au sein de la Ligue de l’Industrie, Des Grieux apprend à devenir un tricheur professionnel. De son côté, le riche et « vieux voluptueux » M. de G… M… n’a aucun scrupule à acheter les faveurs de Manon.

La perversion de la haute société touche les autres catégories sociales : les domestiques du couple dérobent l’argent de Des Grieux et le précipitent dans la pauvreté.

[Transition] Ces héros font ainsi preuve d’une morale douteuse. Mais le « motif noble » de l’amour, comme le décrit Montesquieu, grandit les deux personnages.

II… mais ennoblis par l’amour qu’ils se portent

1. l’amour insouciant de manon, la passion de des grieux.

L’innocence de Manon et son amour affectueux et léger pour Des Grieux contrastent avec sa vie dissolue. C’est un personnage paradoxal et énigmatique, « une princesse parmi les filles de joie », qui ne correspond pas aux caractéristiques traditionnelles d’une « catin ». Déportée en Amérique, elle est touchée par l’infini dévouement de son amant et se convertit finalement à l’amour véritable, avant de mourir.

Des Grieux, lui, éprouve d’emblée une vive passion . Les trahisons successives de Manon ne provoquent que des sursauts temporaires de lucidité : impuissant, aveuglé par son amour, il pardonne et revient à sa belle infidèle.

2. Des personnages émouvants

Le couple inspire des sentiments de sympathie  : tous – Renoncour, l’aubergiste ou le Gouverneur de La Nouvelle-Orléans – succombent au charme de ces amants si bien assortis. Leurs fautes sont vues comme des malheurs auxquels chacun compatit, y compris le lecteur.

Les trahisons de Manon, motivées par un manque d’argent, peuvent se justifier par son souci humain de s’arracher à la misère .

La passion de Des Grieux est présentée comme une puissance aliénante et tragique , incitant le lecteur à l’indulgence. Au contraire des libertins cyniques des Liaisons dangereuses (Choderlos de Laclos, 1782) qui simulent l’amour pour mieux manipuler leurs proies, Des Grieux conserve une pureté de cœur touchante.

«  Le fil rouge de la tragédie reste tendu d’un bout à l’autre de cette œuvre légère et lui donne sa noblesse profonde. » Jean Cocteau, « Manon » dans La Revue de Paris , octobre 1947.

[Transition] L’amour rend ainsi leur dignité à ces personnages, malgré leur « conduite […] basse ». Mais d’autres raisons rendent le roman plaisant.

III. Un roman qui plaît pour plusieurs raisons

1. une intrigue riche en rebondissements.

La conduite transgressive des héros est source de péripéties qui tiennent en haleine le lecteur. Les rebondissements s’enchaînent en effet à un rythme effréné : escroqueries, arrestations, enlèvements, évasions se succèdent et participent du plaisir de la narration .

Le parcours des deux amants devient ainsi une aventure rocambolesque digne du roman picaresque  : Prévost cherche à divertir le lecteur.

Le roman picaresque , genre espagnol né au xvi e  siècle, raconte les aventures d’un ­personnage de basse extraction – le picaro  – anti-héros qui se livre à des compromissions, en marge de la société.

2. Un questionnement moral intéressant

Le roman n’est pas seulement distrayant ou touchant. Dans son « Avis de l’auteur », Prévost annonce son intention d’« instruire » le lecteur. Le récit est effectivement jalonné de débats éthiques sur le choix entre raison et vertu. La question est posée : ne faut-il pas préférer la passion, malgré ses désordres, à une conduite fondée sur la raison et le respect des conventions sociales ?

Le couple ne parvient pas à trouver sa place dans ce monde rigide , marqué par l’ ordre moral qui rejette leur mésalliance et leur union hors du cadre de l’Église. Tels Tristan et Iseut, les héros sont contraints de vivre en cachette.

Le roman semble, à bien des égards, faire l’ apologie de la passion . À travers Des Grieux, Prévost proclame le triomphe de la sensibilité innocente. Il soulève également le problème de la liberté et des droits au bonheur de l’individu dans la société des dernières années du règne de Louis XIV.

[Synthèse] Ainsi, le lecteur se laisse charmer par ces héros peu fréquentables à qui il pardonne tout, car le puissant amour gagne toujours. Les péripéties s’accumulent jusqu’à la rédemption finale : à bien des égards, le roman semble inciter à cultiver la passion, malgré ses désordres. Il interroge ainsi les chemins qui mènent au bonheur, dans une société très normée.

[Ouverture] Les héros sensibles et passionnés de Prévost annoncent le xix e  siècle romantique, qui fait triompher l’expression des émois individuels, comme dans Adolphe (1816) de Benjamin Constant.

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Questions d’oral sur Manon Lescaut

Abbé prévost , histoire du chevalier des grieux et de manon lescaut, questions possibles si vous choisissez cette oeuvre pour la seconde partie de l’oral.

Rappel : Dans un premier temps, vous devez présenter l’œuvre ( sans la résumer!) et les raisons de votre choix (environ 2-3 mn). Ensuite l’examinateur vous pose des questions.

Vous devez répondre de façon argumentée, en développant spontanément au maximum (ce n’est pas l’examinateur qui doit vous relancer. Parlez!)

1) Quels passages vous ont marqués dans cette œuvre ? Pourquoi ?

2) A quelle époque se déroule l’action ?

3) Qui sont les principaux personnages ? Leur importance dans le roman ?

4) Quels personnages vous ont particulièrement touchés dans le roman ?

5) En quoi ce roman est-il à la fois drôle et pathétique, voire tragique ?

6) Pourquoi y a-t-il deux narrateurs dans ce livre?

7) Que savez-vous de l’auteur ?

8) Que vous a apporté la lecture ce ce livre ?

9) Quelle leçon le lecteur peut-il tirer de la lecture de ce roman ?

10) En quoi le parcours de Des Grieux peut-il être vu comme un parcours exemplaire ?

11) En quoi cette œuvre s’inscrit-elle dans le parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque » ? Quels personnages vous paraissent-ils en marge dans ce roman ?

12) Quels rapprochements pouvez-vous faire entre ce roman et l’œuvre que vous avez lue en lecture cursive ?

13) Quels sont les thèmes importants développés dans cette oeuvre ?

14) En quoi la structure (enchâssée) du roman est-elle importante pour comprendre l’œuvre ?

15) Pourquoi avez-vous choisi ce livre, en quoi vous a-t-il intéressé ?

16) Quelles autres œuvres du XVIIIe siècle / des Lumières avez-vous lues cette année ?

Recherches à faire :

➢ Recherches sur la vie et l’œuvre de l’abbé Prévost, en particulier sur son parcours.

➢ Les Lumières.

➢ Le libertinage, un autre auteur et une autre œuvre du libertinage (Laclos, Les Liaisons dangereuses, roman épistolaire).

➢ Le contexte historique (chevalier de l’ordre de Malte, les déportations vers l’Amérique).

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Manon Lescaut, l’abbé Prévost : fiche de lecture

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question dissertation manon lescaut

Voici une fiche de lecture complète ( résumé et analyse ) du roman Manon Lescaut de L’ abbé Prévost au programme du bac de français avec le parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque » .

Manon Lescaut ne représente que le 7ème tome des Mémoires d’un jeune homme de qualité , mais il s’agit sans conteste de l’œuvre la plus connue de l’ abbé Prévost .

Ce succès est certainement dû au mélange des genres qui confère à cette œuvre une richesse exceptionnelle.

L’histoire du chevalier des Grieux tient en effet à la fois de la tragédie classique , du roman d’aventure et du roman d’analyse psychologique . C’est aussi une œuvre à dimension morale , qui vise à mettre en garde contre les ravages de la passion amoureuse .

Tout ce qu’il faut savoir sur Manon Lescaut en vidéo :

Analyse d’extraits de Manon Lescaut :

  • Manon Lescaut, l’avis de l’auteur
  • Manon Lescaut, la rencontre amoureuse
  • Manon Lescaut : le souper interrompu après la première trahison de Manon
  • Manon Lescaut, les retrouvailles à Saint-Sulpice
  • Manon Lescaut : la lettre de Manon
  • Manon lescaut, le dîner de dupe avec G…M…
  • Manon Lescaut : l’évasion de Saint-Lazare
  • Manon Lescaut, la rupture entre père et fils
  • La mort de Manon Lescaut
  • Manon Lescaut, excipit

Dissertation sur Manon Lescaut :

  • Est-ce l’immoralité du personnage de Manon Lescaut qui fait le plaisir de la lecture du roman ?

Qui est L’Abbé Prévost ?

Né en 1697, Antoine-François Prévost mène une vie riche en péripéties , ponctuée de scandales et de fugues successives.

Il embrasse, en 1721, une carrière ecclésiastique et commence à rédiger, en 1728, Mémoires d’un jeune homme de qualité .

Mais il rejette la vie religieuse, fuit en Angleterre, puis en Hollande où il se lie avec Hélène Eckhard, une aventurière. Il rédige alors l’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut , un roman à forte composante autobiographique .

Il retourne à Londres en 1733 et fonde un journal, puis revient en France où il est emprisonné pour dettes (1734), avant de devenir aumônier du prince Conti en 1736. Il décède en 1763 à Courteuil.

Comment résumer Manon Lescaut ?

Le chevalier des Grieux narre au marquis de Renoncour le récit de sa passion amoureuse pour Manon Lescaut.

À 17 ans, le chevalier des Grieux s’éprend de Manon , jeune femme destinée par ses parents au couvent. Il devient son amant et fuit la maison familiale.

Mais Manon le trompe . Enlevé par ses parents, le chevalier reprend des études brillantes et devient l’ abbé des Grieux . Néanmoins, il succombe à nouveau aux charmes de Manon venue lui rendre visite et part s’installer avec elle à Paris .

Les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné : le frère de Manon, un brigand, vient s’installer avec eux, convainc Manon de jouer de ses charmes pour obtenir de l’argent et pousse le chevalier des Grieux au jeu, à la tricherie et au vol .

Pris en flagrant délit, les deux amants sont emprisonnés , mais parviennent à se libérer, tuant un garde au passage. Les deux jeunes gens s’installent à Chaillot mais Manon, attirée par l’ argent et le luxe , conduit des Grieux à manigancer un plan avec elle pour tirer profit du fils de G * M* qui tente de la séduire.

Leur plan échoue et ils sont arrêtés. Manon est déportée en Louisiane . Le chevalier des Grieux la suit en Amérique, se bat en duel contre le fils du Gouverneur qui veut épouser Manon, et fuit avec cette dernière la Nouvelle Orléans.

La jeune femme succombe néanmoins dans le désert. Des Grieux, éprouvé et inconsolable, est rejoint par son ami Tiberge et retourne en France où il apprend la mort de son père.

Tu peux lire un résumé détaillé de Manon Lescaut ici .

Quels sont les thèmes importants dans Manon Lescaut ?

La passion amoureuse.

La passion amoureuse est la force qui domine le Chevalier des Grieux durant tout le roman.

L’amour est assimilé au bonheur comme en témoigne le champ lexical de la tendresse, omniprésent dans le récit, mais il est aussi placé sous le signe de la destruction et de la tragédie . L’amour agit en effet comme une fatalité , un destin funeste dont des Grieux ne parvient pas à se défaire.

Ainsi, chaque fois qu’un événement le sépare de Manon (la tromperie de Manon avec M. de B., avec M. G ** * de M***, la prison…), le désir les unit de nouveau .

La passion est aussi pourvoyeuse d’ illusion car des Grieux, aveuglé par ses sentiments, ne voit plus le libertinage de Manon.

L’amitié est un thème abordé à travers la figure de Tiberge .

Ce dernier offre un miroir vertueux et chrétien à des Grieux. Son amitié est héroïque car elle résiste aux nombreuses déceptions occasionnées par les déviances morales de son ami.

Quant au chevalier, s’il réprouve avec ironie les «  harangues apostoliques  » de son compagnon, il n’en reste pas moins fidèle à Tiberge qui lui sert de boussole dans ce roman en perpétuel mouvement.

Le tiraillement de l’âme humaine

L’abbé Prévost analyse dans ce roman les paradoxes de l’âme humaine .

Selon lui, l’homme est tiraillé entre l’idéal religieux et moral et l’attraction vers le plaisir . Ce tiraillement intérieur, propre à tous les hommes, est symbolisé par les personnages de des Grieux et Tiberge. Ainsi, Tiberge incarne la vertu tandis que des Grieux symbolise l’attrait pour la luxure .

Cette tension se manifeste aussi physiquement, à travers les «  larmes   » qui traduisent des états contradictoires  : la joie, la tristesse, la mélancolie, le désespoir. Ce sont ainsi des «  torrents de larmes  » qui sont versés par le chevalier des Grieux.

Le libertinage

Ce roman met en scène le libertinage des mœurs et la corruption qui règnent en France au début du 18ème siècle .

Manon , femme fatale, incarne le libertinage : «  Manon était passionnée pour le plaisir ; je l’étais pour elle  » dit des Grieux.

Durant tout le roman, le jeune homme ne cherche qu’à satisfaire les plaisirs matériels de Manon : son goût pour l’opéra, pour les divertissements, sa recherche du confort.

La jeune femme se plaît à élaborer des stratégies de tromperie pour dépouiller ses soupirants. Elle n’est pas touchée par les vertus de la religion, contrairement à des Grieux qui est tiraillé entre vice et vertu.

La question du bonheur , centrale dans les écrits du 18ème siècle, est déjà présente dans Manon Lescaut .

Le bonheur y est assimilé à une vie simple , à une tranquillité de l’âme, à l’absence d’hostilités de la part des autres hommes.

Cette sérénité est impossible à Paris où la menace et la corruption règnent constamment. Paris incarne le lieu de la tromperie et du libertinage .

Le bonheur semble en revanche accessible dans le Nouveau Monde qui offre la promesse d’une vie purifiée des tentations libertines : «  L’innocence de nos occupations et la tranquillité où nous étions continuellement servirent à nous faire rappeler insensiblement des idées de religion.  »

Même Manon semble se laisse gagner par la conception chrétienne du bonheur comme le suggère sa joie face à la perspective du mariage.

Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de l’abbé Prévost ?

Le succès de ce roman tient en partie au mélange des genres et des tonalités qui crée une vive impression sur le lecteur.

Manon Lescaut est d’abord un roman-Mémoires , c’est-à-dire un récit fictif présenté sous forme de Mémoires.

Il comprend des récits enchâssés  : le narrateur rencontre des Grieux qui lui fait l’exposé de ses aventures. Cet enchâssement crée une architecture complexe, vivante, qui relève d’une esthétique baroque .

L’abbé Prévost emprunte ensuite aux techniques du roman d’aventures  : fugues, tromperies, vols, meurtres, incarcérations, évasions…. La richesse des péripéties place le roman sous le signe du rebondissement et du coup de théâtre .

Le lyrisme demeure toutefois le registre dominant : il permet au chevalier des Grieux d’évoquer son désir fou pour Manon : «  Son esprit, son cœur, sa douceur et sa beauté formaient une chaîne si forte et si charmante, que j’aurais mis tout mon bonheur à n’en sortir jamais.  »

Mais il ne faudrait pas oublier la visée morale de ce roman qui met en garde contre les passions. L’écriture de l’abbé Prévost, lorsqu’elle s’exprime par aphorisme, se rapproche ainsi parfois de celle des moralistes du 17ème siècle, comme La Bruyère ou La Rochefoucauld : «  La plupart des grands et des riches sont des sots ; cela est clair à qui connaît un peu le monde. Or il y a là-dedans une justice admirable.  »

Que signifie le parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque » ?

Dans ce roman, L’Abbé Prévost ne s’intéresse pas à des figures héroïques aux actions sublimes mais à des personnages en marge .

Pourquoi ?

Les personnages en marge permettent de mieux peindre l’âme humaine et leur déchéance progressive constitue un moteur de l’action romanesque .

Des Grieux et Manon : des personnages en marge

Dans Manon Lescaut, les personnages sont en marge car ils ne parviennent pas à se conformer à la vie morale et réglée qui est attendue d’eux.

Des Grieux , chevalier, appartient par son père à une lignée héroïque, morale et chrétienne du 17ème siècle.

Mais l’amour éprouvé pour Manon le marginalise. Sa marginalité est d’abord intérieure : incapable d’être un bon chrétien, il ne peut lutter contre la tentation du péché et des plaisirs . Puis cette marginalité devient sociale  : il passe d’un statut noble à celui d’un déclassé, désargenté et renié par son père. 

Cette déchéance est un ressort romanesque puissant qui tient le lecteur en haleine . Le noble des Grieux va-t-il se laisser entraîner dans cette chute ? Va-t-il se ressaisir ? Va-t-il renoncer à son amour pour Manon ?

Manon est quant à elle en marge de la docilité et de la pudeur attendue d’une jeune fille à cette époque. Amoureuse des plaisirs, de la variété, du mouvement, de la ville parisienne, son inconstance est l’un des moteurs du roman. C’est en effet pour la satisfaire que des Grieux va se lancer dans des aventures risquées.

Un univers social marginal

Le roman nous entraîne également vers un univers social marginal , notamment à travers le frère de Manon , qui vit de larcins et de tromperie.

Cet univers suscite la curiosité du lecteur pour un milieu éloigné du sien qu’il considère comme un espace de péché et de tentations.

Une sorte de normalisation à la fin du roman

Cette marginalisation est toutefois suivie à la fin du roman d’une sorte de normalisation .

En effet, une fois en Amérique , les deux personnages reviennent à une vie plus vertueuse comme le suggère leur souhait de se marier. Paradoxalement, l’exil mène à un apaisement intérieur qui permet aux personnages de se retrouver .

Pour approfondir le parcours :

Le parcours sur manon lescaut – partie 1.

@commentairecompose.fr ♬ son original – Amélie Vioux | Bac de français

Le Parcours sur Manon Lescaut – Partie 2

@commentairecompose.fr 🎉 Pour te démarquer en dissertation sur Manon Lescaut, regarde ça… Comme tous les #lyceens vont écrire que Manon Lescaut est immorale et marginale, à toi d’avancer des arguments plus subtils et recherchés 📚✨. Car l’art de la dissertation au bac de français, c’est de savoir nuancer ses idées 🌈. Et pour l’oral de français, retrouve toutes mes lectures linéaires sur Manon Lescaut de l’Abbé Prévost sur mon site !🔗 #dissertation #manonlescaut #bacfrancais #Apprendresurtiktok #abbeprevost #bacdefrancais ♬ son original – Amélie Vioux | Bac de français

Pour aller plus loin :

Tu peux faire des parallèles avec de multiples romans qui retracent la chute de leurs protagonistes. Par exemple :

  • Les liaisons dangereuses de Laclos (le libertinage)
  • La Peau de chagrin, Balzac (les ravages du désir)
  • Les illusions perdues de Balzac (la corruption),
  • Le Rouge et le Noir de Stendhal (l’arrivisme et le meurtre),
  • Nana de Zola (la prostitution),
  • Thérèse Desqueyroux de Mauriac (l’empoisonnement),
  • L’Etranger de Camus (la marginalité)…
  • Nadja de Breton (la folie)
  • Madame Bovary, Flaubert (l’adultère)
  • Un barrage contre le Pacifique, Duras (l’avidité)
  • Voyage au bout de la nuit, Céline
  • Eldorado, Laurent Gaudé
  • Mémoires de deux jeunes mariées, Balzac (les sentiments, la jalousie)

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Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2024 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries technologiques ici.

8 commentaires

Bonjour pouvez vous faire une analyse sur l’Évasion de Saint Lazare ?

merci beaucoup Amélie pour cette fiche de lecture bien détaillée et simple à comprendre !!

Bonjour Amélie, Merci pour ce brillant commentaire . Votre analyse confirme mes hypothèses de lecture et complète ma compréhension de l’oeuvre!

Merci beaucoup Amélie pour cette fiche de lecture bien détaillée.

Très bien fait et très clair

merci bcp pour vos explications

Merveilleux ! Clair et complet ! Je vais me procurer votre livre. Merci infiniment

Merci chère Amélie pour vos efforts . Je suis très intéressée par vos commentaire , ils m’aident beaucoup pour ma licence

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Abbé Prévost, Manon Lescaut  : personnages en marge, plaisirs du romanesque

I. une simple digression , de la parenthèse narrative au « petit ouvrage », des « aventures de fortune et d'amour » au « traité de morale », ii. « un exemple terrible de la force des passions », un nouveau couple mythique, une tragédie chrétienne , iii. un roman moral , la lutte entre la vertu et l'amour, une apologie de l'amour , iv. corpus : personnages en marge, plaisirs du romanesque, la dame aux camélias alexandre dumas, 1848, nana , zola, 1880.

Polyglottes

Apprenez les langues , bac de français 2023 : proposition de corrigé pour le sujet de dissertation « le plaisir de lire manon lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse  ».

Les sujets du Bac de français 2023 Métropole sont tombés. Le commentaire portait donc sur la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe tandis que la dissertation portait sur le roman et le récit du Moyen âge au XXIe siècle. Nous proposons dans cet article un modèle de corrigé pour le sujet de dissertation portant sur Manon Lescaut .

Le sujet complet est à télécharger ici :

question dissertation manon lescaut

Nous allons nous pencher sur le sujet A, qui correspond à l’oeuvre de l’Abbé Prévost, Manon Lescaut , Parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque.

Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Manon Lescaut , sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.

Phase 1 : analyse du sujet

Rappelons-nous que le roman Manon Lescaut a fait de l’Abbé Prévost l’un des plus grands écrivains du XVIII e  siècle (pourtant il a écrit une soixantaine de livres!). Qu’est-ce qui fait donc la particularité de celui-ci ?

Analysons tout d’abord les mots clés du sujet : 

– plaisir de lire : cela renvoie à l’effet que produit la lecture sur le lecteur, qui ressent du «  plaisir « ; nous pouvons mettre cela en lien avec le parcours qui s’intitule «  personnages en marge, plaisirs du romanesque « . Il faut essayer de caractériser le plaisir qui découle de la lecture :

➡️plaisir à découvrir et à s’attacher aux personnages

➡️plaisir à s’identifier à eux

➡️plaisir à suivre les péripéties (il y en a beaucoup dans le roman Manon Lescaut )

➡️plaisir à lire les récits de la passion

➡️plaisir de l’immoralité : cela peut être jouissif de lire l’histoire de personnages qui se mettent en marge des normes de la société comme le font Des Grieux et Manon

➡️plaisir de lire une oeuvre qui transgresse les codes de son époque : le roman a été jugé immoral et censuré . L’oeuvre de l’Abbé Prévost se situe entre le roman baroque (né au XVII e  siècle, c’est un roman sentimental et d’aventures, plein de rebondissements) et le romantisme (fin XVIIIe-XIXe) à venir.

– récit : Ce roman raconte une «  histoire  » comme le montre le titre complet Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut

– passion amoureuse : l’Abbé Prévost nous présente son oeuvre comme «  un exemple terrible de la force des passions « . Mais la passion est celle de Des Grieux pour la femme fatale qu’est Manon, elle étant passionnée par le plaisir . Des Grieux est présenté comme étant un «  un jeune aveugle  ». Il est aveuglé par l’amour qu’il porte à Manon. Manon quant à elle ne conçoit pas la passion en dehors de la fortune et d’une vie confortable. Ainsi, son amour pour Des Grieux dépend du confort matériel qu’il est en mesure de lui offrir. Elle est par ailleurs flattée d’être aimée de manière si éperdue par un jeune homme de bonne famille tel que lui. En somme, Des Grieux aime éperdument Manon qui aime éperdument le plaisir (« Manon était passionnée pour le plaisir ; je l’étais pour elle »).

– ne…que = uniquement

➡️en général la réponse est « non », d’autres aspects entrent en ligne de compte et il faut les trouver.

Phase 2 : Reformulation de la problématique

Reformulation possible de la problématique : Ce roman est-il agréable à lire uniquement car il narre une passion amoureuse ?

En partie oui, mais d’autres aspects sont à considérer. La passion amoureuse est combinée aux péripéties et soulève aussi la question de la moralité/immoralité pour captiver le lecteur et contribuer au plaisir de la lecture. Nous pouvons aussi évoquer le style de l’auteur (simple, dépouillé, rendant la lecture aisée.)

Phase 3 : Plan de dissertation possible

I.un plaisir de lecture qui découle du récit d’une passion amoureuse éperdue, a) une histoire d’amour….

En 1717, Des Grieux est un jeune homme de dix-sept ans qui a étudié la philosophie. Son père le destine à rejoindre l’ordre de Malte pour devenir chevalier. C’est alors qu’il croise à un relais de poste une jeune fille « charmante » dont il tombe instantanément amoureux. Il apprend d’elle que ses parents, l’envoient au couvent pour arrêter « son penchant au plaisir ». Le ton est donné. De connivence avec elle, il décide de l’enlever pour vivre avec elle. Le couple s’installe à Paris, mais le bonheur de Des Grieux ne dure pas longtemps (six semaines environ). Manon aspire au confort matériel et aux luxe et elle se fait entretenir par des hommes. Le reste de l’histoire est marqué par les actions héroïques (et désespérées) d’un Des Grieux aveuglé par l’amour, qui se refuse à se séparer de son amante quoi qu’il en coûte. Après de nombreuses péripéties, ils se retrouvent en Amérique et peuvent peut-être enfin aspirer à un bonheur stable, mais le destin en décide autrement et ils se retrouvent en fuite dans le désert où Manon meurt dans les bras de Des Grieux, éploré. La trame est donc bien celle d’une passion amoureuse houleuse, véritablement à même de passionner le lecteur.

b) …immorale

Cependant, il ne s’agit pas simplement ici du récit d’une passion amoureuse (thème bien trop commun). Les deux héros sont des personnages en marge : Manon a un penchant au plaisir qui est immoral pour la société de son époque. Le libertinage est en effet un thème clé de l’oeuvre : Manon choisit de vivre en femme libre, elle ne veut pas se conformer à l’ordre moral austère de son époque et poursuit avant tout le plaisir sensuel . Des Grieux, éperdument amoureux, se retrouve entraîné dans le libertinage et dans moult actes immoraux par amour pour elle, pour ne pas la perdre. Malgré leurs actes répréhensibles, les deux personnages apparaissent comme les victimes d’une société elle-même corrompue, et ont pour eux l’excuse de l’âge et de leur amour. Le lecteur peut s’identifier aux personnages et être amené à réfléchir aux dilemmes moraux que leurs actions soulèvent. Il peut éprouver un plaisir de lecture qui est celui d’être témoin de l’immoralité. Il est aussi amené à se questionner : l’amour peut-il excuser les pires débauches ? La noblesse de l’âme peut-elle être une excuse à l’immoralité ?

II. Une dynamique entraînante pour le lecteur

Malgré ses accents picaresques, ce roman n’est pas un roman d’aventure car ce n’était pas l’intention de son auteur qui cherchait à dépeindre les ravages de la passion. Le lecteur est pourtant entraîné dans une dynamique vertigineuse qui ne laisse pas place à l’ennui.

a) Omniprésence de l’action

Il y a beaucoup de rebondissements dans le récit : Des Grieux propose à Manon de s’enfuir ensemble, vie commune à Paris, tromperie de Manon, enlèvement de Des Grieux par sa famille, les amants se retrouvent à la Sorbonne, ils se remettent en ménage, Manon reprend ses manigances, prison, évasion de prison, Des Grieux bascule dans le jeu, embarquement pour l’Amérique, fuite dans le désert, mort de Manon, retour de Des Grieux en France…Des événements violents émaillent le récit : deux enlèvements, des poursuites, des arrestations, des vols ou tentatives, trois meurtres (celui du portier, celui du supérieur de Saint-Lazare, celui de Lescaut), un incendie, quatre emprisonnements, une séquestration, une déportation, le projet d’attaque du cortège des femmes qui seront envoyées en Amérique. Les péripéties sont constantes et le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer.

b) Un mouvement quasi constant marqué par une multitude de lieux

L’action se déroule en une multitude de lieux , car l’histoire d’amour se fait sur fond de fuite perpétuelle pour les deux amants en marge : elle commence à Pacy-sur-Eure (première rencontre entre l’homme de qualité et Des Grieux), elle se continue à Calais, la rencontre entre Des Grieux et Manon se fait à Amiens, ils s’installent à Paris, il est séquestré ensuit chez son père à Amiens, il va étudier à Saint-Sulpice, les deux amants s’enfuient à nouveau et vont vivre à Chaillot, puis ils sont attrapés et enfermés, ils s’enfuient et retournent à Chaillot, Manon est déportée en Louisiane et Des Grieux l’accompagne, retour en France pour Des Grieux après la mort de Manon, fin. Le lecteur est entraîné dans le récit même si la dynamique n’existe pas pour divertir proprement le lecteur mais pour marquer la transgression.

III.Un roman de moeurs sous la forme d’un récit spontané et dépouillé

A) un roman de moeurs.

Le lecteur est face à un roman de moeurs, un roman qui cherche à dépeindre les modes de vie d’une époque , plus que la psychologie des personnages. Prévost a voulu documenter le lecteur sur les mœurs du temps, et dresser un tableau de la société. On y trouve la thématique du clivage des classes sociales.  exemples :

-Le marquis de Renoncour est bien désigné comme un « homme de qualité », c’est-à-dire un aristocrate, et c’est bien l’esprit de classe qui lui fait considérer le chevalier des Grieux avec bienveillance.

-Des Grieux est destiné à l’ordre de Malte, c’est un jeune homme de bonne naissance

-en contrepartie, Manon est de naissance commune. Elle est flattée d’avoir un amant comme Des Grieux. Ce n’est qu’à la Nouvelle-Orléans que les deux amants sont à égalité. 

Par ailleurs, Des Grieux sort toujours de prison, tandis que Manon est traînée en Louisiane (inégalité de traitement, arbitraire).

Thématique du libertinage : L’époque est celle du début de la Régence, moment de libération des moeurs car, après l’austérité des dernières années du règne de Louis XIV. Manon est la représentante des courtisanes de cette période, l’univers de la prostitution étant évoqué, tandis que la difficulté de des Grieux à construire un sens devient celle de toute cette société en pleine ébullition.

Thématique de la moralité et de l’argent : Le roman restitue, avec une vérité presque gênante parfois, tout un milieu social immoral et corrompu, un monde de libertins réunissant des gens socialement élevés et des gens du peuple. Manon et des Grieux vivent parmi des êtres dénués de principes moraux, et même de tout sens du bien et du mal, qui n’avaient qu’une seule raison de vivre : le plaisir ; et qui, comme le plaisir coûte cher, se procuraient de l’argent par tous les moyens. Mieux qu’aucun autre roman du XVIIIe siècle, l’“ Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut” fait comprendre le rôle de l’argent dans les relations humaines. 

 Ainsi, le lecteur peut prendre plaisir à lire le contexte de la société française de l’époque.

b) Le style d’écriture et le choix de l’énonciation : facilité de lecture et ménagement d’une part de mystère

Le style de l’auteur est simple est dépouillé. Il facilite l’entrée du lecteur dans le récit. Le plaisir de lecture peut en être décuplé.

Le personnage de Manon reste par ailleurs mystérieux : l’histoire est racontée du point de vue des Des Grieux par l’intermédiaire de l’homme de qualité (Renoncour). On ne sait rien de sa vision des choses hormis ce que l’on peut déduire de ses choix, de ses actions et de ses paroles rapportées par Des Grieux. Pierre Saint Amand dit « Si on peut la voir comme la grande magicienne de l’amour, son libertinage garde dans le roman une part occulte. C’est souvent après coup que Des Grieux prend connaissance des aventures de Manon, ce qui l’oblige à l’espionner, à partir sur les traces de sa maîtresse. Le jeu libertin de l’héroïne devient une véritable partie de cache-cache. » Le mystère qui entoure cette femme participe en partie, aussi, au plaisir de lecture.

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Articles similaires, 15 réflexions sur “ bac de français 2023 : proposition de corrigé pour le sujet de dissertation « le plaisir de lire manon lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse  » ”.

Bonjour, donc pour moi j’ai fait un plan assez petit , donc je ne sais pas si cela est bien : I) la passion amoureuse au coeur du récit a. Une passion amoureuse malheureuse b. Une passion pleine de rebondissements c. Une passion qui marginalise les personnages II)Les autres intérêts a. Importance des monologues intérieurs de DG b. DG un personnage manipulé, Manon une femme manipulatrice.

Saluut alors pour ma part mon plan était le suivant: S’il est vrai que le plaisir de lire cette œuvre tient compte de la lecture d’une passion amoureuse(I), cependant il tient aussi de la lecture d’un récit relatant la vie de personnages En marge de la société de l’époque(II), mais la complexité du sujet réside dans la réflexion sur le tiraillements de la mène qui amène l’œuvre de l’abbé Prévost.(III) I. un récit d’amour.. a) un amour réciproque b) pour le meilleur c) comme le pire II. la marginalité comme autres plaisir sur romanesque a) à l’inverse de Tiberge, Des Grieux b) a l’opposé des attentes de la sociétés de l’époque sur les femmes, Manon c) un amour qui les marginalise III. la visée morale: le tiraillement de l’âme humaine entre deux extrêmes a) la vertu incarnée par Tiberge( idéal chrétien) b) le vice incarné par Manon et son bien aimée, tout deux exclu de la société. c) un lecteur curieux, qui peut se reconnaître QU’EN PENSEZ VOUS ??

Intéressant, les grandes parties sont bien trouvées (il faut juste penser à connecter le III avec ce qui peut intéresser le lecteur, le sujet s’intéresse au « plaisir de lire »). L’effort pour trouver 9 sous-parties est louable mais il y a un risque de redites (a et b du I, a du II et a du III, b du II et b du III)…Il faudrait voir comment vous l’avez rédigé pour trancher 🙂

Bonjour est ce un hors sujet complet ou partiel? une partie placere une autre docere et enfin movere? merci

euh j’ai utilisé également cette citation en latin, mais tel une illustration de mon propos; je ne saurais as te dire si cela marche comme axe ou partie..

Dit comme ça semble aller dans la bonne direction, mais il faut voir comment 1) vous avez décomposé ça en sous-parties 2)comment vous l’avez rédigé

Peut-être un hors sujet partiel, si tu ne parle pas du plaisir dans ta 2eme partie. Mais sinon je pense c’est simple et efficace.

Bonsoir, j’ai opté pour un plan différents de ceux que j’ai rencontré. Ma problématique était : Quels plaisirs le lecteur ressent, à une lecture du roman Manon Lescaut ?: I. Plaît pour les plaisirs du romanesque A) Un roman authentique et vraisemblable + récit enchâssé B) Un récit sans temps mort C) Entre comédie et tragédie

II. Pour ses personnages en marge A) Des personnages marginaux qui amènent à un sentiment d’évasion du lecteur B) Mais aussi des personnages vertueux

III. Mais ne peut pas que plaire A) Personnages et activités à contraire à la morale religieuse B) Morale de l’histoire et rédemption douteuses

Les parties I et II sont ok. Concernant la partie III, il aurait peut-être fallu la tourner autrement car là, elle semble vraiment prendre le contrepied du sujet (qui invite à réfléchir aux raisons pour lesquelles le roman plaît).

Personnellement j’ai choisis : I. Le plaisir de lire le récit d’une passion amoureuse a) la passion amoureuse dans Manon lescaut (rencontre, amour fou, séparation, amour simple au nouvel orléan, fin tragique etc) b) La typologie des larmes (matérialiste, métaphysique, permettent un passage du corps au cœur etc..) II. Le plaisir à lire un roman féodal aux personnages exceptionnels a) Le plaisir du romanesque (péripéties, rebondissements, le lecteur ne s’ennuie pas etc..) b) Des personnages d’exceptions (personnages en marge, moral/immoral, le lecteur juge, ..) III. La vraisemblance du récit permet le plaisir du lecteur a) un roman de mœurs b) des stratégies narratives

ouverture : faire prendre du plaisir au lecteur était il le seul objectif de Prévost? (placere et docere, traité de moral, Horace, …)

Qu’en pensez vous?

Grosso modo, la partie I est ok. Pour la partie II, pourquoi un roman « féodal » ? 🤔 La partie III aurait plutôt été l’occasion de placer le « docere » qui intervient peut-être trop tard en ouverture. « Traité de morale » en ouverture peut être un doublon du III a) (selon comment vous avez présenté l’ensemble).

J’ai opté pour ce plan : 1) le plaisir de la passion amoureuse A. Présent des la rencontre B qui dure malgré les obstacles C. Qui se finit sur une fin tragique

2) le plaisir de lire avec de nombreux éléments caractéristiques du romanesque A. Les évasions B. Les trahisons, le mensonge

3) des personnages en marge qui sucistent l’intérêt du lecteur A. Manon B. Des Grieux C. Les personnages secondaires

Ça semble assez bon ! Dommage que la partie II n’ait pas un c) pour l’équilibre des parties. Une solution aurait été de ne faire que 2 sous-parties partout dans le plan, en fusionnant par exemple le b) et le c) du I ou le a) et b) car la subdivision n’apporte rien de plus (a priori, n’ayant pas lu la version rédigée) au plaisir qu’éprouve le lecteur. Puis le c) du III est difficilement susceptible de susciter l’intérêt du lecteur. En somme, le plan est ok, simplement, un format en 2 sous-parties recentre le propos et peut éviter le hors-sujet. Bonne chance, tenez-nous au courant du résultat !

Bonjour, j’ai opté pour le plan suivant, qu’en pensez-vous ?

I – Le plaisir de lire ce roman tient au récit d’une passion amoureuse car nous sommes dans l’intrigue de savoir si leur amour va persister et s’ils vont être heureux 1 – L’honneur de DG anime la flamme de la passion 2 – Les péripéties qui les séparent 3 – Les différences sociales des amants

II – Mais le plaisir tient aussi à la marginalité des personnages et de leur environnement 1 – Manon et DG en marge 2 – Une société en marge 3 – Une décadence progressive du couple

III – Au delà de la recherche de procurer du plaisir, Prévost écrit ce roman pour réaliser une satire de la société 1 – Les mentalités individuelles (Prostitution, situation de la femme) 2 – Les mentalités collectives (les milieux interlopes)

Pas mal, il fallait bien être attentif à relier la partie III malgré tout au plaisir de lecture (donc au point de vue du lecteur). Une incohérence sur le 2 sur II (une société ne peut pas être en marge puisque c’est elle qui fixe les normes…).

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question dissertation manon lescaut

AIMER LA LITTÉRATURE

En analysant les textes et les œuvres, ​pour le lycée, ... des corpus thématiques, ... des œuvres de genres différents, autour du roman , l'abbé prévost, histoire du chevalier des grieux et de manon lescaut,  1731.

Prévost-Parcours-Tableau1.jpg

Observation du corpus 

Une introduction pose la biographie du romancier, puis le contexte politique, social et culturel de l’écriture. Elle est suivie d’une présentation du roman , qui conduit à une analyse de la problématique retenue. L’observation de sa structure justifie le choix de six extraits donnant lieu à une explication , souvent prolongés par des lectures complémentaires, qui leur font écho. Deux études d’ensemble enrichissent l’approche du thème essentiel dans le roman, l’amour, et la notion de « romanesque », déjà abordée lors du parcours associé.

À partir de ces études, sont réactivés les acquis sur les discours rapportés et les tonalités. Enfin, l’approche tient compte également de l’histoire de l’art , avec des études de gravures, et deux extraits, l’un de l’opéra de Puccini, l’autre du film de Delannoy. La conclusion propose une réponse à la problématique, complétée par la reprise d’ un devoir de dissertation .

Introduction 

Biographie de l'abbé prévost , pour se reporter à la biographie .

L’étude de la biographie met en évidence le parcours chaotique de Prévost durant la première partie de son existence, avec, d’un côté, le choix d’une carrière religieuse , de l’autre son aspiration à la liberté qui le conduit en exil, à des liaisons tumultueuses, et même à l’escroquerie. Ainsi, plusieurs critiques littéraires ont cherché à montrer comment son roman s’inspire de ses propres expériences, sans s'accorder cependant.

Contextualisation 

Pour reprendre la recherche .

La recherche portera sur deux points :

le contexte politique , pour faire apparaître comment le développement du pays sous la Régence met au premier plan le désir de richesse et les plaisirs qu’elle permet, tout en maintenant la puissance de la monarchie absolue, soutenue par l’Église.

le contexte culturel qui voit naître, au début du XVIIIème siècle, à la fois une volonté de peindre la réalité, mais aussi de la critiquer, d’où l’appellation de « siècle des Lumières ».

Présentation du roman 

Pour se reporter à la présentation, parution et titres .

À propos de la parution du roman, sera signalée la censure subie en France en 1733 , et le remaniement effectué par Prévost qui donne la version définitive, en 1753 .

L’étude s’intéresse à deux titres , celui de l’ensemble de l’œuvre , Mémoires d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde , et celui du tome VII, le roman étudié , Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut . L’approfondissement de la signification des  termes de ces deux titres conduit à s’interroger sur le rôle joué par le Marquis de Renoncour, narrateur premier, et sur le glissement qui a conduit ultérieurement à retenir pour titre simplement Manon Lescaut .

l'abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731

La structure 

Le schéma actanciel

En prenant comme sujet de l’action, conformément au titre originel, le chevalier des Grieux , on élabore le schéma actanciel qui permet d’identifier les opposants à sa relation avec Manon et, inversement, les adjuvants . On insistera particulièrement sur le poids de l’autorité paternelle et des institutions. On s’interrogera aussi sur le rôle de Tiberge et du frère de Manon. Cela conduit à conclure sur l’image de l’amour , transgression de toutes les normes de sa société, liées à la naissance, à la religion et, au sens large, à la morale, qui se heurte à l’autre réalité sociale, la place prise par l’argent.

Pour voir l'analyse détaillée de la structure

Le schéma narratif

On tiendra compte de la stratégie choisie par Prévost, le récit enchâssé , en observant les deux rencontres du chevalier des Grieux par l’« homme de qualité ».

Puis, après avoir repéré les deux parties et le choix d'un schéma narratif traditionnel , on relèvera les multiples péripéties qui ponctuent le cours de cette « histoire ». On distinguera celles qui relèvent du « sort » de celles qui sont liées directement au comportement volontaire des deux héros. On insistera sur la triple trahison de Manon , chacune étant suivie des mêmes deux scènes : l’intervention de Tiberge, et la réconciliation des amants.

Mise en place de la problématique 

La lecture du roman et l’observation de sa structure nous amène à choisir la problématique d'étude suivante : Comment le parcours prêté par le romancier aux deux amants met-il en valeur le conflit entre la passion qui les anime et les valeurs sociales ? 

         Le verbe principal de cette question, « mettre en valeur », associé à l’adverbe interrogatif, « comment », invite à observer les stratégies du récit, les choix d’énonciation, et les procédés d’écriture , c’est-à-dire le travail du romancier.

         L’observation se fonde sur « le parcours prêté par le romancier aux deux amants », leur itinéraire dont il faudra mesurer le point de départ, l’évolution et l’épilogue , dans les explications des extraits, mais aussi par les lectures cursives et les études d’ensemble.

       Cette observation se fixe un objectif : « le conflit entre la passion qui les anime et les valeurs sociales ». Cela implique d’étudier la forme prise par cette « passion » , telle que la vit des Grieux mais aussi Manon, et les obstacles que lui oppose la société , qui prône des « valeurs » bien différentes.

Lecture cursive : « Avis de l’auteur des Mémoires d’un homme de qualité » 

Pour lire l'extrait.

La feinte narrative

Cet « avis au lecteur » correspond à l’ objectif d’une Préface : expliquer les intentions de l’auteur et ses choix d’écriture .

Mais son premier intérêt est la stratégie adoptée, l’emploi du « je » qui fait croire à de véritables « mémoires » , Prévost s’effaçant ainsi derrière celui qui est en réalité son personnage-narrateur, l’« homme de qualité ». Il peut alors proclamer « tout éloigné que je suis de prétendre à la qualité d’écrivain exact » et qu’il s’agit bien de « l’histoire de [s]a vie ».

Cette feinte narrative , très fréquente au XVIIIème siècle et destinée à donner plus de vérité à ce qui n’est en réalité qu’une illusion romanesque , est reprise à la fin de l’extrait, où elle lui permet de répondre par avance aux critiques en protestant de son intention morale : « Un lecteur sévère s’offensera peut-être de me voir reprendre la plume à mon âge pour écrire des aventures de fortune et d’amour : mais si la réflexion que je viens de faire est solide, elle me justifie ; si elle est fausse, mon erreur sera mon excuse. »

Le récit enchâssé

Il justifie ensuite  le fait d’avoir détaché « les aventures du chevalier des Grieux » de l’ensemble de l’œuvre par deux raisons :

ne pas alourdir sa « narration » ,

surtout, mieux mettre en valeur le  rôle moral du récit , destiné à donner « un exemple terrible de la force des passions. » et à servir à « l’instruction des mœurs ».

Notons alors l’importance du titre attribué à ce tome VII qui accorde la première place à des Grieux et non pas à Manon , comme ce sera le cas ultérieurement.

C’est pourquoi, laissant de côté l’héroïne, le seul portrait est ici celui du chevalier  dont il souligne le « caractère ambigu », « un mélange de vertus et de vices, un contraste perpétuel de bons sentiments et d’actions mauvaises », en insistant sur ses contradictions. La lecture du roman révèle, en effet, qu’à chaque péripétie vécue par le héros, autant d’emprunts au romanesque traditionnel, Prévost lui offre, notamment par l’intervention de Tiberge, une occasion de revenir à la vertu, à chaque fois refusée.

Plaire et instruire

Enfin, à partir du quatrième paragraphe, Prévost développe longuement la conception de la littérature héritée de l’antiquité et reprise par les auteurs classiques du XVIIème siècle : associer plaire et instruire . C’est, à ses yeux, le seul moyen de remédier à « la contradiction de nos idées de notre conduite ».  Il considère, en effet, que tout homme aspire naturellement à « goûter des idées de bien et de perfection », celles que lui présentent les traités de morale si nombreux en ces siècles où la religion est prédominante. Mais il leur reproche d'être à la fois trop rébarbatifs et mal adaptés à la vie de chacun : « tous les préceptes de la morale n’étant que des principes vagues et généraux, il est très difficile d’en faire une application particulière au détail des mœurs et des actions. »

Ainsi, il mentionne à plusieurs reprises ce double objectif : « quelque chose d’agréable et d’intéressant », « Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera peu d’événements qui ne puissent servir à l’instruction des mœurs ». C’est aussi sur ce double rôle qu’il conclut en définissant son roman : « L’ouvrage entier est un traité de morale réduit agréablement en exercices. » Il poursuivra cette idée dans ses Lettres de Mentor à un jeune seigneur où il met en avant la liberté du romancier  « de choisir les événements qu’il croit les plus propres à faire goûter ses principes de morale ou tout autre instruction. »

Mais rappelons que, lors de sa parution en France, le roman a été censuré…

Histoire des arts  : Hubert-François Gravelot, Frontispice, 1753 

À plusieurs reprises, l’abbé Prévost témoigne de son admiration pour Les Aventures de Télémaque , roman de Fénelon paru en 1699, auquel il a emprunté son personnage de guide moral dans ses Lettres de Mentor à un jeune seigneu r, que nous retrouvons dans ce bandeau qui ouvre l’édition de 1753 intitulée Histoire de Manon Lescaut . C’est ce qui explique le choix de la gravure pour l’illustrer.

Pour voir un diaporama d'analyse

Gravelot, Manon Lescaut, 1753

Explication : Première rencontre des amants par le narrateur, de "J'entrai avec peine..." à "... lui vouloir du bien." 

Le récit s’ouvre sur l’explication par le narrateur de ses « Mémoires », le marquis de Renoncour, « homme de qualité », des circonstances de sa rencontre avec le chevalier des Grieux , dans une « mauvaise hôtellerie », à Pacy, où il règne à une agitation exceptionnelle. Le narrateur vient d’apprendre qu’elle est due à l’arrivée d’un convoi d’une « douzaine de filles de joie » , en route vers le Havre où elles vont « embarquer pour l’Amérique ». Il décide d’aller lui-même voir ce qui provoque une telle émotion. Pourquoi Prévost a-t-il choisi de placer cette scène avant même « l’histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut » ?

1ère partie  : Le portrait de Manon (des lignes 1 à 10) 

Le narrateur, agissant, se présente ici comme le personnage principal de l’action : « J’entrai ». La scène nous est donc présentée à travers son regard, qui  influence ainsi par avance le lecteur : « je vis en effet quelque chose d’assez touchant. » Il nous invite à partager sa compassion pour celle qui reste encore anonyme . Le portrait alors dressé repose sur un contraste .

Une prisonnière

C’est cette « condition » de prisonnière qui est d’abord mise en valeur , à commencer par le fait qu’elle soit une des « douze filles, qui étaient enchaînées six par six ». Le terme « fille » – au lieu de jeune fille, ou « jeune femme » – est déjà, en soi, péjoratif car il désigne souvent une femme facile, voire une prostituée, et un lecteur de cette époque pense immédiatement au châtiment réservé aux prostituées , envoyées en Amérique pour peupler les nouvelles colonies. Nous imaginons la contrainte imposée par cette « chaîne » qui entrave tous les mouvements : « Elle tâchait néanmoins de se tourner, autant que sa chaîne pouvait le permettre ». Enfin, le trajet entre Paris et la mer est long, et elles n’ont aucune possibilité de maintenir la moindre hygiène, d’où la mention de « la saleté de son linge et de ses habits ». Tout laisse donc à penser qu’elle s’est rendue coupable d’une faute pour mériter une telle sentence .

 Maurice Leloir, Les filles déportées, 1885. Gravure in Manon Lescaut , BnF

 Maurice Leloir, Les filles déportées, 1885. Gravure in Manon Lescaut, BnF

Cependant, le narrateur est loin de porter sur elle un jugement sévère . Bien au contraire, il la distingue immédiatement parmi les autres filles, d’abord en haussant son statut social : « il y en avait une dont l’air et la figure étaient si peu conformes à sa condition, qu’en tout autre état je l’eusse prise pour une personne du premier rang. » Deux raisons justifient ce jugement. D’abord, il est frappé par sa beauté , résumée par « l’air et la figure », remarquable malgré son état déplorable : « Sa tristesse et la saleté de son linge et de ses habits l’enlaidissaient si peu ». Mais, son jugement dépasse l’apparence pour proposer une interprétation psychologique de son mouvement : « Elle tâchait néanmoins de se tourner […] pour dérober son visage aux yeux des spectateurs. L’effort qu’elle faisait pour se cacher était si naturel, qu’il paraissait venir d’un sentiment de modestie. » Tous les habitants de la petite ville se sont précipités dans cette hôtellerie – d’ailleurs le narrateur a eu de la « peine » à entrer – curieux de voir ces prostituées venues de Paris. Celles-ci sont ainsi transformées en des sortes de bêtes de foire ; mais des prostituées sont habituées à s’exhiber, parfois même à être provocantes. D’où la différence de celle dont l’attitude manifeste sa « tristesse » et un mouvement de honte .

C’est ce qui explique le double sentiment du narrateur, l'insistance renforçant son influence sur les lecteurs : « sa vue m’inspira du respect et de la pitié ». Le « respect » vient de l’impression qu’elle est au-dessus de l’avilissement auquel elle est réduite , et que donc, plus que le blâme, elle mérite « de la pitié ».

2ème partie  : Les informations données (des lignes 11 à 23) 

Le rôle du narrateur

La suite du récit confirme les sentiments du narrateur , à la fois la « pitié » quand il évoque « cette malheureuse bande » – mais ce terme, réservé à des coupables, rappelle la condamnation infligée –, et l’admiration à la vue de « cette belle fille ». Sa demande de « quelques lumières », tout à fait naturelle, permet au lecteur, grâce au discours rapporté direct, de disposer lui-même des informations nécessaires  sur les circonstances de ce voyage, mais aussi sur un autre personnage, « un jeune homme ».

Le discours rapporté du garde

Le jugement sur l’héroïne

Il est tout à fait significatif, car le « chef » des « six gardes », un homme fruste et habitué à convoyer ce genre de « filles », adopte le même point de vue que le narrateur .

D’un côté, il rappelle la culpabilité de celle qui n’est, objectivement, qu’ une prisonnière comme les autres , et la mention de « l’Hôpital », réservé à l’emprisonnement des prostituées, la définit comme telle : « Il n’y a pas d’apparence qu’elle y eût été renfermée pour ses bonnes actions. » C’est aussi ce qui explique son insistance sur son rôle de gardien qui n’a « pas reçu ordre de la ménager plus que les autres ».

De l’autre, il manifeste un intérêt particulier à cette prisonnière , en essayant d’en savoir plus sur elle, en vain : « je l’ai interrogée plusieurs fois sur la route ; elle s’obstine à ne me rien répondre. » Il reconnaît donc sa différence  par rapport aux autres prisonnière, et lui aussi fait preuve de piti é : « je ne laisse pas d’avoir quelques égards pour elle, parce qu’il me semble qu’elle vaut un peu mieux que ses compagnes. »

La présentation de des Grieux

Le discours, toujours dans sa fonction informative, introduit ensuite un second personnage : « Voilà un jeune homme, ajouta l’archer, qui pourrait vous instruire mieux que moi sur la cause de sa disgrâce. » Comme pour l’héroïne, c’est aussi sa tristesse qui est mise en valeur : « Il l’a suivie depuis Paris, sans cesser presque un moment de pleurer. » L’ignorance du garde maintient la vraisemblance, « Il faut que ce soit son frère ou son amant. », mais révèle aussi que le jeune homme n’a pas pu s’approcher de la prisonnière, ce qui aurait permis de déterminer leur lien.

3ème partie  : La rencontre de des Grieux (de la ligne 24 à la fin) 

Un portrait élogieux

C’est à nouveau  le statut social que relève le premier regard du narrateur : « Il était mis fort simplement ; mais on distinguait au premier coup d’œil un homme qui a de la naissance et de l’éducation. » Rappelons que ce narrateur, le marquis de Renoncour, est lui-même un « homme de qualité », capable de reconnaître un  homme de son rang : « je découvris dans ses yeux, dans sa figure et dans tous ses mouvements, un air si fin et si noble […] ».

Les sentiments du narrateur

Comme pour l’héroïne, il est d’abord frappé par l’attitude du jeune homme, son accablement que souligne la connotation métaphorique du verbe qui évoque la mort : « Il paraissait enseveli dans une rêverie profonde. » C’est ce que confirme l’hyperbole qui accentue sa tristesse : « Je n’ai jamais vu de plus vive image de la douleur. » Le résultat de cette observation ferme l’extrait, « je me sentis porté naturellement porté naturellement à lui vouloir du bien. » Il annonce ainsi le rôle actif qu’il va jouer dans cette histoire . Il provoque ainsi la curiosité du lecteur  : comment interviendra-t-il ?

Ce récit du narrateur est important car il joue le rôle traditionnellement accordé à un incipit de roman .

         Même si les personnages restent anonymes, le lecteur, grâce au titre du roman, comprend de qui il s’agit, et dispose ainsi d’informations . De ce fait, le romanesque se met immédiatement en place puisqu’il s’agit d’un convoi de prisonnières.

       Il retient aussi l’attention du lecteur, d’abord par les contradictions du portrait de Manon, aussi bien formulées par le narrateur que par le garde, ensuite par l’insistance sur la douleur des deux personnages observés. L’extrait crée ainsi un horizon d’attente : qui sont réellement ces personnages ? quel lien les unit ? pourquoi une telle « douleur » ? La curiosité du lecteur est éveillée.

         Enfin, très habilement, Prévost prête à son narrateur des sentiments propres à orienter le jugement que le lecteur portera sur les personnages , l’importance accordée à la beauté de l’héroïne, le « respect » et surtout la « pitié », alors même que la situation l'accuse.

Lecture cursive : Seconde rencontre du narrateur avec des Grieux 

Entre les deux rencontres, le lecteur a appris l’amour qui unit les deux personnages, mais aussi comment le manque d’argent empêche le héros de pouvoir rester aux côtés de Manon, car les gardes se font payer pour le lui permettre. Le narrateur intervient alors, en donnant « quatre louis » au jeune homme, et « deux louis » au chef des gardes.

La seconde rencontre

L’extrait nous présente alors les circonstances de la seconde rencontre du narrateur avec le jeune homme , en nous donnant d’abord une indication temporelle : elle a lieu « près de deux ans » après. En l’expliquant par « le hasard », Prévost répond ainsi par l’avance à l’objection sur l’invraisemblance d’une telle coïncidence, cherchant ainsi à donner plus de vérité à son récit , comme par la précision : « il avait la physionomie trop belle pour n’être pas reconnu facilement ».

Le portrait de des Grieux

Pourtant, le portrait insiste sur le changement physique du personnage : « Il était en fort mauvais équipage, et beaucoup plus pâle que je ne l’avais vu la première fois. Il portait sous le bras un vieux porte-manteau, ne faisant que d’arriver dans la ville. » Il crée ainsi un horizon d’attente : qu’a donc pu vivre ce jeune homme ?

Mais sa réaction, rapportée au discours direct, « Ah ! monsieur, s’écria-t-il en me baisant la main, je puis donc encore une fois vous marquer mon immortelle reconnaissance ! », confirme, par la gratitude exprimée , le jugement précédent du narrateur, qui avait reconnu l’« air noble » du jeune homme, d’où l’argent qu’il lui avait alors offert.  En même temps, le portrait montre que sa situation ne semble pas s’être améliorée.

Un horizon d'attente

Cette rencontre est aussi le moyen d’introduire le contenu même du roman, conformément au titre, puisque le jeune homme annonce son récit : « l’histoire de [s]a vie. » Nouvelle façon de susciter la curiosité du lecteur, l’annonce qu’en fait ce narrateur second nous rappelle les contrastes précédemment observés dans le portrait de Manon : « Je veux vous apprendre non seulement mes malheurs et mes peines, mais encore mes désordres et mes plus honteuses faiblesses ». En reprenant ce double aspect, « je suis sûr qu’en me condamnant, vous ne pourrez pas vous empêcher de me plaindre ! », Prévost met en évidence sa question au lecteur auquel il appartiendra de décider si ses héros sont coupables par leur immoralité, ou bien victimes des obstacles qui s’opposent à leur amour.

La vérité affirmée

L’adresse au lecteur à la fin de l’extrait insiste fortement sur la vérité , par l’indice temporel, « j’écrivis son histoire presque aussitôt après l’avoir entendue », par le comparatif renforcé, « rien n’est plus exact et plus fidèle que cette narration ». Notons d’ailleurs la reprise de l’adjectif « fidèle », encore accentuée par la présentation finale négative : « Voici donc son récit, auquel je ne mêlerai, jusqu’à la fin, rien qui ne soit de lui. » De ce fait, il annonce trois caractéristiques du récit à venir :

L’analyse psychologique quand il attire en premier lieu l’attention sur « la relation des réflexions et des sentiments ».

Sa dimension romanesque car l’appellation de « jeune aventurier » laisse supposer au lecteur des péripéties nombreuses.

Son style , qui doit correspondre à l’oralité du récit, donc garder de la spontanéité, avec un éloge marqué par le superlatif : il s'« exprimait de la meilleure grâce du monde. »

Explication : Première rencontre de des Grieux et Manon, de "J'avais marqué le temps..." à "... la stérilité du mien." 

Cet extrait marque le début du récit du chevalier des Grieux à l’« homme de qualité ». Après une rapide présentation de sa situation, son âge, « dix-sept ans », la fin de ses « études de philosophie à Amiens » , et son amitié avec Tiberge, il en arrive à sa première rencontre avec l’héroïne . Nous sommes ici dans un topos littéraire fort ancien, la scène de rencontre source d’un coup de foudre, qui tire son originalité du fait que le récit est rétrospectif , alors même que le narrateur – son destinataire et le lecteur – a déjà rencontré le jeune couple dans ce moment de la déportation de Manon au milieu d’autres « filles de joie », spectacle jugé digne de « pitié ». Quelle image cette scène donne-elle de la relation naissante entre les deux héros ?

1ère partie  : Le cadre spatio-temporel (des lignes 1 à 6) 

Les circonstances de la rencontre

Pour inscrire le récit dans la réalité , le narrateur en mentionne le moment : « La veille même de celui où je devais quitter la ville », nommée, « Amiens », et le lieu précis, « l’hôtellerie où ces voitures descendent ». Enfin, est mentionnée l’occupation, bien ordinaire, « étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge », qui permet, en introduisant le personnage qui accompagnera toutes les aventures de des Grieux, de glisser, par la rupture syntaxique, du « je » au « nous ». Tout cela semble donc d’abord très banal , faisant appel, par le choix du présent, à l’expérience des lecteurs de ce temps, qui connaissent les réalités d’un voyage en « coche ». En même temps, il restitue l’atmosphère paisible de ces villes de province où il ne se passe pas grand-chose, ce qui transforme l’arrivée du « coche » en un événement intéressant, digne de stimuler de « la curiosité » : « nous vîmes […] et « nous le suivîmes ».

Le récit rétrospectif

Cependant, il convient de ne pas oublier que ce récit est fait a posteriori , ce qui lui donne un ton particulier car l’aventure vécue charge les événements d’un sens qui n’était pas perceptible au moment où ils étaient vécus.

Ainsi, la première phrase, par son rythme – c’est un alexandrin nettement scandé – et le choix du plus-que-parfait, lui donne une solennité, et va permettre d’ opposer deux moments de la vie de des Grieux . Cette solennité se charge d’une tonalité tragique dans la phrase suivante, avec l’interjection « Hélas ! » et le souhait, expression du regret : « que ne le marquai-je un jour plus tôt ! ». Il introduit donc le sentiment d’ une fatalité qui transforme son destin, en le transformant lui-même : « j’aurais porté chez mon père toute mon innocence. » L’irréel du passé renforce l’aspect irrémédiable de ce changement entre avant et après la rencontre, présenté comme une perte d’« innocence », terme porteur ici d’un double sens. Encore fort jeune, le chevalier n’a, en effet, aucune expérience d’une relation amoureuse, c’est son amour pour Manon qui va faire son apprentissage en le faisant ainsi passer de l’enfance à l’âge d’homme . Mais le terme illustre aussi la fin d’une forme de pureté , l’entrée dans la corruption, et même, puisque le lecteur sait que Manon a été jugée assez coupable pour être envoyer en Amérique, suggère des actes condamnables.

2ème partie  : Le coup de foudre (des lignes 6 à 15) 

Le premier regard

Dès le début du récit  l’héroïne est vue par des Grieux , ce que traduit son récit d’une part par l’opposition, soulignée par le connecteur « mais », entre « quelques femmes » et « une », ainsi isolée de ses compagnes de voyage. Cet isolement est aussi marqué par une autre opposition, entre la forme impersonnelle des verbes, « Il en sortit », « il en resta », tandis qu'intervient ensuite l’implication plus personnelle du narrateur homodiégétique : « Elle me parut ».  

Le regard se limite d’abord à des observations circonstanciées , un âge, « fort jeune », un comportement, « qui s’arrêta seule dans la cour », et la mention de cet « homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur », et de ses actions : il « s’empressait de faire tirer son équipage des paniers », c’est-à-dire de sortir ses bagages des coffres en osier que transporte le coche. 

Cela donne au lecteur une indication du statut social de l’héroïne . Elle appartient à une famille suffisamment élevée pour respecter les convenances sociales qui interdisaient à une jeune fille de se déplacer sans être accompagnée, ici par sans doute un domestique qui lui sert de ce que l’on nommait alors un chaperon, en se chargeant aussi de ses bagages. Cependant, elle voyage en « coche », un transport collectif et non pas individuel, ce qui serait le cas pour une famille noble et riche.

 Un voyage en coche

 Un voyage en coche

Jacques-Jean Pasquier, La première rencontre de des Grieux et Manon, Gravure , 1753

La métamorphose du héros

Mais la fin du paragraphe est construite de façon à mettre en valeur le coup de foudre , à travers l’ effet produit par la vue de la jeune fille sur des Grieux . Déjà, le choix de l’adjectif intensifié « si charmante » révèle sa puissance, car il renvoie, par son étymologie, le latin « carmen » qui désigne une formule d’incantation, à l’idée de magie.

C’est ce qui explique la transformation de des Grieux, dont l’immédiateté est soulignée par le passé simple et la locution adverbiale : « je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport ». S’y ajoute le lexique hyperbolique, avec la reprise de la métaphore précieuse du « feu » dévorant, et d’un égarement, le « transport » qui le  plonge dans un état second . Cette métamorphose est encore davantage mise en valeur parce qu’elle se trouve retardée par la gradation des subordonnées relatives, avec le rythme binaire qui renvoie à l’état passé, bien différent : « moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention ; moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue ». Cet état passé renvoie à l’« innocence » précédemment mentionnée, avec les termes choisis, « sagesse » et « retenue », qualités comme en écho à ses « études de philosophie », ici doublement cautionnées, d’abord par l’insistance du récit dont l’oralité est restituée par l’incise, « dis-je », puis par la généralisation : « tout le monde admirait ».

La dernière phrase confirme cette transformation par son rythme, avec la connecteur « mais » qui marque à nouveau l’opposition entre le passé et l’état présent .

Le retour sur le passé insiste sur une personnalité que rien ne préparait à un geste audacieux, avec un redoublement : « être excessivement timide et facile à déconcerter ». 

Mais, en présentant ce trait de caractère comme un « défaut », terme repris par « une faiblesse », le narrateur justifie parallèlement la seconde partie de la phrase, un double alexandrin propre à rendre solennel cet acte qui brise les convenances : « loin d’être arrêté alors par cette faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur. » 

Notons aussi la rime intérieure entre « faiblesse » et « maîtresse », qui peut paraître une forme d’excuse, en rejetant la culpabilité sur le pouvoir irrésistible de Manon .

3ème partie  :  Un dialogue décisif (des lignes 16 à 38) 

Un premier échange

L'image de Manon

Le premier échange est très banal , une question du chevalier, « Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens, et si elle y avait quelques personnes de connaissance », et une réponse de Manon : « elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. » Mais la phrase qui ouvre le paragraphe introduit déjà un jugement qui marque l’écart de Manon par rapport aux convenances de cette époque , qui imposent à une si jeune fille réserve et pudeur : « Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. »

Mais la suite lui apporte une excuse , car l’adverbe lui prête une franchise enfantine et innocente, tout en l’inscrivant dans la réalité sociale, la soumission à ses parents, l’envoi au couvent également où sont le plus souvent éduquées les filles : « Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse ». Cependant l’objectif, dernier mot de la phrase, ainsi mis en valeur, est déjà inquiétant, puisqu’elle sera alors coupée du monde. Le lecteur, lui, peut s’interroger sur cette contradiction entre l’audace d’accepter de parler ainsi à un jeune homme inconnu et l’ingénuité que lui prête le narrateur …

Tony Johannot, Le bonheur d’aimer, édition de Manon Lescaut , 1839

Tony Johannot, Le bonheur d’aimer, édition de Manon Lescaut, 1839

L'image du narrateur

Le coup de foudre se confirme ensuite, en écho à tant de comédies, de Molière ou de Marivaux, qui mettent en évidence la puissance de l’amour . Le récit du narrateur insiste, en effet, sur le changement qu’il a opéré en lui : « L’amour me rendait déjà si éclairé depuis un moment qu’il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. » Le lexique choisi met en valeur l’obstacle, dramatisant ainsi la situation.

Le récit rétrospectif se dédouble ensuite, car la situation alors vécue, relatée, est réinterprétée à la lumière de l’histoire ultérieure .

            À la rencontre passée se rattache l’aveu d’amour , « Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments », et le discours indirect libre de Manon rapporté : « c’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent ». La précision « malgré elle » a produit son effet, car le discours narrativisé de des Grieux révèle son entrée en lutte : « Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer. » Mais notons toute l’ambiguïté de cette présentation, car, au-delà du souci de protéger la jeune fille de cette contrainte, il y a surtout son propre désir et l’aveu de son inexpérience car ses arguments reposent sur une « éloquence scolastique », c’est-à-dire son apprentissage scolaire.

      En revanche, plusieurs commentaires montrent une connaissance psychologique de Manon, qui n’a pu être acquise qu’après cette scène . Ils éloignent Manon de cette image de naïve ingénue, en lui accordant une connaissance de la galanterie amoureuse : « car elle était bien plus expérimentée que moi ». Faut-il y voir déjà une habile excuse du narrateur ? Nous pouvons attribuer le même rôle à l’hypothèse qui suit la réponse de Manon, à peine atténuée par la locution adverbiale, nouvelle accusation de l’héroïne : « pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré », et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens. » De même, la seconde relative, « qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens », rattache ce trait de caractère de Manon à ce qui s’est produit bien après cette rencontre. Le narrateur continue ainsi, même s’il place en premier les « malheurs » de l’héroïne, à se poser lui-même en victime .

La seconde partie de l'échange

Le rôle de Manon

Son portrait se confirme puisque, face à un discours où l’amour d’un jeune homme se révèle, elle ne fait preuve d’ aucune des réactions que les convenances imposent . Alors qu’elle aurait dû se montrer choquée, voire au moins rougir, « Elle n’affecta ni rigueur ni dédain. » La mention du « moment de silence » est intéressante, car elle suggère que le discours indirect qui suit a été réfléchi , et permet de penser que l’héroïne cherche ainsi à tirer profit de ce jeune homme amoureux pour servir sa propre liberté . L’opposition dans sa phrase, marquée par le connecteur « mais », joue, en effet, habilement sur les sentiments de des Grieux, d’une part en insistant, par la négation qui met en valeur l’adverbe d’intensité, sur son propre état de victime : « elle ne prévoyait que trop qu’elle allait être malheureuse. » D’autre part, elle met en évidence sa résignation, son impuissance : « mais que c’était apparemment la volonté du Ciel, puisqu’il ne lui laissait nul moyen de l’éviter. »  Ce double mouvement est d’ailleurs accompagné du portrait fait par des Grieux avec un chiasme au rythme identique, sept syllabes, « la douceur de ses regards », en écho à sa faiblesse, et « un air charmant de tristesse » pour la victimisation. Elle lance ainsi un véritable défi à un jeune homme, inscrit dans la tradition de l’amour courtois : qu’il sauve sa bien-aimée d’un sort terrible, tel un chevalier médiéval.

Ainsi se met déjà en place la transgression à venir, puisque sauver Manon revient en fait à s’opposer à Dieu .

La réaction de des Grieux

Le verbe introducteur, « je l’assurai », signale la force d’une réponse qui relève aussitôt le défi, en mettant en place le combat à venir , que le lexique choisi amplifie et dramatise : « j’emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents et pour la rendre heureuse. » Tout s’est accéléré car la rencontre vient à peine d’avoir lieu que déjà est lancée une promesse d’amour éternel à laquelle il lui demande de faire confiance : « si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu’elle m’inspirait déjà ».

Le retour sur soi

Le récit fait à l’« homme de qualité » est aussi l’occasion pour le héros, comme dans une autobiographie, de se livrer à une introspection pour expliquer ses actions . Il expose alors deux raisons :

La première renvoie directement à cet « air charmant » de l’héroïne, qui a produit sur lui un effet quasiment magique, ne pas « balancer un moment sur [s]a réponse. » C’est là l’excuse la plus immédiate, le désir amoureux allié au modèle chevaleresque .

La seconde vise à corriger la première : « ou plutôt l’ascendant de ma destinée, qui m’entraînait à ma perte ». Le terme d’« ascendant » renvoie au rôle accordé à l’astrologie, censé déterminer la « destinée » humaine. Des Grieux se dépeint ainsi en victime d’une force supérieure, transcendante, qui ôterait à l’homme toute liberté. Il se donne ici l’image d’un héros tragique, impuissante victime de la fatalité .

À cette double justification s’ajoute la mise en valeur de son innocence par la feinte naïve qui amplifie sa réflexion ultérieure : « Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d’où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m’exprimer » Tout en montrant le rôle fondateur de cette scène de rencontre, la raison invoquée renvoie à la tradition mythologique d’Éros , fils de la déesse Aphrodite, si souvent reprise dans la poésie ou le théâtre et parfaitement connue des lecteurs : « mais on ne ferait pas une divinité de l’amour, s’il n’opérait souvent des prodiges ». Cette nouvelle explication est encore prolongée par le discours narrativisé qui en apporte la preuve  : « j’ajoutai mille choses pressantes ». Des Grieux abrège ainsi son récit, pour éviter de lasser son destinataire.

4ème partie  :  L'aventure décidée (de la ligne 39 à la fin) 

La formule « Ma belle inconnue » renvoie à l’esprit romanesque du jeune homme : le mystère qui auréole une femme contribue à faire naître un désir, avec le déterminant qui affirme déjà sa volonté de possession. Le présent de vérité générale qui suit, « on n’est pas trompeur à mon âge », est ambigu, car est-ce une réflexion de de Grieux qui se définit ainsi lui-même ? Ou bien renvoie-t-elle à Manon, qui expliquerait alors qu'elle s’emploie, précisément, à profiter des sentiments du chevalier dont elle est déjà certaine ? Sa protestation d’amour , réitérée, « Je lui répétai que j’étais prêt à tout entreprendre », est contrebalancée par l’affirmation de sa faiblesse, due à son jeune âge, nouvelle excuse : « mais, n’ayant point assez d’expérience pour imaginer tout d’un coup les moyens de la servir, je m’en tenais à cette assurance générale, qui ne pouvait être d’un grand secours ni pour elle ni pour moi. » Perce aussi ici le sourire a posteriori du narrateur qui a mûri, évolué, et mesure son ancienne impuissance.

Pour illustrer Manon Lescaut : la scène de rencontre

Le portrait de Manon

La scène d’amour ne serait pas complète si, à l’aveu des sentiments amoureux fait par des Grieux, Manon ne répondait pas par un aveu réciproque . Le verbe introducteur, « elle me confessa », suggère un discours timide, avec le sentiment de commettre une faute. Manon aurait donc tout à coup le souci de préserver les bienséances… Mais le discours, lui, n’a rien d’équivoque, et marque clairement la condition d’une relation possible, une aide à fournir : « si je voyais quelque jour à la pouvoir mettre en liberté ». Elle invite ainsi le héros à l’action, à une lutte contre la puissance d’une société patriarcale , des parents qui veulent la faire « religieuse », en annonçant aussi les péripéties à venir, de multiples emprisonnements. En échange, sa promesse est accentuée par le comparatif : « elle croirait m’être redevable de quelque chose de plus cher que la vie. » Manon a, en fait, repris, en les inversant, les deux dimensions de l’aveu de des Grieux, qui avait promis, lui, de consacrer sa « vie » pour la « délivrer de la tyrannie de ses parents ».

Pour illustrer Manon Lescaut : la scène de rencontre

L’obstacle est aussitôt introduit, avec une première péripétie, la surveillance exercée sur Manon : « Son vieil Argus étant venu nous rejoindre ». Argus était, dans la mythologie, un gardien impossible à tromper, car, doté de cent yeux, il n’en fermait jamais que cinquante pour dormir, chargé de surveiller Io, prêtresse de la déesse Héra, que Zeus avait transformée en génisse afin d’empêcher toute vengeance d’Héra, son épouse jalouse. Une telle présentation de la menace ne peut que faire sourire , d’autant que l’hypothèse à l’irréel du passé dément la menace que le futur immédiat a posée : « mes espérances allaient échouer, si elle n’eût eu assez d’esprit pour suppléer à la stérilité du mien. » Mais l’hypothèse reprend le trait de caractère de Manon déjà mentionné, « elle était bien plus expérimentée que moi », en mettant en avant l’« esprit » de Manon, c’est-à-dire la ruse, l’habileté . En soulignant cette supériorité et son rôle, « suppléer à la stérilité du mien », des Grieux se place en spectateur passif des actions de la jeune fille alors même qu’il s’était voulu son vaillant défenseur, se déchargeant à nouveau de toute culpabilité .

Ce récit d’une scène de rencontre joue sur trois dimensions, qui donnent par avance le ton du roman .

       Même si les conditions dans lesquelles elle se déroule la banalisent, c’est une scène romanesque traditionnelle , celle d’ un coup de foudre qui détermine le destin , dont Prévost reprend les principales caractéristiques : le rôle du regard, le bouleversement immédiat qui transforme le héros, les obstacles transgressés. Il annonce ainsi les péripéties à venir, le conflit entre le couple amoureux et les forces dominantes dans la société, celles qui caractérisent le roman d’aventures .

       Prévost reprend aussi la tradition du roman précieux , en mettant en valeur la psychologie de ses deux personnages , une forme de badinage amoureux qui permet au lecteur de découvrir à la fois la jeunesse du chevalier, qui vit avec sincérité les élans d’un amour naissant, et son contraste avec la jeune fille, déjà bien libérée des bienséances, plus « expérimentée » dans la pratique du discours amoureux.

       Enfin le récit étant rétrospectif, il permet de faire peser par avance sur le héros une fatalité tragique . Le narrateur comme son destinataire, le marquis de Renoncour, qui a rencontré Manon enchaînée et a vu la douleur de Des Grieux, connaît les « malheurs » à venir. De ce fait, cette première rencontre oriente le jugement du lecteur , d’autant plus que des Grieux, en se livrant à une sorte de catharsis, multiplie les remarques qui font de lui une victime, du hasard – le choix d’une date, d’un lieu –, d’une femme fatale, voire d’un châtiment céleste…

Histoire des arts  : Étude comparative de deux tableaux 

Les deux illustrateurs du XIXème siècle, Eugène Louis Lami , en 1878, et Maurice Leloir , en 1885, ont parfaitement mesuré l’importance de cette scène de rencontre dans le roman de Prévost. Mais leur peinture, tant par la représentation du décor que par l’image du couple, en propose deux interprétations différentes : le premier évoque davantage un libertinage à venir, le second accorde plus de place aux contraintes sociales.

La scène de rencontre : Manon Lescaut illustrée par Lami et Leloir

Histoire des arts  : Jean Delannoy, Manon Lescaut , extrait du film, 1978 

Manon Lescaut, film de Delannoy, 1978

Pour voir l'extrait

En 1978, Jean Delannoy choisit d'adapter au cinéma Manon Lescaut , une interprétation fidèle comme le prouve cet extrait présentant la scène de rencontre.

La voix off reprend le moment-clé du coup de foudre , en lisant le texte qui souligne le changement vécu par le héros. Cela est soutenu par la musique , à ce même instant, ainsi que par les gros plans sur les visages : bouleversement chez des Grieux, sourire esquissé qui signe l’intérêt de Manon.

Trois points relèvent cependant du choix du cinéaste .

Le décor

Le décor restitue l’époque , l’arrivée du coche dans la cour de l’hôtellerie, qui ressemble aussi à une cour de ferme , avec la charrette, le tas de fumier, le meuglement des vaches, le chant du coq, et surtout les moutons qui encerclent le couple. Peut-être faut-il y voir un symbolisme de leur innocence d’« enfants », sur laquelle insiste d’ailleurs Manon en marquant leur impuissance face aux « grandes personnes », au « monde des adultes […] fermé à double tour comme leur coffre. »

Le personnage de Tiberge

La présentation du personnage de Tiberge renforce son contraste avec des Grieux , par son vêtement, ses lunettes, et par sa réaction face à l’élan de curiosité qui provoque le blâme adressé à son ami, « Tout vous amuse », mais sur un ton indulgent. Même s’il est très vite effacé de la scène par la précision ajoutée au texte de Prévost, « laissant Tiberge interloqué », cela permet au cinéaste d’ introduire d’emblée le thème de la religion , à travers la réponse de des Grieux : « « Toute la vie m’amuse, cher frère. Ce n’est pas un péché. C’est Dieu qui l’a faite ».

C’est essentiellement sur l’image de Manon que joue le cinéaste. Il restitue, certes, son ambiguïté .

D’un côté, son discours adopte un ton résigné , invoque la « volonté du Ciel », comme dans le roman, sa faiblesse devant susciter l’action de des Grieux pour qu’elle ne soit pas « malheureuse », d’où les paroles révoltées qui expriment sa colère, après son aveu direct : « Vous êtes trop jolie ».

Mais, de l’autre, en ajoutant la présentation mutuelle, il met en évidence la réaction de Manon, « Vous êtes noble », suivi de l’exclamation « Dommage ! » il suggère une raison plus intéressée, celle d’ une jeune fille manipulatrice : cet écart social joue un rôle à ses yeux. C’est elle aussi qui pose la raison de son envoi au couvent , que Prévost rattache, lui, à une hypothèse faite a posteriori par le narrateur : « Ils disent que j’aime trop le plaisir. Peut-être est-ce vrai ». Le ton modeste de cet aveu est donc le moyen imaginé par le cinéaste pour effectuer une prolepse, annonciatrice de la suite.

Enfin, notons le jeu de la caméra quand les deux amants réunis contemplent leur image dans l’eau du puits, en une sorte de mise en abyme puisque Manon développe ce qui pourrait être vécu ; mais, en concluant « l’histoire est finie tout de suite », elle lance un défi au chevalier.

La fin du passage dépasse l’extrait du roman étudié , puisque l’inexpérience de des Grieux est renforcée par son silence à la répétition de la question de Manon, « Comment ? », tandis que la ruse de celle-ci est immédiatement montrée. Quand le serviteur, représentant du pouvoir patriarcal, vient s’intercaler comme pour séparer le couple, Manon se transforme en une habile comédienne pour jouer sa joie des retrouvailles avec ce soi-disant « cousin ».

Explication : Première réconciliation, de "Je demeurais interdit..."  à "... un seul de tes regards." 

Le chevalier des Grieux, séduit au premier regard par la belle Manon Lescaut, abandonne son projet d’études au séminaire, s’enfuit avec elle et le couple s’installe à Paris. Mais le père du chevalier sépare rapidement les amants, et des Grieux apprend la perfidie de Manon : elle a entretenu le couple grâce à l’argent obtenu d’un de ses amants, qui a alerté le père du chevalier pour se débarrasser de son rival. Deux ans après, alors qu’il a repris ses études au séminaire de Saint-Sulpice, des Grieux reçoit sa visite au parloir . Trois temps sont envisagés au cours de cette rencontre : le passé, avec le repentir de Manon, le présent, qui correspond à l’élan amoureux, et le futur, avec les promesses.  Comment le romancier met-il en valeur le pouvoir exercé par l’héroïne ?

1ère partie  :  Manon, une séductrice ? 

L'expression de son repentir : le retour sur le passé

Dans un premier temps, Manon est debout, dans une immobilité totale, indice de son inquiétude face à la réaction possible de des Grieux , de « [s]on embarras ». Mais très vite, elle se reprend, et l’on assiste à une scène comme au théâtre, avec un premier geste, interprété par des Grieux : « elle mit sa main devant ses yeux, pour cacher quelques larmes. » Ses paroles sont rapportées au discours indirect ce qui, toujours comme au théâtre, met l’accent sur son « ton timide », comme si c’était une didascalie. La phrase se développe en deux temps :

D’abord il y a l’aveu d’« infidélité » , introduit par le verbe « elle confessait », comme si le fait de se trouver dans le parloir du séminaire, face à des Grieux en soutane, poussait Manon à ce langage religieux qui reconnaît une faute. Mais elle ne dit rien de cette infidélité, n’en invoque aucune raison, seule la réaction supposée du chevalier est mise en valeur : elle « méritait ma haine »

Puis, en opposition, Manon rejette la faute sur le chevalier , en l’accusant de « dureté », sur laquelle le rythme binaire de la phrase insiste : par rapport au passé, « laisser passer deux ans sans m’informer de son sort », et par rapport au présent : « la voir dans l’état où elle était en ma présence, sans lui dire une parole ».

Ainsi des Grieux se retrouve en position d’accusé , puisque l’hypothèse, lancée en tête de la seconde partie de la phrase, met en doute la sincérité de son amour : « s’il était vrai que j’eusse jamais eu quelque tendresse pour elle ». Son mouvement, « elle s’assit », brièvement signalé, est déjà un premier indice de victoire : elle ne craint plus un rejet, et peut s’installer.

Les premières réactions de des Grieux vont permettre à Manon de faire évoluer la situation, en insistant sur son repentir : « Elle me répéta, en pleurant à chaudes larmes, qu’elle ne prétendait point justifier sa perfidie ». Notons la gradation dans les larmes, et la reprise du terme « perfidie », en parallèle avec l’attitude et le mot du chevalier. Elle évite ainsi de devoir donner une explication.  

Ses élans amoureux : l'amour vécu au présent

        Il est marqué d’abord par la déclaration d'amour hyperbolique dans le discours rapporté direct en réponse à la question de des Grieux : « Je prétends mourir, répondit-elle, si vous ne me rendez votre cœur, sans lequel il est impossible que je vive. ». La phrase oppose, de façon hyperbolique, « mourir » à « vivre », et la condition met à nouveau en cause le chevalier. C’est pourtant bien Manon qui, par besoin d’argent, a pris un amant généreux... 

         Ces paroles sont confirmées ensuite par une double gestuelle, dès qu’elle comprend que des Grieux l’aime encore. Le rythme de la phrase, en crescendo, reproduit un mouvement d’élan : « elle se leva avec transport pour venir m’embrasser ». Cet élan est amplifié par l’hyperbole qui suit, avec un verbe qui place même des Grieux dans une position d’infériorité, de victime : « Elle m’accabla de mille caresses passionnées ».

         Enfin, le romancier recourt au discours narrativisé pour le langage amoureux qui complète cette scène , toujours  hyperbolique avec le superlatif : « Elle m’appela par tous les noms que l’amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses ».

Ce passage est le moment d’apogée de la scène , qui s’apaise ensuite en réunissant les amants, à travers le pronom personnel choisi et la gestuelle : « Nous nous assîmes l’un près de l’autre. Je pris ses mains dans les miennes. » La victoire de Manon semble alors assurée.

Les promesses

Il reste une dernière étape cependant : rassurer des Grieux sur le futur en répondant à sa question : « dites-moi si vous serez plus fidèle ? » Cela sera accompli en deux temps, qui lient le passé (« son repentir ») au futur (« elle s’engagea à la fidélité »), toujours à l’aide du discours narrativisé. Le « repentir » est donc, comme il est de règle dans une confession chrétienne, le gage de la promesse de ne plus pécher . À nouveau ce discours est accentué par les adverbes d’intensité et le redoublement lexical qui insiste sur la force du sentiment amoureux : « des choses si touchantes », « tant de protestations et de serments ».

Par comparaison à la longueur de ce texte, il y a peu d’interventions de Manon, et une seule est rapportée au discours direct, comme si ce qu’elle avait dit avait eu, pour des Grieux, finalement moins d’importance que ses gestes, et surtout que sa seule vue.

2ème partie  :  Les réactions de des Grieux 

Le trouble initial

Le passage s’ouvre, en effet, sur la « vue » de Manon, et se clôt sur « un seul de ses regards » : c’est dire à quel point le chevalier est fasciné par celle-ci, fascination qui engendre en lui un trouble profond.

        Dans le premier paragraphe , il apparaît comme paralysé, « interdit », reste totalement passif : « j’attendais ». Sa seule solution est d’essayer de détourner son regard, en conservant « les yeux baissés ».  Il ne maîtrise pas non plus ni son corps, pris d’un « tremblement »,  ni  son esprit, ce que résume la dernière phrase du premier paragraphe, aveu de la puissance indicible de l’amour : « Le désordre de mon âme, en l’écoutant, ne saurait être exprimé. ».

        Dans le deuxième paragraphe , nous retrouvons ce même désir d’échapper à cette sorte d’hypnose que la seule vue de Manon exerce sur lui : « Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n’osant l’envisager directement. ». Il y a aussi toujours cette absence de maîtrise de son langage, « je commençais plusieurs fois une réponse, que je n’eus pas la force d’achever », et de son corps, qui confirme son impuissance : « des pleurs, que je m’efforçais en vain de retenir ».

Gravelot, La scène au parloir de Saint-Sulpice, Gravure , 1753

Gravelot, La scène au parloir de Saint-Sulpice, Gravure, 1753RetrouvaillesGravelot.jpg

        Enfin, quand Manon l’embrasse , son trouble devient encore plus fort, traduit par l’exclamation qui commente son état : « Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j’avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître ! » Cette expression d’une forme de douloureux regret donne l’impression qu’il assiste, comme étranger, au bouleversement que Manon provoque en lui . L’amour qu’elle lui apporte n’a rien de paisible, et la fin du paragraphe le souligne d’abord par le choix de verbes hyperboliques : « J’en étais épouvanté », « Je frémissais ». La comparaison, qui relève de la tonalité fantastique, intensifie ce trouble, qui devient effrayant : « comme il arrive lorsqu’on se trouve la nuit dans une campagne écartée : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est saisi d’une horreur secrète ». Les participes passés, « transporté », « saisi », marquent le fait que des Grieux ne s’appartient plus, est réduit à l’état de victime passive , et la négation restrictive, « dont on ne se remet qu’après avoir considéré longtemps tous les environs », montre la faiblesse de la raison face à la passion .

De la révolte à l'aveu amoureux

Dans un premier temps, des Grieux fait une tentative pour exprimer sa révolte : nous trouvons deux fois le verbe « s’écrier », et le discours direct exclamatif, avec l’interjection, « Ah ! » et la répétition triple de « Perfide ! ». De même, l’insistance de sa question, soutenue par la conjonction « donc », « Que prétendez-vous donc ? », prouve sa tension extrême . Mais, parallèlement, ce discours est plus empreint de souffrance que de colère : « m’écrier douloureusement », « en versant moi-même des pleurs ».

Cela le conduit tout naturellement à un aveu amoureux , renforcé par le choix de l’impératif, d’abord encore mêlé au reproche, « Demande donc ma vie, infidèle ! », renforcé par le passage au tutoiement, ensuite soutenu par la litote : « mon cœur n’a jamais cessé d’être à toi ». Mais cet amour se présente immédiatement comme une sorte de martyre à subir puisqu’il l’associe à l’idée de se « sacrifier ».

L'image d'une soumission

La soumission culmine dans le troisième paragraphe , en écho au rapprochement des corps, et se traduit par le regard, à présent soutenu par le qualificatif, « en la regardant d’un œil triste », et le constat chargé d’amertume amplifié par la négation : « je ne vois que trop que vous êtes plus charmante que jamais ». Le comparatif rappelle l’action quasi magique exercée par Manon sur le héros . Il revient au vouvoiement, et ton change alors, devient celui de la plainte à travers la métaphore accusatrice : « la noire trahison dont vous avez payé mon amour ». Puis, en filant une personnification du « cœur », le chevalier se pose en victime : « il vous était facile de tromper un cœur dont vous étiez la souveraine absolue et qui mettait toute sa félicité à vous plaire et à vous obéir ». L’opposition des deux relatives accentue la toute puissance de Manon , qui devient la "dame" suzeraine de l’amour courtois face aux deux infinitifs compléments, « plaire » et « obéir », qui dépeignent la soumission de des Grieux. Ce rythme binaire insistant se répète dans la question indirecte, introduite par un impératif de supplication, « Dites-moi maintenant si vous en avez trouvé d’aussi tendre et d’aussi soumis », question rhétorique puisqu’il lui répond lui-même avec force aussitôt : « Non, non, la nature n’en fait guère de la même trempe que le mien. »

3ème partie : L'image d'une femme fatale 

Tony Johannot, La réconciliation, édition de Manon Lescaut, 1839

La victoire de Manon

La multiplication des questions de des Grieux, avec l’impératif repris en anaphore, traduit sa véritable angoisse, la crainte que le passé ne se répète : « Dites-moi du moins si vous l’avez quelquefois regretté. Quel fond dois-je faire sur ce retour de bonté qui vous ramène aujourd’hui pour le consoler ? » Mais cette formulation révèle aussi la puissance de Manon, puisque le chevalier envisage ainsi un avenir possible , un retour de sa confiance. La dernière question, avec l’invocation qui l’introduit, « au nom de toutes les peines que j’ai souffertes pour vous », le place à nouveau en situation d’attente passive : « belle Manon, dites-moi si vous serez plus fidèle. » Nous notons d’ailleurs le glissement de l’accusation « Perfide Manon ! » à « belle Manon », qui révèle le pouvoir qu’elle exerce , pour arriver à « Chère Manon », qui ouvre le discours direct rapporté.

Tony Johannot, La réconciliation, édition de Manon Lescaut , 1839

À aucun moment Manon n’est décrite, et le récit ne reprend pas précisément ses paroles, seule l’hyperbole dans la conséquence met en évidence son triomphe : « Elle me répondit des choses si touchantes sur son repentir, et elle s’engagea à la fidélité par tant de protestations et de serments, qu’elle m’attendrit à un degré inexprimable. » Il suffit de l’exaltation du héros pour que le lecteur mesure sa défaite, et c’est bien le regard qui, comme lors de la première rencontre, cause sa perte, ses « beaux yeux », et même « un seul de [s]es regards ».

Ainsi, dans le dernier paragraphe, Manon se trouve totalement divinisée , « tu es trop adorable pour une créature », ce que souligne d’ailleurs le narrateur : « avec un mélange d’expressions amoureuses et théologiques ».

La fatalité tragique

Mais l’amour de Manon entraîne aussi une fatalité tragique, dont le chevalier est parfaitement conscient : « je le prévois bien, je lis ma destinée dans tes beaux yeux ». Il est ainsi prêt à tout sacrifier pour l’amour de Manon comme le signale l’énumération des renoncements dans les dernières lignes : « je vais perdre ma fortune et ma réputation pour toi », repris par « les faveurs de la fortune ne me touchent point », « la gloire me paraît une fumée », « tous mes projets de vie ecclésiastique étaient de folles imaginations ». Sa déclaration signe la défaite de sa raison, qui n’est plus que le support d’illusions, face à une passion triomphante , « victorieuse », que le terme « délectation » compare aux délices aux délices promis au chrétien dans l’au-delà.

Mais c’est alors le "Ciel", si souvent invoqué dans le roman, qui se trouve bravé car Manon s’est révélée plus puissante que la foi chrétienne du héros, qui se trouve balayée . Des Grieux nie ainsi un dogme essentiel du christianisme, qui laisse à l’homme son libre-arbitre : « Tout ce qu’on dit de la liberté à Saint-Sulpice est une chimère ». Des Grieux se reconnaît totalement aliéné à Manon, et sa passion profane efface toute son instruction religieuse qui lui a forcément inculqué l’idée que le bien suprême ne peut être que le paradis dans l’au-delà : « tous les biens différents de ceux que j’espère avec toi sont des biens méprisables ».

Un retournement s’est opéré au fil du texte : la confession initiale de Manon, son aveu de faute, se sont transformés en une reconversion de des Grieux à l’amour, plus fort que la faute, plus fort que les doutes, plus fort aussi que tous les interdits sociaux, moraux et religieux. Ainsi la confession a fonctionné à l’envers : au lieu de ramener la pécheresse à la vertu, c’est elle qui détourne le confesseur du droit chemin. Cela révèle la toute-puissance de l’héroïne , à la fois manipulatrice d’un chevalier bien naïf, mais aussi capable de lui donner tous les signes d’un amour qui semble tout à fait sincère. Le lecteur hésite sans cesse entre ces deux interprétations de cette scène …

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Mais à la fin de cet extrait, les paroles de des Grieux, qui traduit en des termes « théologiques » son amour totalement profane et est prêt à s’éloigner de la foi chrétienne, laissent planer la menace d’un châtiment, d’autant plus qu’il est parfaitement conscient du risque qu’il prend, annonce du dénouement tragique . Or, rappelons l’avis au lecteur qui précède le roman : le public « verra, dans la conduite de M. des Grieux, un exemple terrible de la force des passions. », et l’auteur insiste sur son désir de « servir à l’instruction des mœurs ». Cela ne peut que nous rappeler les déclarations de Racine, notamment dans la Préface de Phèdre .

Lecture cursive  : Remords et pardon 

Après chaque « perfidie » de Manon se reproduit une même scène où les reproches de des Grieux conduisent à une réconciliation . La première a lieu dans le parloir de Saint-Sulpice, la deuxième après sa relation avec le « vieux G...M..., puis, dans la seconde partie, alors que Manon a séduit le fils de M. de G…M…, celle-ci est la troisième. Manon n’est pas venue au rendez-vous fixé à la Comédie-Française, mais a envoyé une fille à l'intention de des Grieux à sa place, avec une lettre qui le rejette. Il se précipite alors pour lui demander des explications, et la trouve en train de lire tranquillement. Cet extrait présente trois différences importantes avec la première réconciliation .

Les reproches de des Grieux

Il accentue l’expression de la douleur : « j’ai le cœur percé de la douleur de votre trahison », qualifiée de « si cruel traitement ». Le ton adopté renforce sa plainte, dramatisée puisqu’il évoque sa mort : « il est bien tard de me donner des larmes, lorsque vous avez causé ma mort. » C’est ce qui explique que les reproches sont bien plus violents , réitérés avec force : « infidèle et parjure Manon ! », « Inconstante Manon, repris-je encore, fille ingrate et sans foi, où sont vos promesses et vos serments ? », « Horrible dissimulation ! m’écriai-je ; je vois mieux que jamais que tu n’es qu’une coquine et une perfide. C’est à présent que je connais ton misérable caractère. » Sa violence se traduit par la multiplication des exclamations et des interrogations : « Amante mille fois volage et cruelle, qu’as-tu fait de cet amour que tu me jurais encore aujourd’hui ? Juste ciel ! ajoutai-je, est-ce ainsi qu’une infidèle se rit de vous, après vous avoir attesté si saintement ! C’est donc le parjure qui est récompensé ? Le désespoir et l’abandon sont pour la constance et la fidélité ! »

Il semble donc plus lucide et prêt à quitter celle qui le trompe sans cesse : « Adieu, lâche créature, continuai-je en me levant ; j’aime mieux mourir mille fois que d’avoir désormais le moindre commerce avec toi. Que le ciel me punisse moi-même si je t’honore jamais du moindre regard ! »

L'attitude de Manon

        Pendant toute la première partie de la scène, Manon ne parle pas, elle se contente d’ une attitude qui fait écho à la douleur de son amant : « Elle ne me répondit point ; mais, lorsque je fus assis, elle se laissa tomber à genoux, et elle appuya sa tête sur les miens, en cachant son visage de mes mains. Je sentis en un instant qu’elle les mouillait de ses larmes. », « Elle baisait mes mains sans changer de posture. »

      Le seul discours rapporté directement n’est plus l’aveu d’une faute, mais le rejet de sa culpabilité , fondée sur la conception, la casuistique héritée des jésuites, que l’intention pure excuse cette faute, soutenue par l’appel au châtiment céleste  : « Il faut que je sois bien coupable, me dit-elle tristement, puisque j’ai pu vous causer tant de douleur et d’émotion ; mais que le Ciel me punisse si j’ai cru l’être, ou si j’ai eu la pensée de le devenir. »

        Enfin, c’est elle qui, quand elle constate que son amant est prêt à partir, adopte la soumission jadis habituelle à des Grieux , « Elle fut si épouvantée de ce transport, que, demeurant à genoux près de la chaise d’où je m’étais levé, elle me regardait en tremblant et sans oser respirer. », et elle choisit  la supplication : « Elle laissa tomber ses bras sur mon cou, en disant que c’était elle-même qui avait besoin de ma bonté pour me faire oublier les chagrins qu’elle me causait ».

La faiblesse de de des Grieux

Dans la première réconciliation, des Grieux avait mis du temps avant d’être reconquis par Manon. Mais, dès le début, son « ton tendre » laisse supposer que son amour est, à présent, si enraciné en lui qu’il est inaltérable. C’est ce qui explique que le retournement de situation soit si brutal , sans que rien ne le justifie, sinon à nouveau un regard sur Manon : « Mais il aurait fallu que j’eusse perdu tout sentiment d’humanité pour m’endurcir contre tant de charmes. / J’étais si éloigné d’avoir cette force barbare, que, passant tout d’un coup à l’extrémité opposée, je retournai vers elle, ou plutôt je m’y précipitai sans réflexion ».

L’inversion est telle que c’est lui qui en arrive à implorer son pardon : « Là, tout ce qu’un amant soumis et passionné peut imaginer de plus respectueux et de plus tendre, je le renfermai en peu de mots dans mes excuses. Je lui demandai en grâce de prononcer qu’elle me pardonnait. » Le dernier discours direct du chevalier, en totale contradiction avec ses reproches, souligne donc à quel point il est à tout jamais lié à Manon : «  ah ! je ne vous demande point de justification, j’approuve tout ce que vous avez fait. Ce n’est point à moi d’exiger des raisons de votre conduite : trop content, trop heureux, si ma chère Manon ne m’ôte point la tendresse de son cœur ! »

Cette scène inverse donc la première : la demande de pardon de Manon à des Grieux devient celle de des Grieux à Manon, d’autant plus frappante que les reproches, eux, ont été bien plus développés, plus violents, révélant sa lucidité sur le caractère de Manon. La raison a donc perdu toute force face à la passion .

Étude de la langue : les discours rapportés  

Pour une étude précise, avec des exercices.

1/ « Elle me dit d’un ton timid e qu ’ elle confess ait que son infidélité mérit ai t ma haine. »

2/ « " Que prétend ez - vous donc ? m’écriai-je encore. — J e préte nds mourir, répondit-elle, si vous ne me rend ez votre cœur, sans lequel il es t impossible que je vive " . »

3/ « Elle m’appela par tous les noms [ que l’amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses. ] »

4/ « xxx  [C]’ét ait malgré elle qu’on l ’envoyait au couvent […] »

Ces quatre phrases permettent d’observer les quatre formes de discours rapporté . Pour chacune, seront observés les éléments mis en valeur par la typographie. On insistera tout particulièrement sur

la différence entre le discours indirect (phrase n°1, repérable par la conjonction qui l'introduit, ici à deux reprises), dans lequel il est important d’observer la façon dont le verbe introducteur indique le ton , et le discours direct (phrase n°2, repérable par les guillemets et le tiret pour le changement d'émetteur) dans lequel le ton, ici l’interrogation, est marqué par la ponctuation expressive . On comparera aussi le choix des personnes (pronoms, déterminants possessifs) et des temps. 

le discours narrativisé (phrase n°3) qui signale au lecteur une prise de parole, mais dont le contenu n’est que résumé , sans que ne soient repris les termes précis. Il relève donc plutôt du portrait psychologique des personnages.

le discours indirect libre (phrase n°4), encore très rare au XVIIIème siècle : il possède toutes les caractéristiques du discours indirect (énonciation à la 3ème personne et concordance des temps au passé), mais sans verbe ni conjonction pour l’introduire. Il est très ambigu, car les mots rapportés peuvent se confondre avec le récit du narrateur .

Étude d’ensemble  : L’image de l’amour 

Ces trois premières explications et les documents d’accompagnement permettent de mesurer la place centrale qu’occupe l’amour à la fois dans l’intrigue du roman et dans la psychologie des deux protagonistes .

L’intrigue repose, en effet, sur les nombreux obstacles qui entravent l’amour des héros, les contraintes sociales, l’importance du matérialisme dans une société qui prône le plaisir, d’où les transgressions successives , sociales, morales, religieuses, qui conduisent à des délits, à des crimes, à la mort. En même temps, le lecteur, devant les incessantes trahisons de Manon, est en droit de s’interroger sur la réciprocité de l'amour au sein du couple  : aime-t-elle réellement des Grieux ? Ne s’agit-il pas pour elle de jouer de ses « charmes » pour profiter de la faiblesse immédiatement perçue dans ce jeune homme ?  

Les péripéties inscrivent ainsi l’amour dans une dimension propre à provoquer la compassion du lecteur. La fatalité , caractéristique du tragique, est, certes, sans cesse invoquée par des Grieux pour expliquer, dans un récit a posteriori, les malheurs vécus. Mais ce tragique vient-il d’un châtiment céleste, ou bien tout simplement de la nature même des deux personnages, dont l’impuissance devient pathétique face au pouvoir de la société patriarcale et monarchique ?

Pour se reporter à l'analyse

Explication : un stratagème, de "l'heure du souper étant venue..."  à "... cette ridicule scène." .

Après la trahison de Manon avec M. de B…, riche fermier général, qui a conduit à une longue séparation d’avec des Grieux, le couple s’est réconcilié mais, très vite, le manque d’argent se fait sentir à cause de l’amour de Manon « pour le plaisir » et du rôle de parasite que joue son frère. Quand un vol complète la menace de ruine, celui-ci en vient même, à la grande indignation du chevalier, à lui conseiller de tirer profit des charmes de Manon. Une nouvelle péripétie s’annonce alors, quand des Grieux apprend que Manon a séduit M. de G… M… et en a déjà obtenu de l’argent . Après un temps de douleur et de colère, le chevalier accepte de participer à la tromperie qui se met alors en place : faire passer des Grieux pour le jeune frère de Manon, promettre une nuit d’amour à M. de G…M…, mais s’éclipser dès qu’il se sera retiré dans sa chambre, Manon s’enfuyant avec son frère et son amant. En quoi cette scène met-elle en valeur la façon transgressive dont le couple vit son amour ? 

1ère partie : Les préalables (des lignes 1 à 9) 

La mise en scène

Le récit prêté par Prévost à des Grieux suit la chronologie des faits , nettement marquée, comme les actes d’une pièce de théâtre : « L’heure du souper étant venue », « Le premier compliment », « ensuite », « en attendant que… » Cela permet au lecteur de découvrir le rôle de chacun des protagonistes, comme lors d’un prologue . Sont d’abord présents « dans la salle » celle qui est la clé de l’action, Manon, et son frère, qui, tel un metteur en scène, est l’instigateur de cette comédie. C’est donc lui qui doit donner le signal de l’entrée en scène du héros : « J’étais à la porte, où je prêtais l’oreille en attendant que Lescaut m’avertît d’entrer. » Des Grieux a, en effet, accepté de se prêter à ce jeu, pour l’instant en tant que témoin  caché, ce qui peut tout de même révéler son inquiétude. L’appellation des protagonistes rappelle d'ailleurs les personnages d’une comédie , un barbon, un « vieillard », face à celle qu’il veut séduire, « sa belle ».

Le but du stratagème

Quand la victime, « M. de G… M… », entre en scène, l’objectif de cette rencontre est aussitôt montré par le champ lexical qui met d’emblée l’accent sur l’argent par l’énumération des bijoux, avec la précision de leur coût exact : « Le premier compliment du vieillard fut d’offrir à sa belle un collier, des bracelets et des pendants de perles qui valaient au moins mille écus. » Mais le fait de considérer comme un « compliment » l’offre de bijoux montre que, dans cette société, le matérialisme règne : une femme s’achète . C’est ce que confirme encore plus directement – et plus grossièrement – le prix de cet achat, mentionné : « Il lui compta ensuite en beaux louis d’or la somme de deux mille quatre cents livres, qui faisaient la moitié de la pension. »

Ce n’est qu’après cela que viennent les paroles, avec un verbe qui montre que ce n’est qu’un ajout, comme une sorte d’obligation à remplir. Mais c’est aussi le premier signe de ridicule de cet homme d’âge qui ne maîtrise pas le langage élégant de la séduction : « Il assaisonna son présent de quantité de douceurs dans le goût de la vieille cour. » La formule renvoie aux premiers temps de la monarchie, quand les manières élégantes de la Préciosité n’étaient pas encore de mise.

L’idée qu’il s’agit bien d’un marché se complète du côté de Manon, qui, à son tour, paie sa part en entrant dans une sorte de troc . Par la négation, « Manon ne put lui refuser quelques baisers », des Grieux assume sa pleine complicité. Aucune jalousie, en effet, mais une justification qui inscrit le marché dans la légalité : « c’était autant de droits qu’elle acquérait sur l’argent qu’il lui mettait entre les mains. » Ainsi, la tromperie est, par avance, excusée.

2ème partie : La présentation (des lignes 10 à 16) 

L'entrée en scène du héros

Comme au théâtre, l’intrigue se noue alors avec l’entrée en scène du héros, des Grieux , acteur totalement soumis à son metteur en scène : C’est, en effet, toujours le frère de Manon qui mène le jeu , « Il vint me prendre par la main », « me conduisant vers M. de G… M… », « il m’ordonna de lui faire la révérence ». C'est lui qui en règle les étapes : la subordonnée temporelle, « lorsque Manon eut serré l’argent et les bijoux », montre sa prudence : il ne perd pas de vue l’objectif visé.

Mais cette présentation fait sourire p ar la façon d’abord dont des Grieux joue son rôle , avec le superlatif qui souligne l’exagération du mouvement : « J’en fis deux ou trois des plus profondes. »

Tony Johannot, La présentation de des Grieux à M. de G... M..., Gravure , 1839

Gravelot, La présentation de des Grieux à M. de G... M..., Gravure, 1753

Le double discours

Après le comique de gestes vient le comique de mots, avec le double langage du discours de Lescaut directement :

        D’abord à l’adresse de leur hôte , il présente le chevalier , censé être le jeune frère de Manon, en accentuant sa jeunesse et sa naïveté par l’emploi des adverbes d’intensité : « c’est un enfant fort neuf. Il est bien éloigné, comme vous le voyez, d’avoir des airs de Paris ». Il s’agit de le faire accepter aux côtés de Manon, d' empêcher toute méfiance du vieil homme, qu’il flatte aussi en lui donnant le rôle d’un professeur de belles manières : « nous espérons qu’un peu d’usage le façonnera ». Le pronom « nous » rappelle au lecteur la complicité des trois protagonistes.

        Ensuite à l’adresse de des Grieux , il poursuit sa feinte , avec un lexique mélioratif, qui renforce encore sa flatterie à l’égard du séducteur : « Vous aurez l’honneur de voir ici souvent monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers moi ; faites bien votre profit d’un si bon modèle. »

3ème partie : Le dialogue (des lignes 17 à 29) 

Le stratagème réussi

L’acte suivant introduit le dialogue initial, qui vient prouver le succès du stratagème : « Le vieil amant parut prendre plaisir à me voir. » Son geste ridicule , comme si des Grieux était un petit enfant, montre que son sentiment de supériorité l'a fait immédiatement tomber dans le piège : « Il me donna deux ou trois petits coups sur la joue en me disant que j’étais un joli garçon ». Son discours surtout fait sourire le lecteur , public qui lui est dans la connivence, car son avertissement, « qu’il fallait être sur mes gardes à Paris, où les jeunes gens se laissent aller facilement à la débauche. » retrace précisément l’itinéraire suivi par des Grieux. Notons aussi le cynisme de ce conseil donné par un homme qui, dans un âge avancé, est lui-même tombé dans « la débauche » quand il utilise sa fortune pour s’acheter une femme…

Pour répondre à l’idée de « débauche », Lescaut intervient et le verbe qui introduit le discours indirectement rapporté traduit sa volonté de rassurer encore davantage leur victime en invoquant la religion   : « Lescaut l’assura que j’étais naturellement si sage, que je ne parlais que de me faire prêtre, et que tout mon plaisir était à faire des petites chapelles. » Mais ce mensonge, rendu insistant par le rythme ternaire des subordonnées, est d’autant plus scandaleux qu’il prête à des Grieux le choix d’un état et un comportement religieux – il jouerait, comme les enfants, à élaborer et à décorer de petits autels – alors même que celui-ci s’est enfui du séminaire de Saint-Sulpice !

Le comique de l'équivoque

Le dialogue devient franchement comique, par l’équivoque mise en évidence à chaque phrase du dialogue entre le héros et M. de G… M…

            La naïveté de M. de G… M… ressort de son premier commentaire, qui confirme le succès du stratagème : « Je lui trouve de l’air de Manon », et qui peut prendre un double sens puisque les deux amants partagent cette tromperie. Des Grieux maintient son jeu d’acteur par ses mimiques : « Je répondis d’un air niais ». Mais, contrairement au vieillard dupé, le lecteur, complice, perçoit, lui, le double sens érotique de la riposte de des Grieux , « Monsieur, c’est que nos deux chairs se touchent de bien proche », qui lui offre en outre l’occasion de proclamer à Manon la force de son amour : « aussi j’aime ma sœur comme un autre moi-même. »

         Le jeu se poursuit par la deuxième réplique de M. de G... M..., qui confirme sa confiance accordée au rôle joué par des Grieux , celui d’un provincial ignorant les manières de la bonne société : « L’entendez-vous ? dit-il à Lescaut ; il a de l’esprit. C’est dommage que cet enfant-là n’ait pas un peu plus de monde. » Il prend ainsi à témoin le menteur lui-même, Lescaut , à deux reprises, en répétant son qualificatif d’« enfant », avec un enthousiasme que souligne l’impératif : « Voyez, ajouta-t-il, cela est admirable pour un enfant de province. » La protestation du héros, qui conserve soigneusement l’image de son personnage fréquentant « les églises », accentue encore le comique, puisqu’à présent, par le comparatif, il se moque directement de la naïveté de son interlocuteur : « Ho ! monsieur, repris-je, j’en ai vu beaucoup chez nous dans les églises, et je crois bien que j’en trouverai à Paris de plus sots que moi. » L’aveuglement de M. de G… M… participe donc à ce double jeu .

4ème partie : Le souper (de la ligne 30 à la fin) 

Tony Johannot, Le souper chez M. de G... M..., édition de Manon Lescaut, 1839

Tony Johannot, Le souper chez M. de G... M..., édition de  Manon Lescaut , 1839

Le comique de caractère

Pour ne pas allonger le récit, le discours est narrativisé, révélant tout l’art des trois complices acteurs : « Toute notre conversation fut à peu près du même goût pendant le souper. » Ce récit met en valeur le contraste des caractères :

D’un côté, il y a ceux qui s’amusent , et d’abord Manon : « Manon, qui était badine, fut plusieurs fois sur le point de gâter tout par ses éclats de rire. » Mais ce rire est aussi une façon, pour le narrateur, d’ atténuer sa culpabilité : au-delà de l’argent, il s’agit d’abord de se divertir. Parallèlement, des Grieux souligne son talent de portraitiste , « je l’achevai si adroitement », autre moyen de faire oublier son rôle dans l’escroquerie .  

De l’autre, la victime se retrouve en position d’accusé , car le récit le rend responsable du succès de la tromperie. S’il ne comprend rien, c’est parce que sa position sociale le rend aveugle : « je faisais son portrait au naturel ; mais l’amour-propre l’empêcha de s’y reconnaître ».

Le comique de situation

La situation relève, en fait, de la mise en abyme fréquente au théâtre , notamment dans la comédie, puisque le contenu du dialogue illustre précisément la scène qui se joue : « Je trouvai l’occasion en soupant de lui raconter sa propre histoire et le mauvais sort qui le menaçait ». Il prend ainsi un risque, « Lescaut et Manon tremblaient pendant mon récit », mais tout se passe comme si cela donnait encore plus de saveur à la tromperie, qui devient un pur moment d’amusement , surtout quand la victime en arrive elle-même à y participer : « il fut le premier à le trouver fort risible ». C’est cet aspect cocasse que met en évidence la conclusion sur cette « ridicule scène », qui nous ramène au théâtre.

Cette phrase de conclusion nous ramène aussi à la situation d’énonciation, le récit fait a posteriori , puisque des Grieux interpelle son destinataire, le marquis de Renoncour : « Vous verrez que ce n’est pas sans raison que je me suis étendu sur cette ridicule scène. ». Très habilement, Prévost met ainsi en place un horizon d’attente , en stimulant, à travers celle du destinataire, la curiosité du lecteur . Mais, en même temps, il renforce  le rôle du décalage temporel . Les protagonistes vivent ce moment dans une totale inconscience de leur immoralité, ne pensant qu’à s’amuser en tirant un bénéfice de leur duperie. Leur jeunesse leur offre ainsi une forme d’innocence. Tout heureux de leur succès, ils en ignorent forcément les conséquences, que le narrateur, lui, connaît, et qui doivent, elles, soutenir le sens moral du roman. 

Cet extrait correspond parfaitement au double intérêt du roman : le conflit entre les personnages et la société et le « romanesque » plaisant .

            Le stratagème raconté révèle pleinement, en effet, des personnages que nous pouvons juger "en marge" car habiles à mentir, à porter un masque, et, en utilisant la religion, à détourner les règles morales. Cependant, Prévost les condamne-t-il vraiment ? Sont-ils plus coupables de leur supercherie que leur victime, tout aussi immorale dans son désir d’utiliser sa richesse pour satisfaire son désir ? Plus que des personnages « en marge », tous ne sont-ils pas, en fait, le reflet d’une société fondée sur le pouvoir que donne la richesse ? Une société où les valeurs collectives, l’ordre monarchique et la morale chrétienne sont remplacées par les valeurs individuelles, la volonté de vivre « hic et nunc » en profitant des plaisirs du siècle .

        À cela s’ajoute l’art du récit, ici une péripétie mise en scène comme le serait une comédie , et soutenant l’intérêt du lecteur. Les personnages deviennent des acteurs, jouant parfaitement leur rôle en mettant en œuvre toutes les formes du comique : une situation qui inverse les rapports de force, car le barbon puissant, aveuglé, se retrouve trompé par les jeunes gens, provoquant le rire par le comique des gestes, exagérés, et des discours, à double sens. Cette tonalité comique est d’autant plus frappante qu’elle contraste avec d’autres péripéties, qui, au contraire, mettent en évidence par la dramatisation pathétique la sensibilité des cœurs.

Explication : L'évasion de Saint-Lazare, de "Ce compliment devait..."  à "... à Saint-Lazare pour longtemps." 

Le stratagème destiné à tirer profit de M. de G… M…fonctionne à merveille : le couple et Lescaut parviennent à s’enfuir avec la richesse soutirée au vieillard. Mais ce triomphe dure fort peu : alors même que les amants sont au lit, ils sont arrêtés  et emmenés, Manon à l’Hôpital prison réservée aux prostituées, le chevalier à Saint-Lazare .

Dans cette prison, le Père supérieur, touché par la douleur de des Grieux, le traite avec douceur, mais celui-ci joue « l’hypocrite ». Il parvient ainsi à recevoir la visite de Tiberge, et à lui transmettre une lettre prétendument destinée à « un honnête homme de [s]a connaissance », chargé, lui, de transmettre celle, cachée à l’intérieur, destinée au frère de Manon auquel il demande son aide pour s’évader. Ainsi, muni du pistolet remis par Lescaut, il frappe, de nuit, à la porte du Père supérieur pour l’obliger à lui remettre les clés. En quoi le récit de cette évasion est-il révélateur de la personnalité du héros ? 

Maurice Leloir, L'arrestation de des Grieux et de Manon, 1885

Maurice Leloir, L'arrestation de des Grieux et de Manon, 1885

1ère partie : Une argumentation convaincante (des lignes 1 à 16) 

Tony Johannot, L'évasion, 1839

Tony Johannot, L'évasion, 1839

La tonalité du récit

L'accueil bienveillant du Père supérieur explique que ce prisonnier, qui peut sortir librement de sa chambre, ait fait appel à  son « amitié » en venant frapper à sa porte en pleine nuit. Mais il convient de ne pas oublier que ce récit est fait a posteriori et devrait donc, pour correspondre à l’objectif moral affiché par Prévost dans son « Avis au lecteur », témoigner de regrets, voire de remords du héros. Mais ce n’est pas le cas, car il se charge d’humour , par exemple en qualifiant de « compliment », petit texte élogieux récité à l’occasion d’une fête ou d’une cérémonie officielle, sa demande des clés pour s’évader. Ce même humour se retrouve dans le jeu sur l’indice temporel, entre le moment vécu, la surprise du Père supérieur, et le moment du récit du narrateur, destiné à expliquer son comportement : « Il demeura quelque temps à me considérer sans me répondre. Comme je n’en avais pas à perdre... ». 

Ce ton humoristique est encore accentué dans la périphrase, « de peur qu’il ne lui prît envie d’élever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honnête raison de silence, que je tenais sur mon justaucorps. », plutôt cocasse puisqu’il s’agit du pistolet que lui a fourni Lescaut.

Le discours indirect

L’opposition marquée par le connecteur « mais » dans le discours indirect témoigne aussi de la volonté de se justifier , fort habile puisque le premier argument invoqué fait appel à un dogme essentiel du christianisme, la liberté accordée à l’homme , dont la valeur est amplifiée par le superlatif : « j’étais touché de toutes ses bontés, mais que la liberté étant le plus cher de tous les biens […], j’étais résolu à me la procurer cette nuit même, à quelque prix que ce fut ». La menace formulée par ce discours est à nouveau justifiée par un second argument, une protestation d’innocence , qui efface par avance toute idée de faute, passée comme présente : « surtout pour moi à qui on la ravissait si injustement ». Argumentation adressée à son interlocuteur d’autrefois, mais également au destinataire, l’« homme de qualité », une façon donc d’influencer son jugement.

Le dialogue direct

Dans le dialogue qui s'instaure ensuite, le Père supérieur manifeste sa peur et son indignation par ses exclamations, « Un pistolet ! », « Quoi ! »,  et ses questions : « vous voulez m’ôter la vie pour reconnaître la considération que j’ai eue pour vous ? », « que vous ai-je fait ? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort ? ». Il tente ainsi de faire appel à la raison de celui qu’il continue à nommer religieusement, son « cher fils », en retournant contre des Grieux l’idée d’injustice par laquelle celui-ci justifie son évasion. Mais son prisonnier met alors en avant une conception morale héritée des jésuites, destinée à excuser un acte coupable par la pureté de l’intention , d’où son invocation, « À Dieu ne plaise ! », et sa protestation négative, insistante : « Eh ! non, répliquai-je avec impatience. Je n’ai pas dessein de vous tuer ». Enfin, son ultime justification consiste à rejeter le risque sur le comportement de son interlocuteur qui l'obligerait, en quelque sorte, à commettre un crime : « vous avez trop d’esprit et de raison pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j’y suis si résolu, que si mon projet manque par votre faute, c’est fait de vous absolument. » La formulation, soutenue par les adverbes, renforce la menace et l’injonction finale, par le jeu entre la condition introduite et la conséquence accentuée par le superlatif, confirme son rejet de toute culpabilité : « si vous voulez vivre, ouvrez-moi la porte, et je suis le meilleur de vos amis. »

2ème partie : Un roman d’aventures (des lignes 16 à 23) 

Pour maintenir l’intérêt de cette péripétie, le récit s’accélère grâce aux verbes d'action dans les courtes propositions qui s’enchaînent : « J’aperçus les clefs qui étaient sur la table ; je les pris, et je le priai de me suivre en faisant le moins de bruit qu’il pourrait. Il fut obligé de s’y résoudre. » Mais les paroles rapportées des deux protagonistes rendent  cette scène un peu ridicule :

d’un côté, la lamentation du Père supérieur, qui déplore sa naïveté : « « À mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte, il me répétait avec un soupir : « Ah ! mon fils, ah ! qui l’aurait jamais cru ? »

de l’autre, l’image de l’évadé, particulièrement inquiet et soucieux de réussir son évasion , ce que marque l’injonction répétée : « "Point de bruit, mon père" répétais-je de mon côté à tout moment. » 

Prévost, après la description du parcours suivi,  « Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière qui est avant la grande porte de la rue. », prend soin également de conserver dans son récit un horizon d’attente par le verbe annonçant une nouvelle péripétie : «  Je me croyais déjà libre, et j’étais derrière le père, tenant ma chandelle d’une main et mon pistolet de l’autre. » Cette scène offre ainsi toutes les caractéristiques du roman d’aventures .

3ème partie : Le crime (de la ligne 23 à la fin) 

Un acte criminel

À nouveau l’action s’accélère, avec une nouvelle péripétie mise en valeur par le brusque recours au présent de narration : « Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir, un domestique qui couchait dans une chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se lève et met la tête à sa porte. » Dans son récit, cependant, des Grieux s’emploie à effacer sa propre culpabilité :

     d’une part, l’intervention du domestique est rejetée sur l’action du Père supérieur , présentée comme une erreur de jugement par l’adverbe, « Le bon père le crut apparemment capable de m’arrêter. », et le commentaire circonstanciel, « Il lui ordonna avec beaucoup d’imprudence de venir à son secours. »

      d’autre part, le portrait du domestique fait de lui l’agresseur : « C’était un puissant coquin, qui s’élança sur moi sans balancer. » Ainsi le geste de des Grieux apparaît comme de la légitime défense : « Je ne le marchandai point ; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. » Notons la brièveté de ces deux propositions dans un récit qui ne montre à aucun moment la victime.

Maurice Leloir, Le crime de des Grieux, 1885

Maurice Leloir, Le crime de des Grieux, 1885

Le déni de culpabilité

Tout au contraire, quoique fait a posteriori, le récit n’introduit aucune réflexion morale .

Le discours rapporté insiste, en effet, sur la volonté du personnage de nier toute culpabilité personnelle , et même, avec l’adverbe, de mettre en avant son courage héroïque : « « Voilà de quoi vous êtes cause, mon père, dis-je assez fièrement à mon guide. Mais que cela ne vous empêche point d’achever, » ajoutai-je en le poussant vers la dernière porte. »

La juxtaposition des actions ramène à l’essentiel,  la réussite de l’évasion, dont le plan a parfaitement fonctionné : « Il n’osa refuser de l’ouvrir. Je sortis heureusement, et je trouvai à quatre pas Lescaut qui m’attendait avec deux amis, suivant sa promesse. » Nous retrouvons ici le rôle du frère de Manon, toujours complice pour assister des Grieux dans ses actes coupables : c’était son idée de se servir des charmes de Manon pour tirer profit de M. de G… M…, c’est lui, à nouveau qui facilite la fuite.

Mais le dernier paragraphe introduit une opposition  :

Le premier mouvement de des Grieux est de rejeter sur lui, par sa question, la responsabilité du meurtre en rappelant sa demande de lui fournir un pistolet non chargé : «  C’est votre faute, lui dis-je ; pourquoi me l’apportiez-vous chargé ? »

Dans un second temps, son ton s’adoucit : « Cependant je le remerciai d’avoir eu cette précaution, sans laquelle j’étais sans doute à Saint-Lazare pour longtemps. »

Mais, dans les deux cas, l’accent mis sur l’arme qui a servi au meurtre décharge de toute culpabilité celui qui, face au danger, a pourtant choisi d’appuyer sur la gâchette.

Nous avons choisi cet extrait pour son double intérêt .

         La vivacité du récit, avec les courtes phrases, la place accordée aux discours direct, et la façon dont Prévost maintient la curiosité du lecteur par l’horizon d’attente créée, permet de mettre l’accent sur le danger couru. Prévost adopte ainsi toutes les ressources propres au romanesque , tout particulièrement présentes dans les romans picaresques.

     Il conduit également le lecteur à s’interroger sur la personnalité du héros . Sa passion pour Manon explique, bien évidemment, sa volonté de s’évader au plus vite pour tenter de la retrouver. Mais que de mauvaise foi dans son argumentation ! Ses discours rejettent sans cesse la responsabilité de ses actes sur autrui : sur son intention louable d’abord, puis sur une société injuste, sur le Père supérieur lui-même, sur son domestique, trop agressif, et finalement sur Lescaut et sur l’arme fournie… Un tel déni de toute culpabilité est-il admissible , alors même que le récit est fait après que des Grieux a pu mesurer toutes les conséquences de ses choix, surtout si nous pensons que Prévost insiste sur sa volonté moralisatrice ? Ou bien est-ce le moyen de renforcer l’idée que le personnage subit, à chaque moment de sa vie, une sorte de fatalité, qui excuserait ses actes immoraux ?

Explication : La mort de Manon, de "Pardonnez, si j'achève..."   à "... j'attendis la mort avec impatience." 

Après son évasion rocambolesque de Saint-Lazare, des Grieux, toujours aidé de Lescaut, fait évader Manon de la prison de l’Hôpital, et le couple vit alors un nouveau moment de bonheur, qui ne dure guère, car la seconde partie du roman s’ouvre sur une nouvelle trahison de Manon : ayant séduit le fils du vieux G… M…, elle entreprend de lui extorquer à lui aussi de l’argent en se vengeant ainsi de son père, et elle convainc son amant de partager ce nouveau forfait, récidive fatale aux amants, tous deux arrêtés . Emprisonné au Petit-Châtelet, des Grieux en sort grâce à l’intervention de son père qui a réussi à convaincre le vieux G… M… de renoncer à sa plainte.

Tony Johannot, La déportation de Manon en Louisiane, 1839

En revanche, aucune excuse pour Manon, condamnée à être envoyée en Louisiane , où les colons attendent des épouses. Après son échec dans sa tentative pour la libérer en route, des Grieux s’embarque avec elle pour cette colonie, où, les croyant mariés, le gouverneur les accueille avec bienveillance. Mais une nouvelle péripétie surgit quand des Grieux demande le droit de se marier, révélant ainsi la vérité : le neveu du gouverneur, Synnelet, exige d’épouser Manon, d'où un duel à l'issue duquel des Grieux est blessé et Synnelet s’écroule. Pour échapper à l’inévitable châtiment, le héros décide de fuir avec Manon vers une colonie anglaise … Une route difficile car le paysage est hostile,  et Manon n’est pas habituée à une longue marche, quand la nuit les contraint à s’arrêter. En quoi ce dénouement donne-t-il au roman son sens ? 

Tony Johannot, La déportation de Manon en Louisiane, 1839

1ère partie :Le présent du récit 

Une introduction (des lignes 1 à 4)

Le récit de cette fuite s’interrompt une première fois pour revenir au moment présent , « Je vous raconte », avec une adresse au destinataire, le marquis de Renoncour, qui insiste sur l’ampleur de la douleur, présentée par avance comme indicible par l’injonction : « Pardonnez, si j’achève en peu de mots un récit qui me tue. » Ainsi, le récit s’inscrit par avance dans la tonalité pathétique , en multipliant les hyperboles : « un récit qui me tue », « un malheur qui n’eut jamais d’exemple. », « Toue ma vie est destinée à le pleurer ». Le ton en arrive ensuite au tragique , puisqu’à la pitié s’ajoute le sentiment de terreur à travers l’image d’un supplice éternel avec une personnification qui en accentue encore la violence : « Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que j'entreprends de l'exprimer. »

L'image du narrateur (des lignes 15 à 23)

Une nouvelle interpellation du marquis de Renoncour intervient après la description des derniers instants du couple : « N'exigez point de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. » Cette  double négation renforce cette douleur indicible, qui paralyse le langage, au point que la mort n’est mentionnée que par un bref euphémisme : « Je la perdis ». La tonalité tragique s’accentue ainsi, à la fois par l’image du narrateur, accablé par son récit qui lui fait revivre ce moment, et par le sens donné à cet « événement », autre euphémisme : « C'est tout ce que j'ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement. »

Au-delà de la dimension pathétique marquée par l’adjectif « déplorable », le second adjectif « fatal » renvoie à l’ idée d’une destinée inéluctable . C’est ce que confirme le commentaire du narrateur, qui insiste sur le poids d’un châtiment céleste : «  Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement puni. » Ainsi, si Manon est punie par la mort, le fait de devoir vivre sans elle est présenté comme une punition bien pire, ce qui accentue sa propre culpabilité : « Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. » Les indices temporels suggèrent l’éternité de ce châtiment , par le glissement du passé au présent, suivi d’une projection dans l’avenir qui, en remettant des Grieux en fonction de sujet, révèle son acceptation du malheur : « Je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse. » Reprendre en charge le cours de son existence serait la seule façon de surmonter le tragique en cessant de reporter la culpabilité sur d’autres.

Léopold Flameng, La mort de Manon, illustration, 1875 

2ème partie : La mort de Manon (des lignes 5 à 19) 

Léopold Flameng, La mort de Manon, illustration, 1875 

L'ultime moment d'amour

L’ouverture du récit, « Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit.» met en place l’union du couple , que traduit ensuite l’alternance des sujets, avec le pronom « je » pour le comportement du héros et le pronom « elle » pour dépeindre Manon. Le récit se déroule en trois étapes :

         La première est encore un moment de paix , de calme et de silence. Mais le verbe du récit, parce qu’il est fait a posteriori, démasque à quel point la retenue de des Grieux était une illusoire preuve d’amour : « Je croyais ma chère maîtresse endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. »

La mort de Manon : les ultimes gestes d'amour

La mort de Manon : les ultimes gestes d'amour

       La deuxième étape correspond au réveil avec les indices révélateurs de l’agonie : « Je m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes. » Mais le geste du narrateur illustre encore son déni , puisqu’il n’y voit que l’effet de la froideur nocturne : « Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. » Alors que le discours de Manon rapporté indirectement tente de détromper son amant, « Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière heure. », celui-ci persiste dans son refus d’envisager le pire , souligné par la double négation restrictive : « Je ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y répondis que par les tendres consolations de l'amour. »

         Enfin l’énumération des indices physiques, « ses soupirs fréquents, son silence à mes interrogations, le serrement de ses mains », marque la douloureuse certitude du héros : ils lui « firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. » La mort de Manon est ainsi présentée comme une délivrance pour elle.

La réhabilitation de Manon

Le roman a souvent mis en évidence le libertinage de Manon, son goût des plaisirs qui la conduit, à trois reprises, à trahir son amant, et a entraîné sa condamnation à la déportation en Louisiane. Mais cette ultime image de l’héroïne efface ses mensonges et ses trahisons en soulignant la sincérité de son amour , symbolisé par la gestuelle, les mains de Manon, que des Grieux « approch[e] de [s]on sein pour les réchauffer », puis le geste de Manon « faisant un effort pour saisir les [s]iennes », avant le gros plan qui met en valeur leur union : « le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes » Le parallélisme des déterminants possessifs, « son silence à mes interrogations », « ses mains […] les miennes », «  mes sentiments […] ses dernières expressions », reproduit cette fusion, encore renforcée par l’entrecroisement final : « Je la perdis ; je reçus d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. » Tout est fait pour faire de l’amour l’ultime vérité de Manon , masquée lors de sa vie mondaine, mais rétablie au moment de la mort.

3ème partie : Des funérailles pathétiques (de la ligne 24 à la fin) 

La divinisation de Manon

Tous les moments importants du roman, depuis la  première rencontre de Manon jusqu’aux moments de réconciliation, en passant par les moments de vie commune, ont mis l’accent sur les charmes de l’héroïne, perçus par les regards du chevalier, incapable de résister à cet attrait physique . C’est ce que nous rappelle l’ultime image de leur relation : « Je demeurai plus de vingt-quatre heures la bouche attachée sur le visage et sur les mains de ma chère Manon. »

C’est ce qui explique le désir de sauvegarder de toute atteinte ce corps si précieux : « mais je fis réflexion, au commencement du second jour, que son corps serait exposé, après mon trépas, à devenir la pâture des bêtes sauvages. » Le lexique marque ainsi une véritable divinisation de Manon : « j’y plaçai l’idole de mon cœur, après avoir pris soin de l’envelopper de tous mes habits pour empêcher le sable de la toucher. » Les hyperboles accentuent encore le contraste entre l’amour profane, charnel, amplifié par le lexique, « après l’avoir embrassée mille fois » et cette divinisation qui attribue à Manon un terme propre à l’ expression religieuse de l’amour porté à un être divin : le superlatif, « toute l’ardeur du plus parfait amour » est répété et prolongé avec insistance par «  j’ensevelis pour toujours dans le sein de la terre ce qu’elle avait porté de plus parfait et de plus aimable. »

Jacques-Jean Pasquier, L'enterrement de Manon , gravure, 1753

Jacques-Jean Pasquier, L'enterrement de Manon , gravure, 1753

Mais cet enterrement dépeint aussi, avec insistance, l’état de désespoir extrême du héros : « Mon dessein était d’y mourir », « Je formai la résolution de l’enterrer, et d’attendre la mort sur sa fosse. ». C’est sur cette affirmation réitérée que s’achève ce passage : « Je me couchai ensuite sur la fosse, le visage tourné vers le sable ; et, fermant les yeux avec le dessein de ne les ouvrir jamais, j’invoquai le secours du ciel, et j’attendis la mort avec impatience. » 

Ce portrait pathétique oblige le narrateur à expliciter comment il a pu surmonter la contradiction entre la mise en valeur de son état d’accablement physique par les termes qui l’intensifient, et les efforts exigés par les derniers gestes à accomplir : « J’étais déjà si proche de ma fin, par l’affaiblissement que le jeûne et la douleur m’avaient causé, que j’eus besoin de quantité d’efforts pour me tenir debout. Je fus obligé de recourir aux liqueurs fortes que j’avais apportées ; elles me rendirent autant de force qu’il en fallait pour le triste office que j’allais exécuter ». 

Pascal Dagnan-Bouveret, La mort de Manon, 1878. Peinture, 70 × 99,2. Coll° privée

L’enterrement est ainsi dramatisé par sa représentation, qui repose, dans un premier temps, sur une vision tragique du héros , comme vaincu au combat : « c’était une campagne couverte de sable. Je rompis mon épée pour m’en servir à creuser ». Mais l’arme, symbole de son statut social qui empêchait leur amour, est ensuite remplacée par ses « mains », qui témoignent de leur lien charnel : « mais j’en tirai moins de secours que de mes mains. » La fin du récit met en parallèle le corps de Manon et celui du héros , réduit lui aussi à une totale immobilité, tout en rappelant à quel point les regards, jusqu’à la fin, jouent un rôle dans son amour : « Je m’assis encore près d’elle ; je la considérai longtemps ; je ne pouvais me résoudre à fermer sa fosse. »

Pascal Dagnan-Bouveret, La mort de Manon , 1878. Peinture, 70 × 99,2. Coll° privée

Si le récit de la mort a été réduit, car présenté comme indicible par des Grieux, les commentaires du narrateur mettent en évidence le double sens de la mort de Manon .

D’une part, ils soulignent, par le portrait de des Grieux, la dimension pathétique de cette fin cruelle d’un amour profond , qui s’inscrit dans l’éternité.

D’autre part, ils apportent une morale tragique au roman : alors même que les amants avaient choisi, en demandant le droit de se marier, de revenir au respect de la morale, la mort de Manon devient un châtiment céleste, que devra porter à jamais le héros.

Cependant, Prévost fait-il vraiment ressortir, par cette scène, le sens moral des aventures de ses personnages , en montrant la fin terrible réservé à la passion quand elle efface toute autre valeur ? Ou bien les gestes d’amour de Manon, sa douceur et sa résignation face à la mort, comme la douleur de des Grieux lors de l’enterrement, témoignage d’un amour absolu, n’invitent-ils pas plutôt le lecteur à plaindre les héros qu’à les juger justement punis ? Il appartient au lecteur d'en décider...

Deux tonalités : le pathétique et le tragique  

Pour une étude précise.

La tonalité tragique

Ce dénouement, la mort de l’héroïne qui condamne le héros à passer le reste de ses jours dans le désespoir, correspond à la définition du tragique formulée par le philosophe grec Aristote : il doit provoquer la pitié et la terreur face à la fatalité qui accable un héros dont la lutte est par avance condamnée.

L’horreur de cette mort en plein désert, la volonté de des Grieux d’enterrer sa bien-aimée pour lui éviter d’être dévorée par les bêtes sauvages sont, assurément, des éléments propres à amplifier ce que le narrateur lui-même présente comme un châtiment céleste .

La question reste cependant posée : les fautes des deux amants ont-elles été si effroyables, sont-ils coupables au point de mériter un tel châtiment ? Finalement, sont-ils victimes d’une fatalité, ou plus simplement de leur jeunesse, de leurs propres faiblesses et des injustices de la société ?

La tonalité pathétique

L'explication nous a permis de constater l’absence de cris et de plaintes lors de l’agonie de Manon, la discrétion du récit de sa mort, le refus d’une expression qui serait amplifiée par des exclamations ou des interrogations prenant le Ciel à témoin. Cette expression brise donc le tragique en mettant surtout l’accent sur la lamentation . Ainsi, c’est donc la pitié qui l’emporte chez le lecteur pour ces deux amants , victimes attendrissantes d’un amour dont le récit fait ressortir, pour Manon, comme pour des Grieux, la profonde sincérité.

Histoire de l'art  : Giacomo Puccini, Manon Lescaut , 1893, le finale  

Placido Domingio et Renata Scotto dans le finale de l'opéra de Puccini, 1980

Jules Massenet est le premier, en 1884, à créer au Théâtre national de l’opéra-comique, Manon , une adaptation du roman de Prévost. Lui succède l’italien Giacomo Puccini , qui fait de Manon Lescaut , en 1893 au Teatro Regio de Turin, un drame lyrique en quatre actes , sur un livret composé par Domenico Oliva, Giulio Ricordi, Luigi Illica et Marco Praga.

Le dernier acte, comme dans le roman, se déroule en Louisiane, mais les péripéties en sont très simplifiées , puisque la mort de Manon se déroule aussitôt après leur arrivée. Le couple ne sait où aller pour passer la nuit, Manon est épuisée et des Grieux part lui chercher de l’eau. Elle se croit abandonnée et, quand il revient, elle meurt dans ses bras.

En se comparant à Massenet, Puccini proclame son objectif : « Massenet sent la pièce comme un Français, avec l’atmosphère de la poudre et des menuets. Je la ressentirai comme un Italien, avec la passion du désespoir. » Ainsi, interprété par  Placido Domingo dans la mise en scène de Desmond Heeley au Metropolitan Opera en 1980, des Grieux est le rôle de ténor le plus long des opéras de Puccini, essentiellement montré comme victime : ses lamentations déchirantes atteignent leur apogée au moment où Manon meurt. La soprano Renata Scotto, qui interprète Manon , a une présence musicale plus réduite, mais plus diversifiée : jeune fille innocente au premier acte, elle se transforme en une maîtresse coquette et en une amante passionnée, avant de s’inscrire dans le tragique comme prisonnière, puis par sa douloureuse agonie .

Doucement accompagné par l'orchestre, le duo final des amants, reprend les images principales de Prévost , à commencer par le « froid » de l’agonie, les caresses et les baisers échangés : « Tes lèvres contre les miennes. / Unissons-les. » Les dernières phrases de Manon, au moment où elle revoit sa « jeunesse », expriment bien, comme l’indique Prévost, son amour sincère : « Elle t’aimait follement, Manon, tu sais ? » Enfin, c’est à Manon aussi que Puccini attribue l’aveu de culpabilité, « Sur mes fautes c’est l’éternel oubli », l’idée donc d’une rédemption apportée par la mort, et elle répète l’affirmation du héros, « Nos flammes sont éternelles » en exhalant son dernier souffle: « nos amours... vivront... ». La musique s'intensifie alors pour souligner la douleur de l'amant abandonné . 

Étude d’ensemble  : Le romanesque 

Rappelons les critères qui fondent, des l’origine du « roman », ce que l’on nomme "le romanesque"  :

Il met en scène des personnages qui sortent de la norme , originaux par leur façon de plonger dans le rêve, dans l’imaginaire, emportés par leurs élans sentimentaux. Il leur fait parcourir des lieux pittoresques et leur attribue des comportements qui s’écartent de la banalité du réel, et prouvent leurs qualités exceptionnelles.

Il implique une suite d’événements, des péripéties inattendues , conduisant à des conséquences contrastées, tantôt l’échec, tantôt le succès, mais toujours perçues comme excessives. L’objectif du romancier est donc de toujours surprendre le lecteur , de le captiver par une lecture divertissante.

L’étude observera donc la présence de ces critères dans la construction de l’intrigue, dans l’élaboration des personnages et dans l’écriture de Prévost .

Conclusion 

Réponse à la problématique  .

Rappelons la problématique qui a guidé cette étude du roman : Comment le parcours prêté par le romancier aux deux amants met-il en valeur le conflit entre la passion qui les anime et les valeurs sociales ? 

Un parcours amoureux

De la première rencontre entre les deux jeunes gens à Amiens dans la cour d’une hôtellerie jusqu’à la douloureuse agonie de Manon dans un paysage désolé de Louisiane, nous avons pu mesurer l’itinéraire de ces amants, de rares moments heureux interrompus par de multiples péripéties . Prévost dépeint ainsi une passion, née au premier regard de des Grieux sur les « charmes » de Manon, avec tous les excès qu’elle implique. Nous nous sommes ainsi interrogés sur la réciprocité de cette passion , car Manon domine bien souvent le jeune homme, incapable de lui résister quand elle implore son pardon à chacune de ses trahisons, et qui l’accompagne jusqu’à la mort. Mais cette mort, précisément, apporte une réponse car, éloignée en Louisiane des plaisirs mondains, Manon répond alors pleinement et sincèrement à l’amour que lui voue des Grieux , qu’elle exprime dans ses derniers moments.

La passion en lutte contre la société

Cela conduit à proposer une autre interprétation du roman : l’échec de cet amour viendrait, en fait, des obstacles nombreux que lui oppose la société , à commencer par l’ordre monarchique qui place des Grieux sous le pouvoir absolu de son père en lui interdisant la transgression de son statut social que représenterait un mariage avec une fille sans noblesse. Le second obstacle vient de l’évolution de cette société qui fait du plaisir, des divertissements, donc de l’argent que cela nécessite, des valeurs hédonistes que tous pratiquent. Des hommes comme M. de B…, le vieux M. de G…M… et même son fils, qui, séduits par Manon, sont prêts à payer pour en acquérir la possession, donnent eux-mêmes des exemples de cette corruption mondaine . Dans ce contexte, comment les jeunes amants peuvent-ils survivre, sinon en exploitant eux-mêmes ces êtres corrompus, en choisissant à leur tour la corruption : tricher aux cartes, mentir, escroquer, et même tuer pour fuir la prison… ? Prévost, en les menant de péripétie en péripétie, avec les châtiments qui leur sont infligés, prison, déportation..., ne leur laisse que le choix, finalement, de se soumettre aux codes de cette société . Cependant, au moment même où ils se soumettent, des Grieux venant solliciter auprès du gouverneur de la Nouvelle-Orléans le droit de régulariser sa situation en épousant Manon, arrive l’ultime échec, la mort de l’héroïne.

Les ressources du romancier

Cet itinéraire est mis en valeur par les deux choix qui soutiennent le roman :

        En présentant son roman comme un récit, fait a posteriori lors de la seconde rencontre de des Grieux avec l’« homme de qualité », le marquis de Renoncour qui l’inclurait dans ses Mémoires , Prévost peut jouer sur la temporalité : tantôt nous voyons les personnages dans leur  existence passée , tantôt il nous ramène au présent du récit . Cela lui permet alors d’introduire un recul du narrateur – qui, lui, connaît la fin de l’histoire – de formuler des réflexions, des regrets, des explications, tout en stimulant la curiosité de son destinataire fictif, le marquis, mais aussi réel, le lecteur.

      D’autre part, à travers les péripéties, Prévost fait alterner des tonalités bien différentes . Tantôt, les événements font sourire , notamment quand les deux héros élaborent des stratagèmes cocasses pour arriver à leurs fins : la tromperie du vieux G… M… rappelle une scène de comédie. Tantôt, au contraire, la tension s’accentue, et les sentiments sincères des héros en font des victimes. L’expression lyrique, même si elle reste encore discrète, ne peut que toucher le lecteur, et le récit s’inscrit alors dans la tonalité pathétique et même, parfois, en donnant l’impression que la fatalité les écrase, dans le tragique .

Le roman de Prévost se situe donc au confluent de deux tendances du XVIIIème siècle : d'un côté, le libertinage propre à la société s'inscrit pleinement dans les portraits des personnages et les aventures qui leur sont prêtées, de l'autre, la montée du courant sensible explique la place accordée à l'expression des sentiments.

Lecture cursive : Le dialogue avec Tiberge à Saint-Lazare  

Alors qu’il est retenu prisonnier à Saint-Lazare, des Grieux n’a qu’une idée en tête : s’évader pour retrouver Manon, elle aussi prisonnière, à l’Hôpital. Mais pour cela il a besoin  d’aide : par son comportement qui joue la soumission et par le réel chagrin qu’il montre, il obtient du Père supérieur de recevoir la visite de son ami Tiberge , qu’il veut charger d’une lettre prétendument adressée à une connaissance, mais qui en contient une autre, destinée à Lescaut.  Comme à chacune des péripéties, Tiberge tente de ramener son ami à la vertu, ce qui conduit à un vif débat .

La confession de des Grieux (1er paragraphe)

Depuis la première rencontre entre des Grieux et Manon, Tiberge a alerté son ami sur les dangers de cette relation amoureuse, en vain. Mais cela n’a pas mis fin à leur amitié, même si au début de leur entretien des Grieux associe sa confession sincère à un mensonge "par omission" : « Je lui ouvris mon cœur sans réserve, excepté sur le dessein de ma fuite. » Il lui confirme sa passion, en reconnaissant sa culpabilité morale : « Si vous avez cru trouver ici un ami sage et réglé dans ses désirs, un libertin réveillé par les châtiments du ciel, en un mot, un cœur dégagé de l’amour et revenu des charmes de Manon, vous avez jugé trop favorablement de moi. » Cet aveu sincère traduit aussi sa lucidité : il est parfaitement conscient des dangers de la passion , qualifiée d’ailleurs de « fatale tendresse », dans le double sens de l’adjectif, à la fois une destinée irrésistible mais aussi une promesse de châtiment. Mais le parallélisme « toujours tendre et toujours malheureux » et la double affirmation qui suit montrent qu’il n’est pas prêt à renoncer à son amour  : « Vous me revoyez tel que vous me laissâtes il y a quatre mois », « je ne me lasse point de chercher mon bonheur. »

Le blâme adressé par Tiberge (2ème paragraphe)

Tiberge a suivi, lui, le parcours initialement prévu pour des Grieux, au sein de la religion, ce qui explique l’argumentation de sa riposte, un blâme violent : « l’aveu que je faisais me rendait inexcusable ». C’est précisément la lucidité de Des Grieux qui soutient son argumentation critique et son appel à la raison . Tiberge se montre, en effet, prêt à excuser ceux qui sont « dupes de l’apparence » en confondant le « faux bonheur du vice » au « vrai bonheur de la vertu ». Mais des Grieux ne bénéficie pas de cette circonstance atténuante puisqu’il persiste à se « précipiter volontairement dans l’infortune et dans le crime », conséquences d’une passion dont il reconnaît qu’elle est « fatale ».

Tony Johannot, Le dialogue des deux amis, 1839

Tony Johannot, Le dialogue des deux amis, 1839

L'argumentation de des Grieux (3ème paragraphe)

Ponctuée de questions rhétoriques, la longue argumentation de des Grieux repose sur une habile comparaison entre la morale religieuse, défendue par Tiberge, et la morale hédoniste qu’il défend , à partir du constat que, dans les deux cas, le « bonheur » promis ne s’obtient qu’à travers les souffrances : « Or, si la force de l’imagination fait trouver du plaisir dans ces maux mêmes, parce qu’ils peuvent conduire à un terme heureux qu’on espère, pourquoi traitez-vous de contradictoire et d’insensée dans ma conduite une disposition toute semblable ? » Il se compare ainsi à un martyr qui, pour atteindre le bonheur que lui promet sa foi – la sienne étant sa passion pour Manon –, est prêt à subir les pires souffrances : « je tends, au travers de mille douleurs, à vivre heureux et tranquille auprès d’elle. » Mais sa comparaison va encore plus loin et touche au blasphème , puisqu’il proclame la certitude qu’un bonheur terrestre, « proche » et « sensible au corps », est préférable à un bonheur céleste, « éloigné » et que nul ne peut définir car il relève de la seule « foi » religieuse. Le blasphème consiste à placer ce qui relève du corps, donc le matérialisme, au-dessus de ce qui touche à l’âme , part supérieure de l’homme pour un croyant et propre à assumer son salut éternel.

La réaction de Tiberge (4ème paragraphe)

Prévost sait très bien qu’il prête à son héros un raisonnement irrecevable dans une optique religieuse, et  le personnage de Tiberge lui  permet d’atténuer cette audace par sa réaction indignée , renforcée d’abord par la redondance dans le discours indirect, « c’était un malheureux sophisme d’impiété et d’irréligion », puis par les hyperboles violemment critiques : « une idée des plus libertines et des plus monstrueuses. » Mais rappelons que la présence de ce personnage, représentant de la stricte morale chrétienne , n’empêchera pas le roman d’être frappé de censure, lors de sa parution en France.

POUR CONCLURE

Ce dialogue pose une question philosophique fondamentale, celle de la « quête du bonheur », objet de bien des écrits au siècle des Lumières . Elle oppose les tenants de la morale religieuse , qui placent le bonheur dans le paradis de l’au-delà, auquel seules la vertu et la vie spirituelle permettent d’accéder, et ceux qui prônent une morale hédoniste , la jouissance des plaisirs terrestres, comme le fait Voltaire en s’écriant dans Le Mondain en 1736 : « Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde. / Ô le bon temps que ce siècle de fer ! » Notons d'ailleurs que l’existence même de Prévost oscille pendant longtemps entre ces deux pôles, la religion et le libertinage.

Devoir  : Dissertation  

Pour lire le corrigé proposé.

SUJET   :   Dans son « Avis de l’auteur des Mémoires d’un homme de qualité », qui sert de préface à son roman, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut , paru en 1731, Prévost affirme qu’« on y trouvera peu d’événements qui ne puissent servir à  l’instruction des mœurs » et il précise : « c’est rendre, à mon avis, un service considérable au public que de l’instruire en l’amusant. »

Ce double objectif vous paraît-il atteint ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé, en vous appuyant sur le roman de Prévost, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.

Manon Lescaut

Pour abbé prévost, manon lescaut citations et analyse.

Fatale passion ! Hélas ! N’en connaissez-vous pas la force ; et se peut-il que votre sang qui est la source du mien, n’ait jamais ressenti les mêmes ardeurs ! L’amour m’a rendu trop tendre, trop passionné, trop fidèle, et peut-être trop complaisant pour les désirs d’une maîtresse toute charmante ; voilà mes crimes ! En voyez-vous là quelqu’un qui vous déshonore ?

Cette citation pleine de lyrisme prononcée par Des Grieux intervient lorsque ce dernier, après avoir été libéré de prison suite à une escroquerie, reçoit la visite de son père. Le jeune homme tente de convaincre son père de faire libérer Manon à son tour et lui éviter ainsi d’être exilée en Amérique.

Presque construite à la manière d’une tirade, cet extrait permet d’illustrer l’ardeur des sentiments de Des Grieux. Ici, le héros tente d’exprimer, en vain, la puissance de la passion qui l’anime afin de convaincre son père. Elle montre la fatalité de cet amour et du destin des deux amants dont Des Grieux est parfaitement conscient. L’usage d’un champ lexical emprunté à la tragédie ainsi que d’une ponctuation expressive permettent d’illustrer la puissance des sentiments du héros, entrant alors en conflit avec les valeurs morales prônées par son père. Cette citation met en lumière le sentiment d’incompréhension et de marginalisation de Des Grieux vis-à-vis des attentes de la société de son temps. C’est un évènement clé du roman, à l’origine du déclenchement de l’issue fatale du récit.

Manon était passionnée pour le plaisir. Je l’étais pour elle.

Cette citation, attribuée à Des Grieux, est prononcée après l’épisode de Saint Sulpice. Alors que les amants étaient séparés et que Des Grieux avait repris le chemin du séminaire, une visite de Manon au parloir ravive ses sentiments et le couple part alors s’installer ensemble à Chaillot. Cette phrase est alors prononcée par le jeune homme à l’issue d’une conversation portant sur les dépenses du couple.

Cette citation permet parfaitement d’illustrer la dissymétrie des deux personnages. Le goût de Manon pour les plaisirs et le luxe est mis en comparaison avec la passion absolue de Des Grieux pour la jeune femme. Elle permet donc d’illustrer l’inégalité des sentiments au sein du couple dont Des Grieux est conscient. Sa dimension tragique réside dans le fait qu'elle annonce les multiples tromperies et trahisons de Manon dans la suite du récit.

Ils sont bien aimables en effet l’un et l’autre ; mais ils sont un peu fripons.

Voici une citation prononcée par le vieux G.M pour désigner le couple de Manon et Des Grieux. Au-delà de nous renseigner sur la personnalité des deux personnages principaux, elle permet surtout de caractériser l’ensemble du roman écrit par l’Abbé Prévost, à la fois plaisant et immoral. Le plaisir du lecteur tient au caractère ambivalent des deux héros qui, malgré leurs vices et mœurs dissolues, restent touchant par leur humanité et la sincérité de leur amour. Elle fait d’ailleurs écho à la citation de Flaubert à propos de Manon et Des Grieux, que l’auteur désigne comme « deux héros si vrais, si sympathiques, si honorables, quoiqu’ils soient fripons ».

Je veux vous apprendre non seulement mes malheurs et mes peines, mais encore mes désordres et mes plus honteuses faiblesses.

Cette phrase, que Des Grieux prononce à destination du marquis de Renoncour au début du roman, s’adresse de manière indirecte au lecteur qui s’apprête à lire le récit de ses aventures. Ayant une valeur introductive, elle annonce la suite du récit et permet de créer un effet de d’attente pour le lecteur. Elle illustre l’état d’esprit de Des Grieux à la suite de son histoire avec Manon et anticipe les péripéties du roman tout en exprimant la souffrance et les regrets du héros.

Nous nous imaginâmes, comme des enfants sans expérience, que cette somme ne finirait jamais.

Cette citation, issue des premières pages du roman, illustre à la fois l’innocence et l’extrême jeunesse des personnages âgés respectivement de dix-sept et seize ans lors de leur première rencontre. Elle préfigure les mauvaises décisions prises par les deux héros et tente de les justifier par leur immaturité et leur manque d’expérience. Cette citation permet également de mettre en lumière un thème majeur du récit : l’argent. En effet, l’amour de Manon pour le luxe et les plaisirs contraint le couple à commettre différents vols et escroqueries les conduisant vers une issue tragique. L’argent joue donc un rôle clé dans le récit et est à l’origine des malheurs du couple.

Elle pèche sans malice, disais-je en moi même; elle est légère et imprudente, mais elle est droite et sincère. Ajoutez que l'amour suffisait seul pour me fermer les yeux sur toutes ses fautes.

Ces mots prononcés par Des Grieux à propos de Manon permettent de dresser au lecteur un portrait de la jeune femme. L’opposition des termes « légère et imprudente » et « droite et sincère » illustre le caractère ambivalent de la jeune femme. La dernière phrase, quand à elle, en dit plus sur le héros que l’amour aveugle. Ainsi, ce dernier est prêt à tout pardonner à sa maitresse par amour. C’est cette passion irraisonnée qui conduira Des Grieux sur le chemin de la débauche.

Il est sûr que, du naturel tendre et constant dont je suis, j'étais heureux pour toute ma vie, si Manon m'eût été fidèle.

Cette phrase concentre la souffrance profonde de Des Grieux, amoureux inconditionnel d’une femme légère et infidèle. Elle illustre le caractère destructeur de la passion amoureuse. La construction de la phrase, reportant à la fin la subordonnée de condition introduite par la conjonction « si », donne un caractère tragique à la réflexion de Des Grieux, condamné à souffrir de son amour pour Manon.

C'est à la Nouvelle-Orléans qu'il faut venir, disais-je souvent à Manon, quand on veut goûter les vraies douceurs de l'amour. C'est ici qu'on s'aime sans intérêt, sans jalousie, sans inconstance.

Cette phrase attribuée à Des Grieux intervient à la fin du roman, alors que le héros a suivi Manon dans son exil en Amérique. Elle illustre un moment clé du récit, précédant l’enchainement tragique des événements. À ce moment là, l’espoir renait chez les deux amants. La Nouvelle-Orléans est perçue comme un espace incarnant la liberté et annonce un nouveau départ pour le couple. Cette promesse faite par Des Grieux est d’autant plus tragique que c’est suite à leur arrivée dans cette nouvelle ville que Manon trouve la mort.

Dans l’état où nous sommes réduits, c’est une sotte vertu que la fidélité. Crois-tu que l’on puisse être bien tendre lorsqu’on manque de pain ?

Ces mots sont ceux que Manon écrit dans sa lettre adressée à Des Grieux avant de le quitter. C’est une des rares fois où l’héroïne s’exprime par elle-même et non pas par le biais d’un autre personnage. La jeune femme assume ici son goût du luxe et justifie son infidélité par sa peur de la pauvreté. L’amour est, pour Manon, conditionné par le confort et l’argent à l’inverse de Des Grieux pour qui l’amour est inconditionnel.

J'avais perdu, à la vérité, tout ce que le reste des hommes estime; mais j'étais le maître du cœur de Manon, le seul bien que j'estimais.

Cette phrase prononcée par Des Grieux illustre la marginalisation du jeune homme dès sa rencontre avec Manon. Bien qu'issu d’une bonne famille et incarnant un certain nombre de vertus morales, la passion que Des Grieux éprouve pour sa maitresse le pousse à transgresser un grand nombre de ces valeurs. C'est sa passion amoureuse qui domine et détermine désormais l'ensemble de ses décisions.

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Questions et Réponses par Manon Lescaut

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    Le libertinage est un thème clé du roman, en lien avec son contexte de publication. L'Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut met en scène le libertinage des mœurs incarné principalement par la figure de Manon. Cette dernière en quête de plaisirs et d'argent s'affranchit de la morale et des bonnes mœurs pour assouvir ...

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    Abbé Antoine Prévost — Manon Lescaut. Le coeur n'a pas besoin de se consulter longtemps pour sentir que, de tous les plaisirs, les plus doux sont ceux de l'amour. Abbé Antoine Prévost — Manon Lescaut. Je lui dis qu'une entreprise, telle que je la méditais, ne pouvait paraître raisonnable qu'après avoir réussi.